La percée technologique de cette dernière année, c’est assurément celle des intelligences artificielles (IA) capables de répondre à des questions complexes instantanément, de rédiger des contenus pointus ou d’écrire du code. Le boom de ChatGPT, en particulier, a relancé l’engouement des investisseurs pour l’IA. L’essor de ce fameux chatbot, qui a passé avec succès des examens de MBA, a été fulgurant.
Développé par l’entreprise californienne OpenAI, ChatGPT a vu son nombre d’utilisateurs passer de zéro à son lancement le 30 novembre 2022, à 100 millions aujourd’hui. Sa valeur d’entreprise atteignait 30 milliards de dollars après 2 mois d’existence. Nombre de personnes se demandent alors: comment investir dans ChatGPT et quels sont les risques?
Leaders pas forcément satisfaisants
Le hic, c'est que ChatGPT n’est pas coté en bourse, ni son propriétaire, la startup OpenAI. L’une des façons d’investir dans ChatGPT est d’acheter des actions de Microsoft. Le géant de l’informatique a parié juste, en misant dès 2019 sur Open AI. Leur partenariat portait sur la création par Microsoft du superordinateur qui a permis de propulser ChatGPT. Microsoft est, depuis lors, le principal investisseur dans ChatGPT, avec une mise de fonds de 10 milliards. L’action de la multinationale gagne 27% cette année, car elle est bien placée pour profiter des résultats futurs de ChatGPT. Le défaut d’investir dans un géant comme Microsoft est qu’il n’offre qu’une exposition partielle à ChatGPT.
Autre acteur très bien profilé pour tirer avantage de l’essor des IA, Nvidia est leader dans le secteur des semi-conducteurs. Ses circuits électroniques intégrés ont été indispensables au supercalculateur que Microsoft a créé pour ChatGPT. Sans Nvidia, Microsoft n’aurait pas pu fournir la puissance de calcul requise pour traiter les gigantesques quantités de données ingérées par ChatGPT et pour faire fonctionner l’apprentissage machine, au cœur du modèle ChatGPT, comme l’a révélé une enquête de Bloomberg. Ce n’est pas pour rien que les actions de Nvidia se sont envolées de 90% cette année.
Les actions de Perion Network peuvent également être potentiellement intéressantes à acquérir. En effet, cette petite société cotée au Nasdaq est une plateforme de publicité digitale partenaire de Bing, le moteur de recherche de Microsoft. Le lancement de la nouvelle version de Bing est le projet phare de Microsoft actuellement, car il sera basé sur ChatGPT et pourrait bien gagner des parts de marché aux dépens du leader des moteurs de recherche, Google. La croissance des revenus de Perion sera fonction directe des parts de marché gagnées par Bing et pourrait être exponentielle, mais seulement si Bing décolle.
Attention à la hype
Plus généralement, les titres de l’IA aux Etats-Unis sont déjà très investis et donc plutôt chers. On a assisté à un véritable «hype» (surchauffe) sur les titres liés à l’IA récemment, en raison du regain d’intérêt pour ce secteur. Par exemple, l’action du fournisseur californien de logiciels IA pour entreprises, C3.ai, a gagné 59% cette année. Autre indicateur de «hype», la startup Character.AI, fondée par d’ex-employés de Google, était valorisée à 1 milliard de dollars après 16 mois d’existence.
D’autres véhicules, comme les ETF (fonds indiciels) exposent plus largement les investisseurs à la croissance fulgurante de l’IA, qui est aujourd’hui à la base de très nombreuses activités: robotisation des usines, algorithmes de gestion du service à la clientèle, apps mobiles, des plateformes de vidéo à la demande (Netflix), des livraisons (Amazon), création de contenus, transports (voitures autonomes), fonctions ménagères, systèmes de sécurité et de vidéosurveillance.
