À l'école des toutous policiers
Stark, le petit héros de la police genevoise sur la piste du succès

La Brigade des chiens, à Genève, vient d'engager une nouvelle recrue. Un chiot berger allemand qui rend gaga, mais s'apprête à devenir un précieux collègue pour les agents de la brigade. Formés pendant deux ans, les chiens de police sont ultra-entraînés.
Publié: 21.06.2024 à 17:04 heures
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Dernière mise à jour: 21.06.2024 à 17:25 heures
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Stark dans les bras de son papa.
Photo: DR/Tiffany Terreaux
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

C’est l’effervescence à l’Hôtel de police de Genève. Les agents et employés attroupés ont tous le regard tourné vers le sol, les yeux transis d’amour. Au centre de toute cette attention? Stark, nouvelle recrue de la brigade des chiens. À quatre mois, cette grosse peluche glisse sur le sol marbré des locaux des forces de l’ordre.

La gueule ouverte, le petit berger allemand cherche à tout mordiller sur son passage. Bracelet, doigt, tout y passe, et les humains qui l’observent en redemandent – à condition de pouvoir jouer avec ses grandes oreilles.

Son maître ne se fait pas avoir

C’est sûr, Stark sait à quel point il est craquant. Il a beau être plutôt grand, et déjà lourd — 11 kilos —, ses yeux ronds et son pelage façon petit moineau en font un petit chouchou tout désigné. À force de «mimimi» et de «hiiiiii», le QI de l’assemblée est tombé à -2.

La star du jour en profite sous le regard de son maître, Alessandro. L’agent connaît déjà très bien son jeune chien, et détecte avant l’accident le moment de sortir au petit coin.

Un policier, un chiot, deux chats

Le papa de Stark a de l'espoir en son petit protégé. «Je vois déjà en ce petit loulou qu'il est sociable, confie l'agent. Il va vers les autres et vers ses congénères. Mais il est encore trop tôt pour se prononcer sur ses futures capacités.»

À la maison, Stark partage son territoire avec les deux chats d'Alessandro. Après quelques semaines, chacun s'apprivoise. «Ça me rend service lorsque les gens veulent le porter, plus il est habitué à d'autres personnes, mieux c'est, ajoute le papa. C'est très bien lorsque des enfants demandent à le caresser dans la rue. Il faut que Stark s'habitue à tout type de personnes.»

Et si le chiot ne passe pas son examen de chien policier? Il restera le «loulou» d'Alessandro. «C'est déjà arrivé, mais à la Brigade, nous mettons tout en œuvre pour que nos chiens soient prêts et réussissent», explique-t-il.

Agents et chiots dans le même lit

Le lien maître-chien fait partie intégrante de la philosophie de la Brigade des chiens. «Nous allons chercher les chiots à deux mois, une fois le sevrage terminé, explique le Sergent-major Fredy Mathez, membre de la brigade depuis 2009 et formateur. Lorsque le chien quitte sa portée, il est isolé. Pendant une semaine ou deux, nous dormons avec lui pour créer le lien, l’habituer à son nouveau milieu et à la propreté.»

Même au milieu de la foule qui l'admire, Stark est tranquille.
Photo: DR/Gabrielle Savoy

Les premières nuits sont parfois difficiles. Dès que le chiot se réveille, il faut le porter et l’emmener faire ses besoins. «Les animaux sont parfaitement propres en 1 ou 2 semaines, sauf pour les accidents, normaux chez les petits», ajoute Fredy Mathez.

Plaisir plutôt que punition

Bien que Stark a l’air de constamment jouer, le travail a déjà commencé. «Nos chiens doivent être, avant tout, des chiens de Monsieur et Madame tout le monde, illustre Fredy Mathez. Très stable, dans tous les milieux.»

À Genève, la Brigade des chiens utilise une théorie d’apprentissage basée sur le plaisir et le renforcement positif. Ici, pas de punition si les recrues sont dissipées, mais des récompenses lorsqu’elles font bien leur boulot. «Le chien doit s’épanouir, avoir du plaisir lors des exercices et dans le travail», glisse le Sergent Major, qui est aussi le maître d’Arley, la seule chienne spécialisée dans la recherche de personnes disparues.

Des chiens «couteaux suisses»

Que fera Stark, une fois devenu grand? Comme ses collègues bergers allemands ou belges, il deviendra chien de défense. Ses collègues quatre fois plus gros peuvent participer à interpeller des malfrats, notamment lors de cambriolages. En aboyant, et en ultime recours, en mordant. Un cas de figure encadré par le Code pénal qui se produit très peu — 4 à 5 fois par année.

Mais ça n’est de loin pas la seule mission des chiens, mobilisés une dizaine de fois par jour. «Les chiens de défense sont de véritables couteaux suisses, précise Fredy Mathez. Ils font du pistage (ndlr: pour retrouver des personnes disparues), de la recherche d’objets ou de personnes, par exemple lorsqu’un intrus est caché dans un bâtiment.»

Chien de police le jour, peluche familiale le soir

En rentrant de mission, le plus costaud des chiens policiers finit sa journée couché sur le tapis du salon, éventuellement escaladé par les enfants de son maître. «Chaque conducteur paie le chien à l’élevage. C’est son chien et celui de sa famille, ils partent en vacances ensemble», indique le formateur de la Brigade.

Difficile de résister à ses yeux de bébé.
Photo: DR/Gabrielle Savoy

Le fait d’être «stable» dans tous les milieux, soit de savoir maîtriser ses émotions, est le socle de la formation des chiens policiers. Comme le dit Fredy Mathez, le comportement de l’animal doit être le même au milieu des vaches ou à l’heure de pointe à la gare.

Le job ne quitte jamais le chien, même à la retraite

Stark apprendra ensuite la discipline, l’obéissance, le flair et le pistage, la quête d’objets et la défense. Après deux ans, il passera un examen qui lui permettra d’être engagé sur des opérations.

Au sommet de la pyramide de cette formation canine, l’expérience. L’apprentissage ne quitte jamais les canidés. Pour preuve, il y a quelques années à Genève, un chien de police retraité avait débusqué de la drogue alors qu’il se baladait tranquillement avec son maître.

À quel âge, au fait, un chien prend-il sa retraite? Aux alentours de neuf ans. «Quand le chien atteint sept ans, le conducteur doit se décider à former un autre chiot, puisque l’apprentissage dure deux ans, développe le Sergent-major. Les chiens de police peuvent être prématurément usés, ils vivent du stress lors des interventions et travaillent la nuit.»

Bergers allemands faciles à former

Tous les agents de la Brigade sont, évidemment, des amoureux des chiens. Il faut postuler et déjà être un policier expérimenté avant d’espérer pouvoir y entrer. Les chiots sont choisis dans des élevages spécialisés en chiens de travail, et non de «beauté». Les plus faciles à former sont les bergers allemands mâles.

Fredy Mathez l’explique: «Le mâle a une tolérance plus élevée à accepter les erreurs que pourrait faire un nouveau conducteur. Les femelles peuvent se montrer plus sensibles au comportement du maître.» Idem avec les bergers belges malinois, bien que la brigade en ait engagé un. «Leur capacité sportive est plus élevée, mais il est sensible au comportement de son maître. Il faut donc éviter les erreurs qui engendreraient des mauvaises habitudes.»

Toutes les recrues à quatre pattes sont choisies en concertation avec l’éleveur. Les chiots doivent tout de suite être bien dans leur tête, stable et explorer avec la truffe. Vu la curiosité et l’assurance de Stark, nul doute qu’il deviendra bientôt l’employé du mois.

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