À cause d'une règle particulière...
La ville de Berne refuse une candidate parce qu'elle est trop âgée

Alors qu'ailleurs on travaille jusqu'à 65 ans, la ville de Berne envoie ses collaborateurs à la retraite dès 63 ans. Cet avantage se transforme en inconvénient pour les candidats plus âgés: la ville ne les engage pas parce que ça n'en vaut plus la peine.
Publié: 12.03.2024 à 11:03 heures
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La ville de Berne a rejeté la candidature d'une personne âgée de 62 ans. (Image symbolique)
Photo: Getty Images/Westend61
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Sarah Frattaroli

Pour le poste de «gestionnaire des finances et des achats» à l'administration de la ville de Berne, il faut, selon l'annonce, avoir une formation commerciale, de l'expérience dans le domaine des finances et être à l'écoute des clients. Irene J.*, alors âgée de 62 ans, remplit ces critères. Elle envoie donc sa candidature.

Moins de 24 heures plus tard, elle reçoit une réponse négative. Motif: son âge! «Les collaborateurs de la ville de Berne sont mis à la retraite à l'âge de 63 ans révolus – nous ne pouvons donc pas donner suite à votre candidature», peut-on lire dans la lettre que Blick s'est procurée.

«On ne m'a encore jamais lancé au visage que j'étais suis trop vieille aussi directement», déclare Irene. Comme le 63e anniversaire de la sexagénaire approche au moment où elle postule, la ville de Berne estime qu'il ne vaut pas la peine de l'embaucher et de l'envoyer à la retraite juste après. Irene J. aurait pourtant voulu travailler au-delà de l'âge ordinaire de la retraite. «Sinon, je vais passer 20 à 30 ans dans la pauvreté», craint-elle.

La Ville justifie sa démarche

Le fait que la ville de Berne envoie son personnel à la retraite dès 63 ans suscite régulièrement des critiques. La logique est la suivante: La ville de Berne ne peut pas rivaliser avec la Confédération en termes de salaires. En prenant leur retraite plus tôt, les fonctionnaires obtiennent de ce fait un «bonus» qui permet à la commune de rester compétitive sur le marché du travail.

Interrogée par Blick, la ville de Berne répond qu'il n'y a «pas de limite d'âge pour la prise en compte des candidatures». Toutefois, «plus les candidats se rapprochent de l'âge de la retraite , à savoir 63 ans, plus il est possible que le temps consacré à la formation soit disproportionné par rapport à la durée du travail». Les personnes déjà employées par l'administration peuvent continuer à travailler jusqu'à 65 ans. Mais ceux qui, comme Irene J., souhaitent entrer dans la structure à quelques années de cette échéance, n'ont pas cette possibilité.

Aucune chance de gagner devant un tribunal

N'est-ce pas discriminatoire? La Constitution fédérale prévoit une interdiction de discrimination qui peut également s'appliquer à l'âge. En tant qu'employeur de droit public, la ville de Berne y est tenue. Pourtant, Irene J. aurait peu de chance de gagner si cela allaot jusqu'au tribunal, estime le professeur de droit Kurt Pärli de l'université de Bâle. «Le Tribunal fédéral est réticent à interpréter l'interdiction de discrimination.»

La situation est encore pire dans des cas comparables au sein de l'économie privée. «Là, c'est en principe la liberté de contrat qui s'applique, explique le professeur. Chaque employeur est en principe libre d'embaucher qui il veut.» Une entreprise du secteur privé peut dire en face aux candidats qu'ils sont trop vieux sans en craindre les conséquences.

Du moins pas sur le plan juridique. Pourtant, l'offre d'emploi pour un poste de «collaborateur spécialisé dans les finances et les achats» au sein de l'administration municipale bernoise est toujours en ligne plus d'un mois après sa publication. Au vu de la concurrence sur le marché du travail, on peut se demander combien de temps la ville de Berne pourra encore se permettre de dédaigner d'emblée les candidats plus âgés.

*Le nom a été modifié 

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