Daniel Yule, slalomeur valaisan
«J'avais perdu le plaisir pendant les courses!»

Après une crise de deux ans, Daniel Yule s'est à nouveau présenté au meilleur de sa forme cet hiver. Dans une interview, le slalomeur valaisan revient sur cette période compliquée.
Publié: 08.01.2023 à 06:15 heures
Daniel Yule (à gauche) avait triomphé à Adelboden en 2020.
Photo: Sven Thomann
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Marcel W. Perren

Daniel, en tant que fils d'une Écossaise, as-tu déjà mangé du «haggis»?
Oui, bien sûr! Pourquoi?

Le «haggis» déclenche un certain dégoût chez de nombreux Suisses, lorsqu'ils apprennent que le plat national écossais est un estomac de mouton farci.
En Suisse, on mange aussi des cervelas farcis à l'intestin. Et comme pour le haggis, la plupart des gens ne savent pas exactement quels sont les ingrédients de la farce du cervelas. Moi non plus. Mais je peux dire qu'un haggis correctement assaisonné est vraiment bon.

L'été dernier, tu as été invité en Angleterre au mariage de Dave Ryding. Qu'y avait-il au menu?
Je ne m'en souviens pas précisément. Mais tout était très bon.

Dave Ryding est-il ton meilleur ami sur le circuit, hormis tes coéquipiers suisses?
Dave fait clairement partie de mes meilleurs amis. Avec lui, je peux rire de tout. Et je l'admire pour le chemin extraordinaire qu'il a parcouru pour revenir au sommet de la hiérarchie mondiale. Pendant des années, il n'a skié que sur des pistes synthétiques et ce n'est qu'à douze ans qu'il a participé à sa première course sur neige. De plus, j'ai grandi avec l'anglais et le français, et je parle donc plus souvent avec des Français et des Anglais qu'avec des Autrichiens ou des Allemands dans le monde du ski.

Tu t'entends bien avec Henrik Kristoffersen, que certains en Coupe du monde qualifient de «vermine»?
Lorsque j'étais porte-parole des athlètes à la FIS, j'ai eu de très bonnes discussions avec Henrik. Mais je l'ai aussi observé dans des situations où je me suis dit qu'il aurait pu se comporter différemment.

Par exemple?
Je pense à l'hiver dernier, lorsque Henrik a cassé une poubelle dans l'aire d'arrivée après avoir perdu une place lors du slalom de Flachau, et qu'il a ensuite également tabassé un caméraman. Je peux comprendre que l'on soit frustré après un résultat médiocre. Mais je pense que dans une telle situation, il faut garder son rôle d'exemple. Avant une course, lorsque je suis tendu et totalement concentré, je ne suis pas non plus le plus gentil des coureurs dans le portillon de départ. Mais une fois la ligne d'arrivée franchie, j'essaie d'être une personne décente. Si je pense à ma jeunesse, cela me fait aussi mal que l'on casse un bâton de ski sous le coup de la colère.

Pourquoi?
Lors de ma première année de ski, mes parents et moi pensions qu'une paire de skis devait suffire pour une saison. Mais mon entraîneur a appelé pour faire comprendre à papa et maman que j'avais absolument besoin d'une deuxième paire, car je ne pouvais pas faire du slalom avec des skis de géant. Mes parents m'ont alors loué une deuxième paire pour l'hiver. Je portais également d'anciennes tenues de course. Maintenant, en Coupe du monde, j'ai du matériel en abondance. J'aimerais donc le donner à de jeunes coureurs qui sont aussi peu équipés que moi durant ma jeunesse. Malheureusement, mes vêtements sont trop grands pour la plupart des enfants. Mais je préfère définitivement donner mes bâtons de ski plutôt que de les casser sous le coup de la colère.

Daniel Yule a déjà cinq victoires en Coupe du monde.
Photo: Sven Thomann

A propos de colère et de frustration, ton entraîneur Matteo Joris affirme que tu as perdu le plaisir de skier au cours des deux derniers hivers. As-tu plus souffert que d'autres athlètes durant le Covid?
Je suis du genre à fonctionner au mieux quand je m'amuse avec mon entourage. Cela me fait énormément de bien de pouvoir m'asseoir confortablement à une table avec mes coéquipiers et de faire quelques blagues stupides. En même temps, je pratique mon sport de manière particulièrement consciencieuse. Pour minimiser le risque de contagion, j'ai évité les contacts avec mes proches pendant la période du Covid. Seules les personnes qui me glissaient à chaque fois un bâtonnet dans le nez étaient proches de moi durant cette phase. J'étais aussi tout seul quand je rentrais chez moi après une course de merde. C'est pour cela que j'ai effectivement perdu le plaisir des courses à cette époque.

