Mercredi, pour le match de l’équipe de Suisse face à l’Ecosse, des dizaines de milliers de passionnés de football se sont massés dans les fan zones du pays. Rien qu’à Lausanne, environ 7500 personnes se sont réunies à Ouchy pour encourager, ensemble, leur sélection nationale. Les conditions étaient parfaites: un horaire idéal (21h), une soirée qui sent l’été et, bien sûr, la Nati qui joue.
Ce jeudi à 15h, la fan-zone de la Place de la Navigation diffusait un nouveau match de l’Euro 2024, moins tentant pour le grand public: Slovénie-Serbie.
Une question se pose dès lors: qui peut bien se rendre à la fan zone un jeudi après-midi pour assister à cette affiche? Blick était à Ouchy pour rencontrer ces fous de foot (ou pas).
Avant le match, un drapeau albanais et c'est tout
À un quart d’heure du coup d’envoi, il n’y a pas foule à Ouchy. À l’entrée de la fan zone, personne. Si ce n’est quatre agents de sécurité. Ont-ils vu des hordes de Slovènes et de Serbes débarquer en avance? «Non, il n’y a pas grand monde cet après-midi. Tu vas voir par toi-même», me lance un agent de sécurité avec l’accent du sud.
Entré dans la fan zone, je constate. Tout est prêt, des stands de sponsors aux bars et cabanons pour se ravitailler. Tout est là, donc. Sauf les gens. Au total, ils sont une cinquantaine sur l’esplanade devant l’écran géant, tout au plus.
Le premier groupe croisé n’a rien de serbe. Bien au contraire, même. Sept jeunes, avec maillots et drapeaux albanais défient chaque entrant du regard. Au moment des hymnes, l’un d’eux vient parader devant les chaises longues en brandissant son drapeau orné de l’aigle bicéphale. Le groupe s'éclipse dès le début du match, visiblement pas là pour voir du football.
Pas de queue à la buvette
Le match commence, la soif se fait ressentir. C’est le moment d’aller faire un tour au bar, tout en gardant un œil attentif sur l’écran. Fait rare dans une fan zone: il n’y a pas de queue pour s’abreuver. «Pour l’instant, c’est calme», confirme Aurèle, barman du jour. A-t-il quand même vendu des bières? «On n'en a pas servi beaucoup, une dizaine je pense», continue ce passionné de politique française. Le soir d’avant, pour le match de la Suisse, c’était tout le contraire. «Il y a toujours du monde quand la Suisse joue. On n’arrête pas.»
Une fois le match lancé, quelques supporters serbes, reconnaissables à leurs maillots et drapeaux, arrivent, par grappes. Les Serbes sont présents, logique. Moins les Slovènes, une plus petite communauté en Suisse. Mais alors qu’en est-il des neutres? Qui sont les personnes, ni Serbes ni Slovènes, qui viennent à la fan zone voir Slovénie-Serbie?
Quinze minutes et puis c'est tout
«On vient comme ça, regarder un peu de foot. On va rester dix minutes», me confie Carmine, 73 ans, léger accent italien. Il regardera le match de son pays (face à l’Espagne) chez lui, plus tard dans la journée. Avant cela, il est venu avec un ami, habillé comme il se doit: chemise, ceinture apparente, grosses lunettes de soleil. Les deux amis ont de la prestance, mais ne se voient pas rester debout toute l’après midi. «Quand tu as mon âge…», souffle le papy le plus élégant d’Ouchy.
Après une quinzaine de minutes, un groupe semble sur le départ. Le timing est étonnant. «Franchement, Slovénie-Serbie… c’est pas top», souffle Pierre, qui a un bateau à prendre et préfère filer.
Le match continue. Sur l’esplanade quasi déserte, les agents de sécurité patrouillent (très) tranquillement. Ils ne croulent pas sous le boulot en ce jeudi après-midi.
Pas comme mercredi
Sur la droite de l’écran, cinq jeunes filles sont assises sur des palettes empilées. Comment se fait-il qu’elles soient ici, un jeudi en pleine journée? «On est en vacances», expliquent-elles en coeur. «On passait par là, donc on s’est arrêtées. On aime bien le foot», continuent-elles. Manon, 19 ans, est une habituée des lieux: «Hier, c’était horrible. J’ai vu que dalle, seulement la tête des gens, aucun but.» Comme quoi, une affluence comme celle de ce jeudi a parfois du bon.
Un autre groupe, de trois gars cette fois-ci, regarde la partie de loin. Daniele, Thomas et Baptiste sont fans de foot et «suivent un peu tous les matches». Leur programme est étonnement semblable à celui des filles: «On n'avait rien à faire, donc on est venu ici.» Comme Manon, eux aussi, étaient déjà présents hier. «Il y avait plus d’ambiance. C’est quand même mieux quand c’est plein de monde. C’est le but de la fan zone», avance Thomas.
C'est toujours un spectacle
À l’approche de la deuxième mi-temps, il y a même quelques chaises longues de libre. Une denrée souvent rare dans ces lieux. L’occasion est trop belle pour ne pas en profiter, et se détendre un peu devant la deuxième mi-temps.
C’est pendant celle-ci que résonnent les premiers chants à Ouchy. Ils viennent de Munich et sortent tout droit des hauts parleurs. Au fur à mesure du match, de nouveaux arrivants font leur apparition. Ils viennent pour les prochains matches, bien à l’avance. Drapeaux espagnols, maillots italiens et survêtement vintage anglais font leur apparition à la fan zone lausannoise.
À la 68e, la Slovénie ouvre la marque. Trois applaudissements dans l’assemblée. Les fans serbes pestent. Ils jubilent une petite demi-heure plus tard. La Serbie égalise dans l'ultime minute du temps additionnel. La fan zone s’enflamme un peu, enfin. L’arbitre sonne le glas de la rencontre dans la foulée.
En me retournant, j'aperçois Carmine, notre papy italien. M’aurait-il menti? Serait-il resté tout au long du match? «Non, je suis parti et revenu, sourit-il. Au total, j’ai vu une heure de jeu. C’était bien. Un spectacle.»
Le foot est toujours un spectacle. La fan zone attirera toujours quelques amateurs, peu importe l’affiche.