L'envie de revenir à la normale est grande après trois saisons tourmentées par la crise du coronavirus. Mais à peine cette période sombre terminée, voilà que la crise énergétique qui secoue l'Europe dans le sillage de la guerre en Ukraine risque de mettre à mal les projets de reprise des formations de National League.
«Il y a tellement de questions auxquelles personne ne peut répondre. Allons-nous connaître une pénurie d'électricité? Si oui, à quel moment et dans quelle mesure? Quelles seraient alors les priorités?, demande Peter Zahner, le CEO des ZSC Lions. Mais je me fais vraiment du souci. Il y a une incertitude quant à savoir si nous pourrons terminer la saison dans ces circonstances». Au HC Lugano aussi, on se dit «inquiet de l'évolution», notamment pour les jeunes: «Une éventuelle fermeture de la Cornèr Arena serait une catastrophe», nous précise-t-on du côté de la formation tessinoise.
Le président du SCB Marc Lüthi, quant à lui, enchaîne: «J'ai un peu l'impression que c'est comme pour le Covid et qu'actuellement, il y a beaucoup d'alarmisme». Ce ressenti, il le doit à un ami occupant chez un géant de l'énergie. Selon cet interlocuteur, il faudrait qu'il y ait une longue vague de froid avec des températures fortement négatives en janvier pour que la situation devienne réellement critique en Suisse.
Patrick Bloch, le CEO de la fédération de hockey sur glace, a sondé Swiss Olympic et ses collègues du football et du ski pour se faire un avis précis. «Il est extrêmement difficile d'évaluer à quel point cette inquiétude est justifiée, précise-t-il d'emblée. On ne peut pas vraiment s'imaginer qu'il y ait une extinction des feux et qu'on ne puisse plus jouer. D'un autre côté, on sait depuis le coronavirus qu'il faut s'attendre à tout. Ce serait la troisième année que les amateurs, les femmes et les juniors ne pourraient plus jouer. Ce serait surtout grave pour les nombreuses filles et garçons qui pratiquent le hockey sur glace avec passion».
Moralement défendable
Ne plus avoir du tout d'électricité est le pire des scénarios. «Mais si un club ne peut plus se permettre d'augmenter les prix - par exemple pour la location de la glace - il aura besoin de l'aide des pouvoirs publics», concède Patrick Bloch.
Est-il moralement défendable de jouer au hockey sur glace en période de crise énergétique? Le dirigeant défend son territoire: «Je dis oui, du moins jusqu'à un certain point. Le sport a une importance sociale - la Confédération l'a clairement souligné en le soutenant pendant la récente pandémie.»
Le SCB possède un contrat de location jusqu'en 2029 avec des charges fixes. Bienne a également un contrat forfaitaire. «La situation est un peu différente pour la restauration du stade, où les frais annexes effectifs sont facturés», explique le CEO Daniel Villard. Les Zurich Lions ont une convention collective et prévoient une augmentation de 3 à 5% pour 2023. À Zoug, des négociations sont en cours. «Les offres actuelles sont toutefois très inquiétantes», nous avoue-t-on eu côté du EVZ.
Les panneaux solaires en soutien
Fribourg, de son côté, a mis sur pied une task force pour mener des discussions avec son fournisseur en énergie. Les nombreux panneaux solaires présents sur la BCF Arena vont forcément aider les Dragons à passer l'hiver au chaud. «Nous avons déjà commencé à faire des économies là où c'est possible et à mettre en place des protocole et directives, précise John Gobbi, CEO du club. Ensuite, nous allons être en partie tributaire de la météo. Si le soleil est présent durant l'hiver, cela aidera.» Comme une bonne partie de l'économie nationale, en somme.
Les autres arènes modernes, comme la Swiss Life Arena à Zurich, qui sera mise en service le 18 octobre, ne font pas que consommer de l'énergie. Elles produisent aussi de l'électricité grâce à l'énergie solaire ou à la chaleur résiduelle. «Nous produisons nous-mêmes un tiers de nos besoins en électricité sur l'année, précise Peter Zahner. En été, nous en produisons davantage et nous l'injectons dans le réseau, ce qui permet d'approvisionner environ 30'000 ménages. Mais c'est vrai qu'en hiver, nous sommes obligés de nous approvisionner en électricité.»
Si la panique n'est pas (encore?) de mise, la situation est tout de même inquiétante, surtout pour un secteur qui tente de se remettre du coronavirus. Comme bien d'autres, évidemment.