Un maraîcher fribourgeois
«Même les vers de terre se noient dans mes champs»

Les tempêtes de ces derniers jours ont eu des conséquences dramatiques sur des cultures déjà fauchées par la grêle. Les consommateurs risquent de remarquer la pénurie de légumes dans leur porte-monnaie.
Publié: 17.07.2021 à 08:38 heures
|
Dernière mise à jour: 17.07.2021 à 10:02 heures
1/13
Michael Moser dans son champ de pommes de terre à Chiètres, où les plants pourrissent dans le sol humide.
Photo: Peter Gerber
Marc Iseli, Rachel Hämmerli, Jocelyn Daloz (adaptation)

Michael Moser patauge dans son champ, l’eau jusqu’aux genoux. Sous ses bottes, ses pommes de terre sont pourries. Le maraîcher de Chiètres parcourt un paysage désolé, ses bottes s’enfoncent et restent coincées dans la boue marécageuse.

Les racines de ses légumes sont également pourries. Là où l’eau n’a pas submergé ses cultures, elle a complètement gorgé le sol où même les vers de terre se noient. «Ils meurent dans l’eau et flottent dans les mares et les flaques le long du chemin.»

Pour ce paysan du Seeland, c’est l’évènement du siècle. Après la grêle du mois de juin et la pluie, il n’avait jamais rien vécu de tel. Les grêlons ont fauché son maïs, crevé ses poireaux et ses laitues, la pluie a fait le reste. Il ne pourra pas même sauver de quoi alimenter du bétail.

Michael Moser n’est pas le seul

La plupart des agriculteurs de la région partagent le sort de Michael Moser. La dévastation de leurs champs aura des conséquences pour les consommateurs de tout le pays, car le Seeland est le potager de la Suisse. 25 à 30% de la production indigène de légumes provient du sol autour des lacs de Morat, de Bienne et de Neuchâtel. Les légumes d’Anet ou de Chiètres se retrouvent sur les étalages de toutes les grandes surfaces, même si les grands détaillants comme Coop, Migros, Aldi et Lidl s’approvisionnent de plus en plus à l’étranger, comme l’explique Markus Waber, directeur adjoint de l’Association des producteurs suisses de légumes. La tendance risque de s’accentuer après cette récolte perdue.

«Les pertes sont particulièrement élevées avec les légumes qui poussent dans les champs», dit Markus Waber. Seuls les produits des serres (tomates, concombres ou aubergines) ont pu être préservés de la tempête, même si la faible luminosité d’un été pluvieux retarde la récolte. Un porte-parole de la Migros confirme que le géant orange importe d’ores et déjà plus que durant d’autres années.

Les prix risquent d’augmenter

La pénurie de légumes suisses pourrait durer jusqu’au printemps puisque juillet marque le début des semences d’automne, lorsque carottes et oignons sont semés pour emplir les stocks d’hiver. «Les sols sont encore trop humides pour cela», explique Markus Waber. D’expérience de paysan, plus les maraîchers sèment tard, plus le rendement de la récolte est réduit.

«Cela peut avoir un impact sur le prix», dit Markus Waber. Simple loi de l’offre et de la demande. «Il n’est toutefois pas encore possible de quantifier de combien les prix vont grimper.»

L’Association des producteurs suisses de légumes espère que les détaillants et les consommateurs les soutiendront. «Il se peut que les légumes n’aient pas l’air parfaits ou que vous deviez laver la salade une fois de plus». Si les consommateurs et les détaillants l’acceptent, une partie de la récolte pourrait alors être vendue.

Les pommes de terre ne sont pas assurées

Les dégâts restent toutefois considérables. L’assurance-grêle de Michael Moser ne couvrira que les poireaux écrasés et la laitue perforée. Pas ses pommes de terre pourries.

«Nous nous attendions à un rendement de 30 à 40 tonnes», dit-il en montrant du doigt un champ de pommes de terre précoces en grande partie recouverte d’eau, où les mouettes du lac de Morat voisin profitent du festin de vers de terre morts. Il estime son manque à gagner entre 40’000 et 50’000 francs.

Michael Moser a trois enfants et emploie 50 personnes, son magasin de ferme au centre du village est un lieu de rendez-vous prisé des 5’000 habitants de cette communauté du canton de Fribourg. «Théoriquement, je devrais licencier des gens pour réduire les coûts», dit-il. Il a toutefois repoussé cette idée Moser, «pour réduire les coûts». Mais il a décidé de surmonter cette année difficile sans devoir dégraisser son entreprise agricole.

Un espoir pour les légumes stockés

Le maraîcher espère pouvoir tirer un bon prix des pommes de terre nouvelles qui ont pu être récoltées avant les inondations et des légumes dans les serres qui sont restés intacts, ce qui lui permettra de survivre à cet été difficile. La ferme est dans la famille depuis des générations, son père ayant repris la ferme et réorienté la production vers les légumes, alliant agriculture conventionnelle et biologique.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la