Les répercussions des conditions climatiques de 2021 sur la production de raisin ne sont pas encore connues mais devraient logiquement peser sur la quantité de raisin. Mais le fort engagement des vignerons devraient limiter la casse.
«De mémoire de vigneron, on n'a jamais vu autant de pluie», réagit mardi auprès de Keystone-ATS Pierre-André Roduit, chef de l’office valaisan de la viticulture. Conséquence: la propagation du mildiou, une maladie fongique épidémique favorisée par un temps très humide et chaud, a explosé.
«On n'avait jamais vécu ça»
«Cette année, on a constaté des infections tous les jours. On n'avait jamais vécu ça», relève Pierre-Antoine Héritier, président de la fédération valaisanne des vignerons, soulignant que le plus ensoleillé des cantons jouit d'un climat habituellement sec.
D'ailleurs, le mildiou, qui s'attaque d'abord aux feuilles, se propage rarement aux grappes en Valais. Avec ce climat très compliqué, les deux hommes gardent aussi à l'oeil la propagation de l'oïdium, un autre champignon qui peut faire des ravages.
Sur Vaud, la situation est tout aussi «inhabituelle», relève Olivier Viret, chef du Centre de compétences culture spéciale à l'Etat de Vaud. «En 2016, la forte pression du mildiou avait eu lieu avant la floraison. Cette année, c'est juste après la fleur».
Les infections boostées par les fortes pluies
Après un mois de juin chaud où la vigne a poussé très fortement, les précipitations tombées dès le 20 juin et jusqu'à aujourd'hui ont lancé le cycle des infections. «On se retrouve ainsi avec une conjonction de facteurs négatifs», souligne Olivier Viret en référence à la grêle qui s'est abattue récemment dans toutes les régions du canton sauf la Côte, notamment à Concise, Aigle et dans le Lavaux.
Le sud des Alpes n'est pas mieux loti. Déjà très affecté par deux épisodes de grêle en juillet qui ont provoqué jusqu'à 90% de perte à certains endroits comme à Bellinzone, le nord du Tessin doit aussi faire face au développement de maladies fongiques «déjà visibles et difficilement contrôlables», indique Giovanna Gilardi, porte-parole au service tessinois de l’agriculture. Le sud du Tessin, sous l'eau depuis trois jours, craint désormais également l'apparition de mildiou.
Pour lutter contre ces maladies fongiques, la vigne doit être traitée préventivement. Mais, là aussi, les épisodes récurrents de pluie n'ont pas facilité la vie des viticulteurs, car les traitements - à base de cuivre contre le mildiou, et de soufre contre l'oïdium - doivent être appliqués lorsque la vigne est sèche.
Les viticulteurs sont à bout
Les viticulteurs sont sur les rotules: depuis fin juin, il a fallu parfois sortir deux fois par semaine pour sulfater, détaille Johannes Rösti, directeur de la Station viticole neuchâteloise à Auvernier. «Le plus délicat est de trouver une fenêtre pour placer les traitements», précise-t-il.
Et comme les produits appliqués ne sont pas éternels, il faut recommencer après chaque lessivage, résument les différents interlocuteurs. Le contexte va rester difficile jusqu'à fin juillet, sachant que les sulfatages doivent s'arrêter au 15 août, en vue des vendanges.
Il n'est pas encore possible d'esquisser de bilan tant les régions au sein même des cantons ont été arrosées différemment. En Valais, les dégâts liés au mildiou, très hétérogènes entre parcelles et cépages, sont néanmoins plus importants que les années précédentes, relève Pierre-André Roduit. Sur Vaud, si les pertes risquent d'être massives, «on ne peut cependant généraliser», lui fait écho Olivier Viret. «Il reste des grappes saines. Il a moins plu sur la Côte que dans le Lavaux», cite-t-il en exemple.
Une situation différente selon les cépages et les traitements
A Neuchâtel, «la plupart des viticulteurs ont pu protéger leur récolte», relève Johannes Rösti, même si cela a pu provoquer des tensions avec les riverains, incommodés par des traitements effectués le samedi. Si le temps se stabilise en août et en septembre, il sera encore possible d’obtenir une vendange de bonne qualité dans les vignobles épargnés par la grêle, précise-t-on au Tessin.
Pour Florian Favre, ingénieur oenologue à l'Etat de Genève, le fait que quasiment toutes les vignes genevoises sont mécanisées et que plus de 85% d'entre elles ont un sol enherbé facilite les traitements. «Si les plans de traitement ont été suivis, les vignes sont saines», relève Florian Favre.
Tout dépend aussi du cépage: le chasselas et le merlot sont très touchés par le mildiou, le gamay, moins. «Dans une dizaine de jours, quand les sucres se concentreront dans le raisin, le risque de maladies sera écarté», précise-t-il.
(ATS)