«ChatGPT, l'intelligence artificielle (IA) va-t-elle remplacer nos emplois?» La réponse du chatbot le plus populaire du monde en ce moment est diplomatique: «Dans l'ensemble, l'IA va remplacer certains emplois, mais elle va aussi en créer de nouveaux.»
Cela ne se passe pas seulement dans la lointaine Silicon Valley, mais aussi en Suisse orientale, à Glaris ou dans le canton d'Argovie. L'Observatoire du marché du travail de la Suisse orientale, d'Argovie, de Zoug et de Zurich (Amosa) a mené une étude sur le sujet. «Chacun d'entre nous est concerné par ce changement», a souligné la conseillère d'État zurichoise Carmen Walker-Späh (PLR), à la tête de la Direction de l'économie, lors de la présentation de l'étude.
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L'industrie low-tech perd du terrain
La conclusion: dans le sillage des bouleversements provoqués par l'automatisation, la numérisation et l'intelligence artificielle, les rapports de force sur le marché du travail se sont nettement modifiés au cours des dix dernières années dans les dix cantons étudiés – ces derniers représentent tout de même la moitié de la Suisse alémanique.
Le secteur des services, mesuré en nombre d'emplois, a progressé de 4% depuis 2010. En revanche, le secteur industriel représente aujourd'hui 3% d'emplois en moins sur l'ensemble du marché du travail.
L'industrie low-tech – qui emploie des techniques durables et simples – est particulièrement touchée, comme les industries de l'habillement ou du papier, où le nombre de postes est en baisse. Un emploi sur cinq dans ce secteur a disparu au cours des dix dernières années. En revanche, l'industrie high-tech, dont l'industrie pharmaceutique, a le vent en poupe.
Des diplômes de plus en plus élevés
Les exigences envers les travailleurs augmentent d'année en année. Plus d'une personne sur deux possède désormais un diplôme de formation tertiaire (école supérieure, université ou haute école spécialisée). C'est 12% de plus qu'en 2010.
Le changement structurel sur le marché du travail n'est pas nouveau, indique l'étude. Mais le rythme du changement s'est intensifié, poussé aussi par la pandémie de Covid-19: les réunions virtuelles sont désormais tout aussi fréquentes que les réunions physiques. «Cette transformation est loin d'être terminée», affirme Carmen Walker-Späh.
Les jeunes professionnels particulièrement touchés
Les emplois des auxiliaires non qualifiés ne sont pas les seuls à être sur la sellette. En raison des changements structurels actuels, ce sont même plutôt les travailleurs ayant un niveau de formation moyen et les personnes hautement qualifiées qui sont touchées. Dans les jobs de bureau et de secrétariat ou dans le marketing et la vente, les possibilités d'utilisation de l'intelligence artificielle sont élevées. En revanche, les emplois d'agents d'entretien, d'ouvriers du bâtiment ou d'employés de la restauration sont plus difficiles à remplacer par l'IA et l'automatisation.
Pour les employés de bureau ou les spécialistes en marketing, la suppression de leurs activités par l'IA est cependant «peu probable» actuellement, indique l'étude. Mais ils doivent se préparer à de grands changements. En plus de ça: «Un niveau de formation élevé ne protège pas contre les lacunes au niveau des compétences», précisent les auteurs de l'étude.
Ainsi, de nombreux emplois nécessitent de plus en plus de compétences en matière d'analyse de données et de connaissances en programmation – des atouts que même les diplômés universitaires n'ont pas, à la base.
Les femmes et les jeunes professionnels entre 15 et 24 ans sont plus touchés que la moyenne par les bouleversements du marché du travail, car ils sont plus souvent actifs dans des domaines professionnels qui sont au centre des changements actuels.
Les personnes qui changent de voie sont demandées
La bonne nouvelle est la suivante: le système éducatif suisse peut faire en sorte que les gens ne se retrouvent pas au chômage à la suite des changements structurels sur le marché du travail – mais qu'ils puissent se former et changer d'emploi.
Au final, ils se retrouveraient avec un emploi moins routinier et plus axé sur des activités cognitives. Le revers de la médaille? Les emplois seraient, certes, plus attractifs, mais pourraient aussi entraîner du stress et un surmenage chez les travailleurs, selon les auteurs de l'étude.
L'étude demande que les reconversions soient encouragées. La pénurie de main-d'œuvre qualifiée alimente cette tendance, car les entreprises sont tributaires de l'adéquation entre la main-d'œuvre disponible et les postes vacants. Pour y parvenir, il est important de moins tenir compte à l'avenir des diplômes formels, de moins penser en termes de domaines professionnels traditionnels, mais de se concentrer sur les compétences réellement nécessaires pour un emploi.