Parmi les ETF qui agrègent des actions liées à l'IA, citons le Global X Robotics & Artificial Intelligence ETF. Émis aux États-Unis par une firme sud-coréenne, cet ETF existe depuis 2016. A fin mars, il détenait 49 actions d'IA différentes, essentiellement aux États-Unis et au Japon. On y trouve des spécialistes de robotique japonais (Keyence, Fanuc), des groupes californiens (Nvidia, Intuitive Surgical) et même des titres suisses comme ABB.
Autre ETF, le ROBO Global Robotics and Automation Index ETF. Créé en 2013 par une firme new-yorkaise et axé lui aussi pour l’essentiel sur des titres américains et japonais, il détient 79 titres du secteur robotique, IA et technologies liées. Citons encore l’ETF de BlackRock, iShares Robotics and Artificial Intelligence ETF, lancé en 2018. Il détient 117 titres et mise à plus de 50% sur le marché américain, puis chinois, japonais et taïwanais. Et enfin, l’ETF First Trust Nasdaq Artificial Intelligence, émis par une firme américaine, qui regroupe 107 titres à 50% situés aux Etats-Unis, puis au Japon et dans le reste du monde. Sa principale position à fin mars est le titre californien déjà mentionné C3.ai (qui pèse 2,75% du portefeuille).
La Chine comme prochain leader mondial de l'IA?
Comme on le voit, investir dans l’IA reste très largement une affaire américaine et souvent californienne. Qu’en est-il de l’IA en Chine? Là, il y a peut-être un potentiel encore peu exploité. En effet, si les États-Unis sont le leader des nouvelles entreprises d’IA, la Chine arrive en deuxième place et n’ambitionne rien de moins que d’être le leader mondial de l’IA d’ici 2030. Pour les investisseurs intéressés, il vaut mieux regarder des plus près. Les géants Baidu, Alibaba et Tencent, tous cotés à Hong Kong, et aux États-Unis pour Baidu et Alibaba, travaillent les trois au lancement de leurs propres «ChatGPT» locaux. Acheter ces trois titres, alors qu’ils sous-performent leurs pairs occidentaux cette année, pourrait s’avérer un bon pari (qui a ses risques) sur l’essor de leurs futures technologies IA. Baidu pourrait lancer son propre chatbot IA cette année encore, et il sera probablement intégré à son moteur de recherche. Alibaba a aussi annoncé un chatbot pour cette année.
Attention, on ignore encore à quel point ces algorithmes seront compétitifs par rapport à ChatGPT. Mais ils auront un avantage clé sur leur concurrent américain: c’est d’être chinois, et donc d’avoir l’accès privilégié à ce marché. En effet, ChatGPT aura du mal à conquérir le marché chinois en raison non seulement de la maîtrise de la langue, mais surtout du protectionnisme de Pékin. D’autres spécialistes chinois de l’IA deviennent leaders au niveau national, comme iFlyTek, Cloudwalk et Cambricon. Ils sont cotés à la bourse chinoise et donc difficiles d’accès. Des startups chinoises de l’IA, comme NetEase et Zhihu, sont toutefois plus accessibles à l’investisseur occidental, car elles sont cotées aux États-Unis.
L’essentiel passe par le capital-risque, mais les tickets sont gros
Enfin, une très large partie des investissements dans l’IA passe par les fonds de capital-risque, qui financent les startups de l’IA non cotées en bourse. C’est en entrant à ce stade-là que le potentiel de gains est à son maximum. Mais ces fonds sont trustés par les grandes fortunes via des family offices, qui doivent souvent être accrédités, et par les investisseurs institutionnels qualifiés. Le ticket d’entrée mininal dans ces fonds de capital-risque peut aller de 1 à 5 millions de dollars, voire commencer à 25 millions. Au niveau mondial, on estime que les investissements de capital-risque dans l’IA sont passés de moins de 3 milliards par an en 2012 à près de 75 milliards par an en 2020, à beaucoup plus encore en 2023, les valorisations de l’IA ayant explosé depuis fin 2022 avec l’arrivée de ChatGPT.