Des pelleteuses sur le glacier. Un signe de destruction, surtout en ces temps de changement climatique. Le bruit des engins de chantier a provoqué de forts bruits parasites qui ont atteint en amont une puissance phonique désagréable pour les organisateurs. Les tentatives d'explication des responsables locaux n'ont pas convaincu. Du côté des opposants, les avis étaient clairs.
On s'est interrogé sur le sens et le non-sens d'une telle manifestation par les temps qui courent. On a parlé de folie écologique, de mauvaise publicité pour le ski, d'oubli du développement durable et de mauvais service rendu à l'éventuelle candidature suisse à l'organisation des JO d'hiver de 2030.
Depuis la mi-octobre, date à laquelle les photos des pelleteuses ont commencé à circuler, les critiques se sont abattues sur Franz Julen, le responsable du projet, et ses collaborateurs, confrontés à de violents reproches en Valais et dans le Val d'Aoste. Des travaux illégaux, car réalisés juste en dehors de la zone autorisée, ont fait grandir l'indignation et la colère.
Les premières descentes de la Coupe du monde de l'hiver sont devenues un sujet politique. La commission cantonale des constructions (CCC) a entre-temps ordonné un arrêt des travaux, et l'organe a également fourni la confirmation d'actions non autorisées le long du parcours de cette épreuve.
Une histoire singulière
Après les querelles, Franz Julen et ses collègues espèrent que le sport sera à nouveau au centre de l'intérêt cette semaine et la suivante, et que cette première avec deux descentes pour les hommes et deux pour les femmes se déroulera sans perturbation. Ce projet singulier à l'histoire particulière doit convaincre dès le début, avec un an de retard, après les annulations dues à des températures trop élevées en 2022.
Les organisateurs veulent faire passer leur idée extraordinaire qui, à l'origine, avait pris des allures encore plus folles. Il était question d'organiser la plus longue descente de la Coupe du monde au pied du Cervin. Il y a cinq ans, en marge d'une rencontre entre les dirigeants des remontées mécaniques de Zermatt et de Cervinia, une longueur de cinq kilomètres avait été évoquée. Le parcours aurait donc été plus long d'environ 500 mètres que la descente de Wengen.
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Ce n'est pas seulement la comparaison avec la descente du Lauberhorn qui a mis le feu aux poudres. A Wengen, on était alors en conflit avec Swiss-Ski au sujet de l'indemnisation financière. Les organisateurs locaux avaient exigé de l'argent supplémentaire provenant du fonds de commercialisation, provoquant une réaction impensable de la fédération: celle-ci avait fait rayer les courses de Wengen du calendrier provisoire. Des rumeurs avaient rapidement circulé selon lesquelles le concept envisagé à Zermatt et Cervinia pourrait remplacer un jour les courses du Lauberhorn.
Mais les projets des Valaisans et des Valdôtains étaient tout autres. La situation s'est apaisée, et le calme est revenu à Wengen six mois plus tard après que cette querelle vieille de quatre ans avait même atteint la Berne fédérale. Après des entretiens avec la conseillère fédérale Viola Amherd, Urs Näpflin, le président du comité d'organisation des courses du Lauberhorn, et Urs Lehmann, le président de Swiss-Ski, ont trouvé un dénominateur commun. L'accord était basé sur la promesse de moyens financiers supplémentaires. En contrepartie, le comité d'organisation de Wengen a retiré sa plainte déposée devant le Tribunal arbitral du sport (TAS).
Zermatt et Cervinia ont rapidement abandonné l'idée d'une descente d'une longueur record, mais les responsables des deux côtés du Cervin n'ont pas lâché l'idée d'une descente reliant les deux pays. L'enthousiasme était immense autour d'un projet encore jamais vu. Et il s'est très vite propagé au sein des organes dirigeants de la Fédération internationale (FIS) et de Swiss-Ski.
Une descente complète
Sous la direction de Didier Défago, déjà responsable avec Bernhard Russi de la construction de la piste olympique de 2022 à Yanqing, une piste d'environ quatre kilomètres avec un dénivelé de 935 mètres a vu le jour. La Gran Becca, en français «grand sommet», est le nom donné au Cervin par les habitants de la commune de Valtournenche, dont fait partie Cervinia.
Le départ - original - sur la Gobba di Rollin se trouve à 3800 mètres d'altitude (un peu plus bas pour la descente dames), l'arrivée à Laghi Cime Bianche à 2865 mètres d'altitude. «Nous avons créé une descente qui contient tous les éléments déterminants, des sauts aux longs virages, des passages de glisse aux éléments de vitesse, tout y est», explique Didier Défago. La descente devrait durer environ deux minutes et dix secondes.
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La cabane de départ est par ailleurs écologique. Le groupe BKW, partenaire de Swiss-Ski et plus grand gestionnaire de réseau de distribution d'électricité au niveau national, a équipé le toit de capteurs solaires. L'énergie peut ainsi être produite là où elle est nécessaire. En outre, les organisateurs misent sur des ressources renouvelables pour la fabrication de la neige artificielle nécessaire dans le tiers inférieur du parcours et dans l'aire d'arrivée.
Franz Julen saisit d'ailleurs l'occasion pour renverser la vapeur et répondre aux reproches: «Cette descente est l'une des courses les plus durables qui soient: 95% de la surface de la piste a déjà existé, deux tiers du parcours se trouvent sur des glaciers ou de la neige naturelle.» Des paroles qui vont avoir autant d'écho que les machines de chantier...