De Chicoutimi à Fribourg
Dans l'album photos de David Desharnais

Au terme de la saison en cours, David Desharnais mettra un point final à sa longue carrière. L'occasion de revenir avec lui sur ses moments forts, tandis qu'il est engagé actuellement comme capitaine du Team Canada à la Coupe Spengler.
Publié: 29.12.2022 à 08:02 heures
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Dernière mise à jour: 29.12.2022 à 09:50 heures
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À Chicoutimi, il a reçu le Trophée du Gentleman.
Photo: Getty Images
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Grégory BeaudJournaliste Blick

Difficile – voire impossible – de résumer plus de deux décennies de hockey sur glace en un article. C'est pourtant le challenge tenté en collaboration avec David Desharnais. Le joueur de Fribourg Gottéron mettra un terme à sa carrière à la fin de la présente saison. Au moment où il est engagé à la Coupe Spengler, l'endroit est idéal pour s'arrêter et faire le point sur 20 ans de hockey.

«Dans une carrière, tu n'as pas souvent l'occasion de te poser afin de prendre du recul, a-t-il précisé. Il y a certains moments qui y sont plus propices que d'autres. J'aurai le temps de le faire davantage lorsque tout ceci sera terminé.» Mais à 36 ans, «DD» prouve match après match qu'il a toujours le niveau pour évoluer en National League. La question qui lui est le plus souvent posée en ce moment? «Tu es sûr que tu arrêtes?» Et la réponse fuse: «Oui, je suis sûr. Il n'y a pas de changement d'avis possible.» Alors le moment est idéal pour regarder dans le rétroviseur dans un café de Davos.

2003-2007. Les débuts à Chicoutimi

Photo: Getty Images

«Sur cette photo, j'ai reçu le trophées du gentilhomme de la Ligue. 'Sportman of the Year' selon la terminologie. Il est remis à un joueur qui allie à la fois qualité de son jeu et comportement exemplaire sur la glace. Lorsque l'on te remet une telle distinction, c'est toujours valorisant. Cela prouve que ton travail est reconnu.

Lors de ma première saison à Chicoutimi en Ligue de Hockey Junior Majeur du Québec (LHJMQ), j'ai rencontré René Matte qui était alors mon entraîneur. Nous reparlerons de lui un peu plus tard. Cette période en junior est importante pour le développement d'un joueur. C'est là que tu apprends les bases du professionnalisme. C'est aussi là qu'un début de réseau se crée. Le hockey sur glace est un petit monde et c'est dans ces années que les premières amitiés se créent. Il y a beaucoup de gars de l'époque avec qui j'ai encore de bons contacts aujourd'hui. Il ne faut pas négliger ce passage dans la carrière d'un joueur.»

2008-2009. Snobé à la draft et signé par Montréal

Photo: NHLI via Getty Images

«Un petit bonhomme comme moi n'est pas ce que l'on peut considérer comme une valeur sûre pour un recruteur de NHL. Alors lorsque je n'ai pas été séletionné lors du repêchage, je n'ai pas franchement été surpris. Je savais que si je devais y arriver, mon chemin serait peut-être un peu moins direct. Mais j'étais convaincu d'avoir les capacités d'y arriver.

Finalement, c'est Montréal qui m'a donné ma première chance. Ce n'est pas un hasard. Guy Carbonneau, l'entraîneur des Habs, était propriétaire de Chicoutimi, club avec lequel j'avais évolué en Ligue junior québécoise. Jouer en NHL, c'est quelque chose de spécial pour tout joueur de hockey. Mais en tant que gamin qui a soutenu ce club, cela a une toute autre valeur encore.

Photo: Getty Images

La première fois que j'ai porté ce chandail des «Habs» m'a marqué. Ce n'était qu'un match de préparation avec tous les jeunes de l'organisation, mais cela ne faisait rien. Pour moi, c'était comme un rêve. Dans la photo ci-dessus, c'est une tradition du passage de flambeau qui a lieu avant chaque saison. Les joueurs d'une génération à l'autre se transmettent cette flamme symbolique comme un témoin des valeurs de l'organisation. Lorsque tu joues à Montréal, tu sens tout ce poids de la franchise au quotidien.»

