Quand le hockey rencontre le foot
Les entraîneurs d'Ambri-Piotta et du FC Lugano sont de grands amis

Ils sont entraîneurs mais surtout amis. Blick a rencontré les Tessinois Luca Cereda (Ambri-Piotta) et Mattia Croci-Torti (FC Lugano) en ce début de semaine. Interview croisée.
Publié: 23.12.2022 à 06:09 heures
Luca Cereda et Mattia Croci-Torti échangent régulièrement sur leurs problèmes.
Photo: Pius Koller
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Marcel Allemann

Luca Cereda et Mattia Croci-Torti n’ont pas le même maillot. Et ils n’ont même pas la même passion. Mais ils ont beaucoup de points communs: ils viennent tous les deux d’entrer dans la quarantaine, ils entraînent une équipe tessinoise de première division dans leur sport respectif et, surtout, ils sont très bons amis. Blick a fait s’asseoir les coachs d’Ambri-Piotta et du FC Lugano pour discuter de leurs différences approches. Interview croisée.

Mattia, Luca, depuis quand vous connaissez-vous?
Mattia Croci-Torti: Son nom m’est familier depuis toujours. A l’époque, j’étais adolescent et fan d’Ambri, et Luca a intégré la première équipe. Quand il est revenu d’Amérique et qu’il a eu ses problèmes de cœur, je lui ai même écrit une lettre. Plus tard, nous avons vraiment appris à nous connaître, car ma femme est une bonne amie de toute la famille Cereda. Mais il ne se souvient probablement pas de la lettre (rires).
Luca Cereda: J’ai certainement encore cette lettre quelque part à la maison. Je connaissais déjà son nom lorsqu’il était encore footballeur. Ces dernières années, nous nous sommes côtoyés de plus en plus souvent, notamment parce que nos enfants ont des intérêts similaires. Et les problèmes que je rencontre dans le hockey sont semblables aux siens dans le football. Nous pouvons échanger nos points de vue et nous encourager mutuellement.

Qu’est-ce qui caractérise Luca Cereda?
MCT:
Il est pour moi un modèle. Il est devenu entraîneur d’Ambri très jeune, et j’ai toujours été fasciné par la manière dont il gère les choses, y compris vis-à-vis des médias.

Un entraîneur de hockey sur glace peut-il apprendre quelque chose d’un entraîneur de football?
LC: Absolument. Même s’il faut rester soi-même, je trouve toujours passionnant d’apprendre quelque chose d’autres entraîneurs. C’est formidable de voir comment Mattia s’y prend. J’aime la fraîcheur qu’il dégage.

Le sport dans lequel on entraîne n'est donc pas déterminant?
LC: Bien sûr, il y a des éléments techniques et tactiques qui sont différents. Mais diriger des gens, les joueurs et le staff, est très similaire dans le football et le hockey sur glace.

Les équipes sont comparables en termes d’effectif. Mais dans le football, il est possible d’utiliser moins de joueurs. Est-ce un défi particulier?
MCT:
Absolument. Avec les gardiens, nous avons 26 joueurs. Parmi eux, trois ne font même pas partie de la sélection le jour de match, et jusqu’à dix ne sont pas utilisés. En général, les trois me détestent tout de suite, et je ne suis pas non plus très populaire auprès des remplaçants, car ils risquent de ne pas jouer une minute. Ce n’est pas si simple. Mais dans le hockey sur glace, ceux qui jouent dans les premières lignes sont aussi plus heureux que les autres…
LC: Oui, mais chez nous, 22 joueurs peuvent griffer la glace dans le même match. C’est déjà différent.
MCT: Chez vous, un joueur du quatrième bloc comme Trisconi peut aussi décider d’un match en marquant un but. Il est alors le héros du jour.

Luca, vous imaginez-vous devoir dire à la moitié de l’équipe qu’elle ne joue pas?
LC: Pour moi, la chose la plus difficile dans mon travail, c’est de devoir dire à un joueur qu’il ne griffera pas la glace. On voit dans ses yeux la déception. Si je devais le faire avec dix joueurs, ce serait incroyablement difficile. Je n’envie pas Mattia pour cela.

Mattia Croci-Torti est un entraîneur qui utilise toute sa zone technique pour exprimer ses émotions. N’aimeriez-vous pas vous défouler autant?
LC: Oui, ce serait pas mal. Avec plus d’espace, je serais certainement plus en mouvement, notamment pour donner du courage et de l’énergie aux autres, ce qui fait partie du job pour moi. Mais ce serait peut-être aussi trop, car je bouge déjà pas mal. Avec plus d’espace, je serais probablement aussi fou que lui! (rires)

Luca Cereda, en revanche, peut avoir beaucoup plus d’influence sur les joueurs que vous en termes de communication, car ceux-ci retournent sur le banc après chaque shift. L’enviez-vous pour cela?
MCT:
Je peux tout au plus parler à mon défenseur latéral, les autres ne peuvent de toute façon pas m’entendre. Mon langage corporel est donc d’autant plus important. Même pendant la pause, il n’est pas si facile d’atteindre les joueurs. Je les laisse d’abord toujours seuls quelques minutes, puis j’évoque au maximum trois choses et je montre une ou deux séquences en vidéo. Au maximum. Plus, ce serait trop et les joueurs ne pourraient pas l’enregistrer. Car ils ont aussi leurs propres pensées sur le jeu.
LC: Nous avons aussi deux pauses et un temps mort. C’est pour ça que nous avons certainement des avantages en matière de communication dans le hockey.

