Ruben Vargas, 24 ans, devenu une star de l’équipe nationale, est assis, entouré de 5000 figurines. Toutes sortes de personnages sont représentés sous forme de poupées ou de marionnettes. Blick a décidé de rencontrer le footballeur au Théâtre de marionnette d’Augsburg, ville dans laquelle il vit depuis bientôt quatre ans.
Sur l'équipe de Suisse de football
La jeune star s’y sent bien, la proximité avec la Suisse lui plaît également. Il fait souvent les trois heures de route qui le séparent de son village natal d’Adligenswil, près de Lucerne. «En principe, chaque fois que je peux dormir deux nuits chez Maman», précise-t-il. Le week-end dernier, il était à la maison – et a vu son frère Manuel, 21 ans, jouer en attaque pour les Kickers Luzern en 2e ligue interrégionale. «Contre Sursee où joue d’ailleurs le frère d’Haris Seferovic…», rajoute-t-il.
Alors que ce dernier n’est pas convoqué pour les matches de l’équipe nationale contre la Biélorussie et Israël, Ruben Vargas est considéré comme un titulaire indiscutable.
Ruben Vargas, nous sommes ici au Théâtre de marionnettes d’Augsbourg. Que représentent pour vous ces objets?
Je connais bien sûr Jim Knopf, le personnage le plus connu. Avant le match, nous donnons à chaque fois à l’adversaire une marionnette de lui au lieu d’un fanion. Et quand je vois toutes ces marionnettes, Pinocchio me vient aussi à l’esprit. J’ai regardé beaucoup de DVD de lui quand j’étais enfant.
Comment était votre enfance?
Très belle. J’étais souvent dehors et je jouais à toutes sortes de choses.
Toujours au foot?
Non, pas du tout. Mon père est originaire de la République dominicaine. Il jouait au baseball et était professeur de golf. J’ai pratiqué ces deux sports très tôt. À l’école, le football est venu s’y ajouter pendant les pauses. À un moment donné, j’ai dû choisir entre le baseball et le football – et j’avais un peu peur d’annoncer ma décision à mon père… Mais il l’a finalement très bien pris.
Que vous reste-t-il de la République dominicaine?
La joie de vivre, la positivité, la volonté de gagner, le tempérament – j’ai hérité de tout cela. Mes grands-parents, mes oncles et tantes ainsi que quelques cousins vivent là-bas. Nous leur rendons parfois visite. Je me rends toujours compte à quel point nous, les Suisses, sommes bien lotis. Enfant, je me demandais toujours pourquoi il y avait tant de trous dans les rues. Pourquoi il faut vingt minutes pour aller au supermarché en empruntant ces routes de gravier et pas deux minutes comme chez nous. C’est un privilège de ne pas vivre dans la pauvreté comme eux.
Soutenez-vous votre famille financièrement?
Bien sûr, cela fait partie du jeu.
Revenons à votre enfance. Votre maman a répondu à la question de savoir si vous étiez bon à l’école par «Il y est allé…»
Elle a vraiment dit ça? (Rires) Eh bien, elle a raison. L’école n’était pas facile pour moi. J’étais content quand il y avait une pause ou quand on faisait de la gymnastique. Mais je faisais de mon mieux, même si j’avais du mal à rester assis tranquillement. Et je n’aimais pas du tout les maths. Plus tard, j’ai vite compris que neuf ans d’école me suffisaient: je voulais faire un apprentissage.
Dans le bâtiment.
C’était difficile de trouver une entreprise formatrice qui me soutienne, car j’avais besoin de consacrer beaucoup de temps pour le football lorsque j’étais au FC Lucerne. Mon beau-père est menuisier et connaissait un patron dans le bâtiment. J’ai ainsi fait un apprentissage de peintre en trois ans.
Qu’est-ce que cela vous a apporté de travailler sur les chantiers?
J’ai appris la discipline. Se lever tôt le matin, travailler dur. C’est un sentiment formidable de créer quelque chose. Et puis, j’avais de bonnes personnes autour de moi, un super chef. Je suis encore en contact avec certains d’entre eux aujourd’hui, ils m’écrivent avant les matches. Ces personnes-là m’aident à garder les pieds sur terre. Et nous sommes maintenant deux peintres dans la Nati, Renato Steffen travaillait aussi dans le métier.
Comment avez-vous fait pour éviter les nombreuses bières sur le chantier?
Au début, les collègues me posaient des questions. Un jour, ils ne l’ont plus fait, heureusement… Je n’ai jamais bu de bière après le travail, cela ne me correspondait pas en tant que footballeur.
Rénoveriez-vous encore votre appartement vous-même?
S’il y a des travaux à faire, oui.
Vous êtes désormais la deuxième star du football d’Adligenswil.
Stephan Lichtsteiner était déjà célèbre quand j’étais petit. Quand j’avais 14 ou 15 ans, il est venu chez nous à Adligenswil. Nous pouvions demander des autographes et j’ai pris la pose à côté de lui pour un selfie. Quand il est revenu à Augsbourg, je lui ai montré la photo et je lui ai demandé s’il se souvenait de moi.
Au FC Lucerne, vous avez eu quelques problèmes en tant que junior. Vous avez dit un jour que vous aviez aussi beaucoup pleuré à cette époque. Pourquoi?
J’avais des lacunes. J’étais beaucoup plus petit et plus faible que les autres, surtout entre les M13 et les M15. Une fois, je n’ai pas été convoqué pour un tournoi. Je me souviens d’avoir pleuré jusqu’à ce que je m’endorme. Et quand il s’agissait de savoir qui resterait dans les équipes, je tremblais toujours. C’est pourquoi je suis allé à Kriens pendant un an en M17, avant que les choses ne s’améliorent en M18 à Lucerne. L’une des raisons est que j’ai eu une poussée de croissance à 17 ans. Aujourd’hui, je mesure 1,77 mètre.
On s’attend à ce que vous fassiez le prochain pas vers un club plus grand qu’Augsbourg cet été.
Je n’y pense pas. J’ai été blessé et je dois à présent me battre pour revenir.
Combien de temps vous a-t-il fallu pour digérer la défaite 6-1 contre le Portugal à la Coupe du monde?
Longtemps. Personne ne veut être éliminé de cette manière. Ce n’était pas la performance que nous voulions livrer. Certains revenaient de maladie, d’autres manquaient de fraîcheur. Mais il faut aussi dire que le Portugal a une équipe incroyable. Le simple fait que Cristiano Ronaldo soit assis sur le banc en dit long.
L’année précédente, l’élimination aux tirs au but contre l’Espagne en quart de finale de l’Euro semblait encore plus dure. La photo de vous en train de pleurer après le coup de sifflet final a fait le tour du monde. Vous souvenez-vous de ce moment?
J’étais incroyablement déçu. En huitième de finale contre la France, j’avais marqué mon tir au but. Je vivais les plus belles émotions de ma carrière. Contre l’Espagne, je le rate. C’était brutal. Et je n’ai pas eu honte de mes larmes.
Thiago Alcántara, la star de Liverpool, vous a réconforté. Que vous a-t-il dit?
Que je ne devrais pas être triste, que j’ai fait preuve de courage. Que je devrais être fier de moi et ne pas voir le négatif. D’autres Espagnols sont venus me voir et m’ont réconforté. Que des adversaires le fassent me touche encore aujourd’hui.
Avez-vous regardé à nouveau le penalty manqué?
Non, pourquoi le ferais-je? Je veux me souvenir des belles choses, pas des échecs.