Depuis que les restrictions ont été levées, tu cours à nouveau à fond. Peu avant Noël, tu as fêté à Madonna ta première victoire en Coupe du monde depuis deux ans. Et ce dimanche, tu seras poussé par encore plus de fans lors du slalom à Adelboden.
Je m'en réjouis énormément. Pour moi, le sport est synonyme d'émotions. C'est vraiment différent lorsque tu arrives dans la raquette d'arrivée devant une tribune pleine que lorsque tu arrives devant des gradins vides. Le slalom de Schladming, l'une de mes courses préférées en temps normal, a été pour moi l'un des pires moments. Quand j'ai disputé cette course de nuit sans public, je me suis sérieusement demandé ce que je faisais là. Bien sûr, c'était toujours mieux que de ne pas participer à une course du tout. Et en tant que professionnel, je devrais pouvoir maîtriser les combinaisons indépendamment du décor. Mais je suis définitivement plus performant avec le public.

En moyenne, le nombre de spectateurs est bien plus élevé pour les descentes que pour les slaloms. Cela te fait-il mal en tant que technicien?
Non. D'une certaine manière, je peux comprendre que la descente soit considérée comme la discipline reine. Bien que je sois skieur professionnel, je suis reconnaissant de ne pas devoir prendre le départ d'une descente aussi brutale que celle de Bormio, mais de pouvoir la suivre depuis le confort de mon canapé. Je pense cependant que le slalom est encore sous-estimé par beaucoup. C'est vraiment un grand spectacle. Une course peut basculer à la toute dernière porte, comme l'année dernière à Val d'Isère ou à Madonna. Il n'y a guère d'autres disciplines où une erreur se produit aussi rapidement, ce qui rend le tout particulièrement passionnant.

Avec ton pote Justin Murisier, vous avez pris le départ d'un slalom exhibition en France la saison dernière — déguisés en femme. Comment cela s'est-il passé?
Justin m'a incité à le faire après avoir vu sur Internet une vidéo très drôle d'une drag queen. Et cela faisait longtemps que je n'avais pas autant ri que lors de notre virée shopping à Lausanne. Lorsque j'ai découvert la robe parfaite, j'ai demandé à Justin, lors de l'essayage, de me fermer la fermeture éclair d'une trentaine de centimètres dans le dos. Justin m'a alors fait comprendre qu'il ne pouvait pas fermer plus de trois centimètres.

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Et comment t'es-tu débrouillé sur la piste?
Le super slalom organisé par Julien Lizeroux durait environ quatre minutes et demie. Justin a été plus rapide que moi. Lors du repas qui a suivi, je me suis senti très mal. Comme nous n'avions pas encore bu beaucoup de bière à ce moment-là, je savais que ce n'était pas l'alcool qui me rendait malade. J'ai alors ouvert mon soutien-gorge. Après cela, j'ai enfin pu respirer librement et le soulagement était énorme. Grâce à cette expérience, mon respect pour le quotidien d'une femme a encore augmenté de manière considérable.

Avec cette performance, la rumeur selon laquelle Daniel Yule et Justin Murisier étaient en couple a circulé en Valais. As-tu eu vent de cette information?
Personnellement, personne ne m'a encore posé la question. Mais j'ai déjà entendu plusieurs fois que des personnes se sont renseignées auprès de tiers pour savoir si Justin et moi étions en couple. Nous ne sommes pas un couple d'amoureux, mais de très bons amis. Si je le pouvais, je lui offrirais l'une de mes cinq victoires en Coupe du monde. Je dois énormément à Justin.

Comment ça?
Quand je suis arrivé en Coupe du monde, j'étais un garçon timide. Justin a été pour moi comme un grand frère, qui m'a donné beaucoup de conseils précieux. Il m'a aussi montré, avec son tempérament de fonceur, comment tirer le meilleur parti des négociations avec les équipementiers ou les sponsors.

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