Au premier jour de la guerre en Ukraine, le président de la Confédération Ignazio Cassis s'était présenté devant les médias et avait lu une déclaration. Quelques minutes plus tard, il disparaissait, laissant à ses fonctionnaires le soin d'expliquer la politique de sanctions du Conseil fédéral. Dans la tête des Suisses demeuraient alors plus de questions que de réponses.
Pour beaucoup, la réaction du Conseil fédéral lors de l'annonce de la guerre a donc été un fiasco. Le manque d'orientation a même fait réagir la Délégation des Commissions de gestion du Parlement. Dans une lettre, elle a reproché au gouvernement de ne pas avoir été du tout préparé à la guerre en Ukraine. Peu avant le début de la guerre, le chef de l'armée Thomas Süssli avait notamment déclaré dans l'émission «NZZ Standpunkte» qu'il était peu probable que la Russie envahisse l'Ukraine.
Désormais, le Conseil fédéral et l'armée affirment soudainement avoir été parfaitement informés des plans d'attaque russes contre l'Ukraine. C'est ce qui ressort de leur réponse écrite à une interpellation d'Andreas Gafner. Le conseiller national UDC bernois avait demandé, après tous les errements des premiers jours de la guerre, que l'armée explique sa manière de s'informer.
D'après ce que l'on apprend désormais, le chef de l'armée était apparemment au courant des estimations des services de renseignement qui avaient prédit une attaque en Ukraine. Cela signifierait donc que Thomas Süssli n'a en réalité pas été surpris, malgré sa déclaration à «NZZ Standpunkte». Le Conseil fédéral prend pour preuve une interview dans le «Tages-Anzeiger» du 9 mars, soit deux semaines après le début de la guerre!
Des justifications pas bien accueillies
La ministre de la Défense Viola Amherd n'avait elle aussi pas voulu se laisser abattre par les critiques du Parlement. En mai face à l'UDC, elle avait affirmé que son département n'avait pas du tout été surpris par la guerre en Ukraine - ce qui a hérissé les poils du Parlement davantage encore.
«Si le Conseil fédéral dit avoir été préparé à la guerre en Ukraine et qu'il adopte pourtant un tel comportement et une telle communication, je ne veux pas être là lorsqu'il sera frappé par une crise sans y être préparé, avait alors commenté la conseillère nationale socialiste Franziska Roth dans Blick. Le gouvernement semblait dépassé par les événements.»
Mais le Conseil fédéral continue d'insister sur le fait qu'il était tout à fait préparé. Seule concession de sa part: «Personne ne pouvait prévoir la date exacte et la brutalité de l'attaque russe.» Pour le reste, les services de renseignement auraient suivi de près les développements dans la région. Le Conseil fédéral affirme en plus avoir signalé la dangerosité de la situation en Ukraine depuis longtemps.
Le déroulement de la guerre aussi anticipé
Le gouvernement affirme en outre avoir non seulement prévu la guerre, mais aussi son déroulement ultérieur. Ainsi, les services de renseignement auraient constaté «que le déploiement des forces russes ainsi que les moyens militaires et logistiques initialement emportés n'étaient pas suffisants pour occuper un territoire comme celui de l'Ukraine.»
Il poursuit: «Le déroulement et l'échec de l'opération russe dans le nord de l'Ukraine ont donné raison aux estimations des services de renseignement.» Le Conseil fédéral ne voit donc aucune raison de procéder à des réformes fondamentales au sein de ces derniers.
Cette réponse écrite n'explique toutefois pas pourquoi le Conseil fédéral et l'administration semblaient totalement désorientés juste après le début de la guerre. La Délégation des Commissions de gestion du Parlement ne se laissera en tout cas pas apaiser par cette réponse.
(Adaptation par Lliana Doudot)