12 janvier 2011. Premier but avec les «Habs»

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«Je me souviens parfaitement de ce moment. Je n'ai pas besoin de la vidéo (rires). C'était une rencontre face à Pittsburgh et je savais exactement où P.K. (ndlr Subban) allait mettre la rondelle. J'ai mis la crosse en opposition et voilà... Derrière, ce sont des émotions indescriptibles lorsque tu es un joueur canadien francophone d'avoir du succès à Montréal.

Photo: Getty Images

C'est un marché extraordinaire pour un hockeyeur québécois. Mais c'est sûr que les attentes qui nous entourent sont parfois démesurées. Il faut être solide dans sa tête pour que cela se passe bien. Pour moi, je pense que cela s'est bien passé et j'en garde d'excellents souvenirs même si je sais que tout le monde n'a pas eu cette chance. Je pense que ce sont des partisans qui savent reconnaître le travail d'un joueur. S'il ne triche pas et donne son 100%, ils sauront lui rendre hommage.»

2012-2013. Premier passage à Fribourg

Photo: Keystone

«Comme dit précédemment, je connaissais René Matte qui était entre-temps devenu entraîneur assistant à Fribourg. Je n'avais pas suivi son parcours, mais lorsque nous avons eu des contacts, il m'a tout de suite dit qu'il me voyait avoir du succès sur les patinoires européennes. Que le jeu pratiqué en Suisse pouvait me convenir. Comme je me trouvais en fin de contrat à Montréal, je ne pouvais pas me permettre de ne pas jouer durant la grève syndicale en NHL. C'est pourquoi j'ai accepté ce challenge de venir à Fribourg.

Lorsque tu arrives dans un nouveau pays, ce n'est pas simple. J'étais seul. Pas de femme ni d'enfant. En Europe, les gars sont plus âgés et passent donc moins de temps avec le reste de l'équipe. Surtout que nous voyageons moins ici. Tu as plus de temps libre à la maison et ce n'est pas toujours facile de trouver à s'occuper.

Photo: Keystone

Heureusement, j'ai pu compter sur Christian Dubé (photo ci-dessus) que je ne connaissais pas personnellement avant de venir en Suisse. Il m'a accompagné et m'a souvent invité pour manger chez lui. Nous avons beaucoup partagé de bons moments lors de ce bref passage à Fribourg. Je ne le savais pas encore à cet instant, mais c'est lui qui allait m'engager quelques années plus tard. Quand je vous disais que le monde du hockey est finalement tout petit...»

1er mars 2017. Le départ de Montréal

Photo: NHLI via Getty Images

«J'ai été échangé à Edmonton. Je n'ai donc pas décidé de la manière dont cela se terminerait avec Montréal ainsi que du timing. Lorsque tu es Québécois, jouer pour ce club représente un sommet. Il n'était pas franchement simple, après mon départ, de relancer une aventure ailleurs. Surtout si l'on se met à imaginer que tout ce qui va venir après sera moins bien. Moins intense.»

2017-2018. Edmonton, New-York. La fin en NHL

Photo: NHLI via Getty Images

«Je garde un souvenir très spécial de mon passage à New York. Comme Montréal, c'est un très gros marché. Mais c'est tout de même différent. En un sens, j'ai pris mes passages à Edmonton et New York comme des retours à une certaine réalité après ces années avec le Canadien. Parfois, à Montréal, tu te retrouves entouré de beaucoup de personnes, mais tu ne sais pas qui est là pour les bonnes raisons. Prendre un peu de recul m'a aidé à faire une sélection.

Mais c'est également durant mon année avec les Rangers que j'ai compris que mon avenir n'était plus en NHL. Je suis un joueur qui a toujours eu beaucoup de temps de glace et j'avais clairement un rôle différent là-bas. Cela ne me satisfaisait plus et c'est pourquoi j'ai décidé de quitter la NHL pour tenter ma chance en Europe.»

