Après plusieurs accidents
Les randonneurs sont-il assez sensibilisés aux risques de la montagne?

Cinq personnes ont perdu la vie ces dernières semaines lors de randonnées dans la région de l'Alpstein, dans les Alpes appenzelloises. Les randonneurs peu aguerris ont-ils été trop peu sensibilisés aux dangers de la marche en montagne?
Publié: 08.08.2022 à 06:10 heures
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La célèbre auberge de montagne Aescher attire de nombreux touristes et excursionnistes.
Photo: Shutterstock
Dana Liechti

En tapant le hashtag «Aescher» sur Instagram, on trouve plus de 15'000 contributions sur la célèbre auberge de montagne d'Appenzell Rhodes-Intérieures. Il y en a 76'500 pour «Seealpsee». Et même 145'000 pour «Alpstein», qui montrent des images pittoresques dans des montagnes impressionnantes. L'engouement pour la région de l'Alpstein est grand.

Mais aujourd'hui, ce lieu idyllique fait les frais de sa renommée. Depuis fin juin, cinq personnes ont été victimes d'un accident mortel lors d'une randonnée dans l'Alpstein, la dernière étant une femme de 31 ans et sa fille de cinq ans. Pour des raisons encore inconnues, elles sont tombées d'une pente sur le chemin de randonnée allant d'Äscher en direction d'Altenalp.

Les années les plus meurtrières depuis le début des relevés

Un coup d'œil sur les statistiques du Club alpin suisse le montre: les accidents de montagne mortels ont augmenté dans toute la Suisse. En 2021, 68 personnes ont perdu la vie lors d'une randonnée en montagne - un chiffre jamais atteint depuis le début des relevés en 1984. Mais quelles en sont les raisons? La randonnée est-elle devenue plus dangereuse?

Tout d'abord, il est important de mettre les chiffres en perspective, explique Patricia Cornali, porte-parole de Suisse Rando, l'association qui s'occupe de la planification et de s'assurer de la qualité de l'infrastructure des chemins. «Le nombre de décès est resté relativement constant au fil des ans, bien qu'il y ait parallèlement une augmentation marquée du nombre de randonneurs.» En 2007, environ un tiers des Suisses de plus de 15 ans faisaient de la randonnée, en 2013, ils étaient 44% et en 2019, 57%.

«Nous partons du principe que l'augmentation des accidents est surtout due à la popularité croissante de la randonnée, explique Patricia Cornali. Ainsi, il y a aussi plus de personnes qui viennent sur les sentiers plus compliqués avec une expérience insuffisante en matière de randonnée, ce qui peut dans certaines circonstances entraîner des accidents.» La météo joue également un rôle dans la recrudescence actuelle des cas, explique Monique Walter du Bureau de prévention des accidents (BPA). Mais le nombre d'accidents mortels lors de randonnées en montagne a également été élevé lors de belles années, comme en 2015, où 64 personnes ont perdu la vie.

Une bonne préparation est essentielle

Thomas Widmer est l'un de ceux qui s'y connaissent en matière de randonnée. L'auteur écrit depuis des décennies sur ce sport populaire. Selon lui, il faut faire attention à plusieurs choses avant de partir en randonnée: «Je veille à avoir de bonnes chaussures, j'ai des bâtons avec moi et j'étudie très précisément le terrain à l'avance à l'aide de cartes et de vidéos pour voir où cela pourrait être dangereux.»

En revanche, ceux qui se laissent inspirer par les réseaux sociaux pour leur prochaine excursion ont souvent une fausse image de la randonnée, qui est souvent très exigeante en montagne. Dans les faits, il est réjouissant de constater que les images spectaculaires incitent davantage de personnes à faire de la randonnée, déclare Patricia Cornali. Seulement, «on ne doit pas partir du principe que tout le monde a le niveau pour faire de la randonnée dans ces régions.»

Les connaissances sur les exigences des chemins de randonnée sont lacunaires

Une meilleure sensibilisation est nécessaire. En effet, bien que la randonnée soit l'activité de loisirs préférée des Suisses, selon un sondage du BPA, tous sont loin de connaître les exigences des différents chemins. Sur les chemins de randonnée de montagne balisés en rouge et blanc, par exemple, il faut avoir le pied sûr, ne pas être sujet au vertige et être en bonne forme physique. Or, 26% des personnes interrogées qui empruntent ces sentiers ont indiqué qu'elles n'étaient que moyennement ou pas du tout en forme. Près d'une personne sur cinq a avoué ne pas avoir le pied très sûr - et plus d'un tiers n'était pas conscient qu'il pouvait y avoir des endroits avec un risque de chute sur ces chemins.

Cela fait secouer la tête des spécialistes. Des connaissances lacunaires et une surestimation de soi font partie des principales raisons pour lesquelles les randonneurs se mettent en danger, explique Monique Walter. Mais il n'y a pas qu'une seule raison aux accidents. «C'est souvent un enchaînement de circonstances. Le chemin est peut-être mouillé, on porte des sandales, on doit se dépêcher parce que la dernière télécabine part bientôt et on a mal dormi la nuit précédente.»

Y a-t-il trop peu d'avertissements?

Mais n'est-il pas trop facile de rejeter la responsabilité sur les randonneurs? Enfin, ces derniers jours, des voix se sont élevées pour dénoncer les chemins dangereux de l'Alpstein et critiquer le manque d'avertissements. Un sentier de montagne aurait même été balisé en jaune, ce qui un chemin sans risques, par erreur.

Ce dernier point est confirmé par Guido Buob, directeur de l'office du tourisme du pays d'Appenzell. Sur un chemin, on avait installé provisoirement un panneau jaune indiquant la direction, car les gens allaient souvent dans la mauvaise direction. «Ce n'était certainement pas idéal, mais les panneaux indicateurs principaux, plus haut sur le parcours, portent les bonnes couleurs pour une randonnée en montagne.» Entre-temps, le panneau indicateur a été remplacé. Guido Buob rejette toutefois l'idée que les chemins sont dangereux. Selon lui, ils répondent aux exigences de qualité suisses.

«La sécurité absolue n'existe tout simplement pas en montagne»

«La sécurité absolue n'existe tout simplement pas en montagne», ajoute-t-il toutefois, même s'il réfléchit à la manière dont l'office du tourisme pourrait encore mieux sensibiliser les randonneurs. Le fait est que même les randonneurs invétérés se retrouvent de temps à autre dans des situations périlleuses.

C'est le cas de Thomas Widmer: «Une fois, lors d'une randonnée dans le canton de Lucerne, je me suis soudainement retrouvé dans le brouillard et j'ai quitté le chemin.» Mais cela ne lui a pas fait perdre le plaisir de la randonnée. Thomas Widmer ne pense pas non plus que les accidents qui se multiplient actuellement - aussi tragiques et incompréhensibles soient-ils - auront un impact sur l'envie de faire des randonnées dans le pays. Il espère quand même que cela aura une conséquence: «Que les gens fassent encore plus attention à l'avenir lorsqu'ils font de la randonnée.»

(Adaptation par Lliana Doudot)

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