Il y a un an, un documentaire sur Ambri est sorti, dans lequel on pouvait voir les discours de Luca Cereda dans les vestiaires. L’avez-vous vu?
MCT:
Oui.

Comment avez-vous ressenti les discours parfois très véhéments de votre homologue à Ambri?
MCT:
Indépendamment du film, Luca incarne beaucoup de leadership. On voit bien qu’il est le chef de son équipe — j’ai même déjà assisté à des entraînements. Luca est une personne très respectueuse et la discipline à Ambri est importante. Depuis qu’il est entraîneur, le calme règne dans le club, alors qu’au HC Lugano, par exemple, c’est toujours chaotique.

Vos discours dans le vestiaire sont-ils similaires?
MCT: Non.

Sont-ils plus ou moins véhéments?
MCT:
Je n’ai jamais crié dans le vestiaire. Cela arrive parfois sur le terrain, mais pas là-bas. J’essaie de transmettre mon discours avec calme et prudence. Je réfléchis bien au message que je veux faire passer.
LC: Il a déjà tellement crié sur la ligne de touche en première mi-temps qu’il n’a plus besoin de le faire dans les vestiaires (rires).

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous vous êtes vu dans le documentaire?
LC:
Quand je suis à un entraînement ou à un match, je suis dans mon propre monde. Et dans ce monde, j’essaie de vivre autant d’émotions que possible. Parfois, ce sont de bonnes émotions, parfois de mauvaises, comme dans la vie normale.

Les hockeyeurs ont-ils fondamentalement besoin d’un autre discours que les footballeurs? Y a-t-il un lien avec le cliché selon lequel les hockeyeurs sont des durs à cuire et les footballeurs plutôt des divas?
MCT:
Il est certain que chaque sport a sa propre culture. Le hockey sur glace est un sport de contact. Nous ne le sommes plus dans le football depuis l’introduction de la VAR. Dans le hockey, le public aime peut-être aussi davantage ces outsiders comme Ambri, alors que dans le football, ce sont les grandes stars qui enthousiasment les foules.
LC: Je pense que les deux sports se rapprochent de plus en plus. Bien sûr, il y a 15 ou 20 ans, le hockeyeur était un dur à cuire. Avant, je jouais aussi avec de fortes douleurs et personne ne s’en souciait. Aujourd’hui, c’est différent. Le corps et la santé sont beaucoup plus respectés. Je pense que nous avons appris cela du football. Les capacités athlétiques des deux sports vont également dans le même sens — nous nous ressemblons de plus en plus. Il faut être fort et rapide à la fois.

Un entraîneur d’Ambri peut-il vraiment être proche d’un entraîneur de Lugano? Ou cela est possible uniquement car vous n’évoluez pas dans le même sport?
LC:
Non, c’est aussi possible dans le hockey — car nous sommes tous dans le même bateau. Et tout le monde traverse une mauvaise passe. Nous en avons déjà discuté tous les deux. Quand Ambri gagne, je reçois environ 20-30 SMS. Et quand nous perdons, deux-trois — de ma femme, de mon père et de ma sœur. Quand tu perds, tu es souvent seul. C’est pour ça que j’ai ressenti de l’empathie pour Chris McSorley lorsqu’il a dû partir de Lugano. Cela m’a fait mal à moi aussi.

Pourriez-vous être autant ami avec Luca Gianinazzi – l’actuel entraîneur de Lugano – que vous l’êtes avec Mattia?
LC:
Gianinazzi était mon joueur lorsque j’étais entraîneur à Biasca. Il a énormément de compétences sociales et je lui ai conseillé à l’époque de devenir entraîneur. Quand nous nous voyons, nous parlons un peu ensemble. Mais être amis, comme Mattia et moi — non, ce n’est pas possible, ce serait trop difficile! L’hostilité entre Ambri et Lugano est trop grande – cela ne serait probablement pas accepté par les clubs.
MCT: Et c’est très bien ainsi!

National League 24/25
Équipe
J.
DB.
PT.
1
HC Davos
HC Davos
23
25
46
2
Lausanne HC
Lausanne HC
23
12
45
3
ZSC Lions
ZSC Lions
21
22
43
4
SC Berne
SC Berne
24
13
39
5
EHC Kloten
EHC Kloten
23
4
38
6
EV Zoug
EV Zoug
23
18
38
7
EHC Bienne
EHC Bienne
23
-2
34
8
Rapperswil-Jona Lakers
Rapperswil-Jona Lakers
23
-8
31
9
HC Lugano
HC Lugano
21
-15
28
10
HC Fribourg-Gottéron
HC Fribourg-Gottéron
23
-12
28
11
HC Ambri-Piotta
HC Ambri-Piotta
21
-12
27
12
SCL Tigers
SCL Tigers
21
-7
26
13
Genève-Servette HC
Genève-Servette HC
19
-3
24
14
HC Ajoie
HC Ajoie
22
-35
18
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