Il y a deux ans, la vie de Marlies Müller* – âgée aujourd'hui de 88 ans – aurait pu changer brutalement, après plus de 50 ans passés dans une jolie maison mitoyenne près de Berne. En 2022, cette retraitée de longue date est tombée, se cassant les deux bras et une jambe. Ne pouvant plus monter les escaliers ni faire quoi que ce soit d'autre de manière autonome, elle a donc dû suivre une rééducation de quelques semaines. Une situation qui allait entraîner un bouleversement brutal. En effet, Marlies Müller a dû délaisser sa maison pour aller vivre en maison de retraite.
Ce changement, la pensionnaire n'a jamais été capable de l'accepter. «Dès le premier jour, j'ai dit que je retournerais chez moi», raconte-t-elle rétrospectivement. Car Marlies Müller a eu le privilège de toujours vivre entre ses quatre murs, même à un âge avancé. «Chez moi, je peux faire ce que je veux. Et je sais où sont mes affaires», déclare-t-elle fièrement.
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Aujourd'hui, elle vit toujours dans sa maison, notamment grâce à l'aide à domicile dont elle a pu bénéficier après l'accident. Une fois par semaine, une personne vient passer trois heures chez elle. La senior peut encore laver son linge et cuisiner elle-même. Mais son assistante fait les courses pour elle, nettoie sa maison, plie ses vêtements et les repasse. Une prestation que Marlies Müller paie 49 francs de l'heure.
Le secteur de la prise en charge va connaître un boom
Au cours des 20 prochaines années, un million de personnes nées en Suisse pendant le baby-boom (1945-1975) atteindront l'âge de 80 ans. C'est déjà le cas des premiers «boomers». Et nombre d'entre eux souhaitent d'ores et déjà une prise en charge à domicile. C'est le cas de Marlies Müller. Pour Heinz Locher, économiste de la santé à Berne, il est clair que «cette génération a besoin de plus de soins. Et ce, à la maison, pas dans des maisons de retraite». Il part du principe que ce marché connaîtra un boom dans les années à venir et générera des milliards de chiffre d'affaires. Mais Heinz Locher prédit également de gros problèmes pour le secteur. Et donc aussi pour nous en tant que société.
Car aujourd'hui déjà, le domaine des soins manque de personnel. Une pénurie qui devrait encore s'accentuer à l'avenir. Surtout parce que de nombreux employeurs ont créé de mauvaises conditions de travail pour leurs collaborateurs, déplore Heinz Locher, qui sait de quoi il parle: il y a quatre ans, lorsqu'il a dû recourir à une aide à domicile pour sa famille, il a découvert à quel point le marché était injuste pour le personnel de ce domaine.
C'est Claudine Chiquet qui était chargée à l'époque d'aider la famille de Heinz Locher. Elle était alors employée comme «caregiver», par Home Instead, un service d'assistance aux personnes âgées. L'entreprise a été fondée en 1994 aux Etats-Unis et propose aujourd'hui ses services sur plus de 1000 sites dans le monde, y compris en Suisse. Sur les 52 francs de l'heure que Heinz Locher a payés à Home Instead pour l'assistance, seuls 21 francs ont finalement atterri sur le compte de Claudine Chiquet.
Une révolution dans la branche
Ce qui faisait le plus de mal à l'époque, c'est qu'en tant qu'accompagnatrice, elle n'avait pas de revenu mensuel garanti. «Les clients pouvaient m'annuler à court terme s'ils n'avaient pas besoin d'assistance», raconte Claudine Chiquet. Dans ce cas, elle ne gagnait rien! Elle assumait donc l'ensemble des risques de l'entreprise. Celle-ci n'offrait en outre que peu de formations ou de formations continues pour le personnel.
Pour lutter contre de tels dysfonctionnements, Heinz Locher et Claudine Chiquet ont fondé en 2021 la start-up Care at Home Suisse. Ils veulent ainsi assurer la prise en charge des personnes âgées à domicile dans la région de Berne – et créer ainsi une révolution dans la branche. Leur équipe est désormais composée de dix personnes, chacune avec un taux d'occupation différent. Ils versent à leurs employés un salaire mensuel fixe de 5000 francs pour un travail à 100%, avec un 13e salaire. Ils offrent en outre des formations continues régulières. Une nouveauté sur ce marché très concurrentiel.
Une grande partie du personnel soignant en Suisse a suivi un cours d'auxiliaire de santé. La formation dure 42 heures et coûte environ 2000 francs, le prix exact dépendant du prestataire. «Une formation qui débouche souvent sur une impasse», regrette Heinz Locher. Car de nombreux employeurs ne financent pas de formation continue après le cours de base. Claudine Chiquet et Heinz Locher sont convaincus que seules des formations continues permettront de former suffisamment de personnel qualifié à long terme et de lutter ainsi contre la pénurie de personnel.
«Reconnaissante pour l'aide»
Mais cela ne suffit pas. «Une communication d'égal à égal et une véritable estime envers les employés sont également importantes», explique Claudine Chiquet. Les clientes et les clients profiteraient à leur tour d'un personnel motivé. C'est ce que confirme Marlies Müller. Elle aussi se fait encadrer par Care at Home Suisse.
Même si Marlies Müller est encore assez autonome dans son petit royaume: pour les choses qui lui sont difficiles, une employée de Claudine Chiquet est à ses côtés. «Au début, ce n'était pas facile d'accepter de l'aide. J'ai dû apprendre à le faire», raconte Marlies Müller. Entre-temps, elle s'y est bien habituée et elle se réjouit désormais que quelqu'un – en plus de sa famille – vienne régulièrement la voir. Elle n'a plus besoin de faire les courses et de plier le linge. Quoi de mieux que d'avoir de la compagnie quand elle en a envie: «Je suis reconnaissante pour cela!»
* Nom d'emprunt