Au commencement, il y a les articles de Blick. D’abord, ce scoop sur le rappeur français Freeze Corleone, accusé d’antisémitisme dans ses textes mais relaxé par la justice française pour prescription. Puis, un article de fond sur sa venue à l’Arena de Genève dans le cadre du festival The Beat le 4 juin. Et enfin, une autre révélation: la prof genevoise accusée d’avoir fait un salut nazi en classe a été réintégrée dans son collège carougeois.
Désormais souvent corrélé au complotisme antivaccin, l’antisémitisme vit-il à nouveau ses plus beaux jours? D’où vient-il et que faire pour le combattre? Quelles sont les responsabilités du gouvernement israélien et des islamistes dans tout ça? Sur suggestion de notre journaliste Amit Juillard, Laetitia Guinand, présentatrice de l’émission «Le PoinG» sur Léman Bleu, a décidé d’organiser un débat thématique et potentiellement casse-gueule.
Enregistrées ce mercredi, les discussions — souvent intelligentes et audibles — sont à suivre ce dimanche 29 mai à 20h ou en replay sur le site internet de la télévision régionale genevoise. En avant-première, Blick vous livre quelques bribes de ces 52 minutes d’antenne.
«La situation s’est améliorée depuis l’Entre-deux-guerres»
«L’antisémitisme a pris différentes formes, de millénaire en millénaire, amorce Johanne Gurfinkiel, secrétaire général de la Coordination contre l’antisémitisme et la coordination (CICAD). Aujourd’hui, c’est l’addition de ces différentes formes.» Parmi lesquelles, les attaques dirigées contre les personnes juives pour des questions religieuses ou pour leur allégeance supposée aux actions du gouvernement israélien.
Sans oublier cette vieille rengaine chère à la complosphère et à l’extrême-droite: l’idée — sans fondement, faut-il encore malheureusement préciser — que les Juifs tirent toutes les ficelles du monde. Philippe Val, ancien directeur de «Charlie Hebdo» et de France Inter, ajoute notamment que l’antisémitisme de certains membres de la communauté musulmane en France est très fort.
La situation est-elle pire qu’avant? Non, souligne l’ancien ambassadeur d’Israël en France, Elie Barnavi. «A la différence de périodes antérieures, et c’est la bonne nouvelle, les États, les gouvernements ou la presse ne sont plus antisémites. On oublie souvent ce qu’était l’antisémitisme dans l’Entre-deux-guerres. Tout cela est fini.» Mais l’historien de préciser: «Il n’y a pas de doute qu’il y a une recrudescence, mais je ne crois pas que l’antisémitisme pourra se réinstaller au sommet des États. En France, même l’extrême-droite, toujours antisémite, ne peut plus faire de l’antisémitisme une politique!»
Peut-on critiquer Israël sans être antisémite?
Mais revenons à aujourd’hui. Quel rôle le conflit israélo-palestinien joue-t-il dans la résurgence de l’antisémitisme? L’antisionisme — mot qui peut prendre plusieurs sens — est-il le nouvel antisémitisme? Oui, pour Philippe Val et Johanne Gurfinkiel, surtout si on est opposé à l’existence de l’Etat juif. L’écrivain juif, suisso-turc, Metin Arditi exprime, lui, sa «gêne» face à ce raccourci.
Plus tard, le journaliste Amit Juillard, qui a séjourné dans les territoires occupés palestiniens, appelle à ne pas faire d’amalgame: à ses yeux, il faut pouvoir critiquer les actions parfois illégales au vu du droit international d’un gouvernement accusé de mener une politique d’apartheid par Amnesty International, sans le réduire au fait que ses membres sont Juifs. Un choix de mots qui a eu le don d’énerver Philippe Val…