2018-2019. La Russie, une belle expérience

«Pourquoi la Russie? On ne va pas se mentir. L'argent a évidemment joué un rôle dans cette décision. Mais il y a aussi la qualité du jeu. Lorsque tu quittes le plus haut niveau, tu regardes juste à l'étage d'en-dessous. Je savais que j'avais le niveau pour jouer encore en NHL mais que mon rôle ne me plaisait pas. Alors j'étais convaincu d'avoir les qualités nécessaires pour jouer en KHL qui était le deuxième meilleur championnat au monde.

En ce qui concerne les conditions de jeu et de vie, j'ai vraiment passé du bon temps. Cela peut paraître bizarre aujourd'hui au vu de la situation actuelle dans ce pays, mais à l'époque c'était tout de même différent. Avec Omsk, nous évoluions dans la ville de Moscou. C'est une superbe cité et je m'y sentais bien. Le fait que le coach s'appelle Bob Hartley et qu'il est francophone comme moi, cela a assurément facilité la tâche. S'il n'avait pas été là, peut-être que j'aurais pris une décision différente. C'est difficile à dire. Mais ce n'est en tout cas pas une étape que je regrette dans ma carrière.»

2019-2023. Retour à Fribourg

Photo: Estelle Vagne/freshfocus

«Comme dit précédemment, c'est Christian Dubé, mon ancien coéquipier, qui a repris Fribourg Gottéron entre temps. Nous avions gardé beaucoup de contacts et c'était une quasi évidence de jouer pour son équipe au moment où je décidais de quitter la Russie. Mais même si j'arrivais dans un club que je connaissais déjà, tout avait déjà changé ou tout était en train de changer.

Les dirigeants ont effectué un travail admirable pour permettre à l'organisation de changer totalement de statut en Suisse. Les infrastructures sont très modernes et c'est un plaisir d'y évoluer même si je n'avais pas souffert des installations lors de mon premier passage. Mais c'est vrai que cela faisait un petit choc. J'arrivais de Montréal qui est ce qui se fait de mieux pour arriver dans un endroit comme l'ancienne patinoire Saint-Léonard, ce n'est pas le même monde (rires).

J'avais joué au cours de l'année du 75e anniversaire et je vais quitter l'année du 85e anniversaire. Je suis content d'avoir pris cette décision de revenir à Fribourg. Il reste une question à laquelle je n'ai pas de réponse: est-ce que j'ai préféré jouer avec Christian Dubé ou pour lui? Cela me paraît impossible de départager. Mais c'est en tout cas intéressant de l'avoir vu évoluer dans son nouveau rôle.»

2022-2023. Fin de carrière en équipe nationale

Photo: Getty Images

«Représenter ton pays, c'est toujours un moment particulier. Je n'avais jamais eu la chance de le faire avant les Jeux olympiques de cette année en Chine. Je suis conscient que si les joueurs de la NHL avaient pu être présents, je n'aurais pas été sélectionné. C'est évident. Mais cela n'enlève pas le fait que c'était une belle expérience. J'ai pris des photos de ce moment et j'ai tenté de ramener le plus de souvenirs possible. Mais je pense que les images que j'ai en tête ont plus de valeur et sont plus marquantes.

Finalement, ce rôle de capitaine lors de la Coupe Spengler m'honore. Mais cette compétition passe très vite. Cela dure une semaine. Tu ne peux pas mettre des choses en place comme un capitaine le ferait. Je vais serrer la main aux arbitres avant les matches déjà (rires). Mais il est vrai que tout au long de ma carrière, je n'ai pas été souvent le leader vocal dans le vestiaire. Ceux qui me connaissent ne seront pas étonnés de le lire. Par contre, je pense pouvoir dire que j'ai toujours montré l'exemple sur la glace. C'est ainsi que j'ai travaillé tout au long de cette aventure qui va prendre fin au terme de cette saison. Et je pense que je suis fier de ce qui a été réalisé.

Est-ce que je disputerais le Mondial 2023 si on m'invitait? Franchement je pense qu'il ne faut pas trop y penser. Cela n'arrivera pas. Avec les joueurs de NHL, je n'ai tout simplement pas ma place là-bas. J'ai déjà eu la chance de vivre tout ce que j'ai vécu non?»

Photo: Twitter: @HockeyCanada
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