Aucun secteur n’a été aussi touché par la pandémie que celui de l’aviation. Les compagnies aériennes sont dans le rouge et les patrons obligés de réduire leurs coûts. Beaucoup d’avions sont donc restés au sol et de nombreux employés ont été licenciés, ce qui a augmenté massivement la charge de travail des employés restants.
En août et en septembre, Blick rapportait que les syndicats et les employés des compagnies aériennes suisses se plaignaient de conditions de travail déplorables en dénonçant un climat de peur et de pression chez le personnel de cabine. Tous les employés qui avaient témoigné l’avaient fait anonymement.
Swiss a également dû supprimer des employés à cause de la pandémie de Covid-19. Un membre d’équipage par vol a été remercié et la durée de séjour sur les vols long-courriers a été réduite de deux à une nuit. «Les conditions de travail pendant la pandémie m’ont fait perdre l’envie de voler», avait déclaré Céline B.*, hôtesse de l’air, à Blick. Elle a fait le tour du monde avec Swiss pendant de nombreuses années et a pris une retraite anticipée.
Depuis les articles publiés cet été et les enquêtes menées depuis, plusieurs agents de bord suisses ont contacté Blick en lançant des appels à l’aide. Ils accusent Swiss d’amener les hôtesses de l’air et les stewards à bout. Selon eux la filiale de la compagnie allemande Lufthansa veut économiser le plus possible sur le personnel de cabine afin de rembourser au plus vite le prêt fédéral pour «que les managers puissent à nouveau percevoir leur prime» précisent-ils.
Swiss réagit avec un programme de soutien
Face à cette situation, Swiss a décidé de prendre position. Il est dans l’intérêt de l’entreprise dans son ensemble de rembourser le prêt fédéral le plus rapidement possible. «Nous ne pouvons accepter ces accusations», écrit la compagnie aérienne. Le travail du personnel de cabine est particulièrement exigeant et le contexte de la pandémie de Covid-19 a ajouté des défis supplémentaires comme dans toutes les compagnies aériennes.
Ce que Swiss ne déclare pas publiquement c’est que dans une lettre interne adressée au personnel, que Blick a pu consulter, la filiale de Lufthansa annonce un programme de soutien. Cette mesure s’adresse explicitement aux membres d'équipage concernés par des «problèmes personnels, émotionnels ou mentaux». Le titre de la lettre est le suivant: «Construire un réseau confidentiel pour les membres d’équipage de cabine». Les personnes qui souhaitent profiter de cette offre peuvent demander un soutien téléphonique à un conseiller bénévole. Ce programme de soutien aurait été lancé en octobre indique Swiss après avoir été interrogé.
Des burnouts à la chaîne
Les appels à l’aide du personnel de cabine de Swiss mentionnent également ce programme de soutien. «C’est uniquement pour nous épuiser davantage qu’ils ont maintenant lancé cette prétendue assistance» dénonce une employée. Le fait qu’un tel programme de soutien soit nécessaire montre à quel point les conditions sont mauvaises. L’appel à l’aide se termine avec emphase: «De nombreux agents de bord ont sombré dans le burnout. Au secours!» Interrogée à ce sujet, Swiss n’a pas voulu confirmer ou infirmer les burnouts du personnel navigant.
Dans une lettre interne adressée au personnel, l’entreprise admet toutefois que le niveau de stress est important: l’environnement de travail et les horaires d’un agent de bord sont psychologiquement exigeants et usants. Le fait de rester longtemps dans un avion, la perturbation du rythme circadien, le travail posté et «la perturbation des relations sociales au quotidien et les problèmes de sommeil» sont cités comme les plus grands défis physiologiques dans ce métier. Swiss admet clairement: «Tous ces facteurs réunis peuvent mener à une fatigue importante et générer du stress.»
Swiss tempère, Kapers reste ferme
Les représentants de Swiss veulent se montrer rassurants. Le programme aurait été lancé pour le personnel de cabine «sans qu’il n’existe un besoin concret d’action». La compagnie aérienne affirme: «Il est important de comprendre qu’il ne s’agit pas d’une action à court terme qui a été lancée en raison de la pandémie de Covid-19». Son programme d’aide s’inscrirait donc dans une perspective à long terme.
Les syndicats sont également alarmés. «Les conditions de travail à bord se sont aggravées en raison de la pandémie», affirme Jörg Berlinger, membre du conseil d’administration du syndicat du personnel de cabine (Kapers). Il explique qu’ils ont participé à l'élaboration du programme d’assistance en partenariat avec la compagnie aérienne. «C’est un espace sans préjugés, sans contrainte et sans crainte de conséquences. Les managers doivent soutenir leurs collègues en les écoutant ou en les soutenant», explique-t-il.
Kapers continue toutefois de défendre les intérêts des membres d’équipage suisses. «Nous considérons que les conditions de séjour en Chine, en particulier, sont très problématiques», explique Jörg Berlinger. Il a demandé à Swiss de suspendre les séjours en question, pour l’instant sans succès.
*Le nom a été modifié