Ce jeudi matin, dans la salle polyvalente de la place d'armes d'Emmen (LU), on s'affaire à marteler et à visser. Les collaborateurs d'une entreprise de déménagement assemblent des lits et sortent les matelas de leur film plastique. Dix rangées de dix lits superposés sont installées dans la salle, soit l'équivalent de 200 couches. Les déménageurs contrôlent les distances et l'alignement des couches à l'aide d'un laser.
A lire aussi
La scène a tout pour évoquer un service militaire. Dès la semaine prochaine, ce ne sont pourtant pas des soldats qui seront hébergés ici, mais des requérants d'asile. La salle d'Emmen est l'un des 20 hébergements temporaires que la Confédération prépare ou a déjà mis en service ces dernières semaines. Il faut dire qu'il y a un besoin urgent de places d'accueil.
Plus de 10'000 réfugiés par mois
Cette semaine, la Confédération a une nouvelle fois revu à la hausse ses prévisions en matière d'asile. Les civils qui fuient l'Ukraine en quête de protection s'ajoutent à la liste. Un peu plus de 60'000 réfugiés avec le statut de protection S vivent actuellement en Suisse, et 20 à 25'000 autres devraient les rejoindre d'ici à la fin de l'année. C'est du moins le scénario le plus probable, selon le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM).
En fonction des conditions météorologiques et du déroulement de la guerre en Ukraine, il pourrait y en avoir quelques milliers de plus. Les experts craignent que la stratégie de l'armée russe soit de viser de manière ciblée les installations électriques, hydrauliques et énergétiques afin de forcer les Ukrainiens à quitter le pays.
Plus de 10'000 demandeurs d'asile pourraient ainsi arriver en Suisse chaque mois entre cet automne et cet hiver. Chez nos voisins autrichiens, les réfugiés doivent même dormir sous tente, car les centres d'hébergement sont surpeuplés. Un scénario que la Confédération veut à tout prix éviter ici. «Nous ne pouvons pas chercher des places seulement lorsque les gens se présentent à notre porte. C'est pourquoi nous sommes constamment en train de mettre en service des halles comme celle d'Emmen», explique le porte-parole du SEM, Reto Kormann. Avec ce nouvel emplacement, le nombre de lits disponibles passera ainsi de 7500 à 9500. Le taux d'occupation des hébergements disponibles est en ce moment de 90%.
Recherche urgente de personnel
Reto Kormann évoque une «situation très exigeante». Car outre le manque de places, il manque aussi du personnel. Selon les organisations qui s'occupent des réfugiés, il est très difficile de trouver des collaborateurs. Des éducateurs sociaux, des animateurs, du personnel médical et d'autres aides sont activement recherchés.
Conséquence: les requérants d'asile mineurs non accompagnés, dont le nombre a massivement augmenté selon la Confédération, ne sont plus toujours encadrés par une éducatrice sociale formée. Des adaptations sont donc nécessaires, ce qui implique désormais que les responsables se chargent d'un plus grand nombre de demandeurs d'asile.
«Nous n'aurons pas toujours le personnel adéquat pour tous les requérants d'asile», poursuit Reto Kormann. Il affirme que le personnel tente de faire le moins de sacrifices possibles pour les groupes les plus vulnérables, dont font justement partie les mineurs non accompagnés.
Les cantons se préparent aussi
Alors que la Confédération s'occupe surtout de l'hébergement des demandeurs d'asile réguliers en provenance d'Afghanistan ou de Turquie, c'est surtout l'accueil des réfugiés ukrainiens qui est à l'ordre du jour dans les cantons. En effet, ceux qui possèdent le statut de protection S sont attribués beaucoup plus rapidement aux cantons.
Ceux-ci mettent alors des places supplémentaires à disposition. Ainsi, l'Argovie vient de louer un hôtel à Unterentfelden pour 150 personnes. Genève a lancé un appel pour trouver des familles d'accueil supplémentaires. A Berne, 4000 places d'hébergement sont disponibles jusqu'à la fin de l'année, selon la direction des affaires sociales. En cas d'urgence, 4000 lits de secours sont disponibles dans des gymnases ou des salles polyvalentes.
Si le nombre de nouvelles demandes d'asile continue de dépasser les 2500 par mois, les cantons devront toutefois bientôt prêter main forte à la Confédération, selon les annonces du SEM.
Le plan d'urgence Asile pourrait bientôt entrer en vigueur
Il n'est pas non plus exclu que l'armée et la protection civile doivent venir à la rescousse. Le plan d'urgence Asile, adopté par la Confédération, les cantons et les communes après la crise des réfugiés de 2015 et 2016, pourrait bientôt entrer en vigueur, indique-t-on au SEM. Celui-ci prévoit que le Conseil fédéral puisse décider d'engager jusqu'à 2000 membres de l'armée pour la gestion des nombreuses arrivées. Aujourd'hui déjà, celle-ci soutient le SEM non seulement en fournissant des hébergements, mais aussi en aidant au transport des migrants.
À Emmen, en raison de la situation tendue en matière d'asile, les soldats devront faire du sport à l'extérieur au lieu de le faire dans la salle polyvalente. Celle-ci sera chauffée pendant les prochains mois. Les premiers requérants devraient s'y installer dès la fin de la semaine prochaine.