C'est un refrain qui fait désormais partie de l'histoire. Une «menace existentielle de l'OTAN pour l'Occident», la «libération du peuple russophone dans le Donbass» ou encore la «dénazification et la démilitarisation»: autant d'arguments qui ont été utilisés par le Kremlin pour justifier l'invasion de l'Ukraine. Ils ont tous été martelés avec véhémence par Moscou, pour convaincre le peuple russe de l'utilité de cette «opération militaire spéciale».
Il est apparu très tôt que les arguments des dirigeants du Kremlin n'étaient guère valables. Mais jusqu'à présent, on ne savait pas pour autant ce qui avait réellement poussé le président russe Vladimir Poutine à envahir le pays. Le think tank américain Institute for the Study of War (ISW) tente désormais de faire la lumière sur cette question.
Selon cet institut, Poutine n'a pas envahi le pays voisin par peur d'une confrontation directe avec l'OTAN. Le chef du Kremlin aurait plutôt cru que l'alliance de défense occidentale était extrêmement faible et qu'il pourrait reprendre rapidement et facilement le contrôle de l'Ukraine. Depuis l'invasion du Donbass en 2014, Poutine utilisait déjà différents moyens au niveau politique et militaire pour parvenir à cette fin, analysent les experts militaires.
La bulle pandémique comme catalyseur
Le Kremlin aurait ainsi établi un partenariat étroit avec la Hongrie, membre de l'OTAN. Objectif: bloquer les résolutions liées à une éventuelle adhésion de l'Ukraine à l'OTAN. En outre, le Kremlin a lancé très tôt «une campagne ciblée visant à s'approprier le président turc Recep Tayyip Erdogan», écrit l'ISW dans son rapport. Tout ceci dans le but de diviser les pays de l'OTAN et pour viser la dissolution de l'alliance militaire.
Après des années d'efforts au niveau politique, Poutine a ensuite sombré dans une «bulle idéologique et autoréflexive» pendant la pandémie, poursuit l'analyse. Le chef du Kremlin était alors de plus en plus obsédé par l'idée de contrôler l'Ukraine. Poutine croyait fermement que la Russie avait été humiliée par l'Occident après la chute de l'Union soviétique. «Il est obsédé par le passé et a perdu tout intérêt pour le présent», écrivait déjà en 2022 le journaliste russe Mikhaïl Sygar dans un article du «New York Times».
Une solution diplomatique «à peine envisageable»
Le fait que l'Ukraine puisse adhérer à l'OTAN n'était donc pas un objectif de l'invasion, poursuit l'ISW. Au début de la guerre, l'Ukraine était très loin d'un tel scénario et les négociations n'avaient pas progressé depuis des années. L'extension du pouvoir de la Russie, la prise de l'Ukraine et la dissolution de l'alliance militaire de l'OTAN étaient en revanche les buts recherchés. Autrement dit, une sorte de vengeance personnelle de Poutine contre l'Occident pour la période qui a suivi la fin de l'Union soviétique.
En raison de l'impasse dans laquelle se trouve désormais le président russe, une solution au niveau diplomatique n'est guère envisageable, écrit l'ISW. Au cours des dernières semaines, Poutine a certes fait comprendre à plusieurs reprises qu'il était prêt à discuter, mais uniquement aux conditions de la Russie. Celles-ci impliquent par exemple que l'Occident reconnaisse la péninsule de Crimée annexée comme territoire russe.
Pour les experts du groupe de réflexion, il est donc clair qu'«il n'y a pas d'autre voie pour la paix que d'infliger à la Russie une défaite militaire sans équivoque. Cette guerre ne peut prendre fin que si Poutine sait qu'il ne peut pas gagner».