Le milliardaire suisse Hansjörg Wyss
«J'envisage d'acheter le club de Chelsea»

Hansjörg Wyss vit aux États-Unis et est l'un des Suisses les plus riches et les plus influents. Dans une interview exclusive accordée à Blick, il déballe tout sur la guerre en Ukraine, s'en prend au Conseil fédéral et révèle qu'il envisage d'acheter Chelsea.
Publié: 02.03.2022 à 06:12 heures
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Dernière mise à jour: 02.03.2022 à 14:13 heures
Le milliardaire suisse Hansjörg Wyss étudie l'achat du club de football anglais de Chelsea.
Photo: Keystone
Nicola Imfeld

Hansjörg Wyss est sans doute le Suisse le plus influent au monde. Ce Bernois d’origine est vu en Amérique comme un marionnettiste en politique. Il ne s’exprime guère en public et est considéré comme un fantôme. Les événements de ces derniers jours, avec le début d’une guerre en Europe, ont bouleversé l’homme de 86 ans. Dans une interview exclusive accordée à Blick, il se confie.

Hansjörg Wyss, avez-vous été surpris que Vladimir Poutine aille jusqu’au bout et laisse ses troupes envahir l’Ukraine?
Non, pas du tout. Poutine ne déploie pas plus de 150’000 soldats aux frontières de l’Ukraine et de la Biélorussie sans plan d’attaque. Mes contacts indirects à Washington et à la Maison Blanche m’ont dit il y a des semaines déjà que Poutine voulait absolument cette guerre. Ils n’ont cessé de nous le répéter: Poutine est hors de contrôle!

L’Amérique et ses partenaires occidentaux de l’OTAN en Europe ont exclu d’intervenir militairement en Ukraine. Au lieu de cela, ils couvrent la Russie de sanctions. Est-ce la bonne voie?
La démarche de l’Occident est excellente. L’Occident ne peut tout de même pas déclencher une guerre en Ukraine avec les Russes. Mais toute punition sous forme de sanctions est juste et importante. Le fait que les oligarques russes soient ciblés par les Américains et les Européens est justement essentiel. Car ils ont peut-être une influence sur Poutine.

L’un d’entre eux est Roman Abramovitch. Il a quitté samedi la direction du club de football anglais de Chelsea.
Abramovitch fait partie des conseillers et amis les plus proches de Poutine. Comme tous les autres oligarques, il est pris de panique. Abramovitch tente actuellement de vendre toutes ses villas en Angleterre. Il veut également se débarrasser rapidement de Chelsea. Avec trois autres personnes, j’ai reçu mardi une offre pour acheter Chelsea à Abramovitch.

Comment cela? Vous allez acheter Chelsea?
Là, je dois attendre quatre ou cinq jours. Abramovitch demande beaucoup trop en ce moment. Vous savez, Chelsea lui doit deux milliards de livres. Mais Chelsea n’a pas d’argent. Cela signifie que ceux qui achètent Chelsea doivent dédommager Abramovitch.

Mais vous auriez l’argent…
À ce jour, nous ne connaissons pas encore le prix de vente exact. Je peux très bien m’imaginer rejoindre Chelsea avec des partenaires. Mais je dois d’abord examiner attentivement les conditions. Mais ce que je peux déjà vous le dire: je ne ferai certainement pas une telle chose tout seul. Si je rachète Chelsea, ce sera avec un consortium composé de six à sept investisseurs.

Revenons à la politique. Le Conseil fédéral ne voulait tout d’abord pas reprendre les sanctions de l’Union européenne pour des raisons de neutralité. Mais il a finalement cédé lundi. Avez-vous pu comprendre cette démarche?
J’ai été très inquiet pendant le week-end. Ne pas soutenir la démarche de l’UE, des États-Unis et d’autres pays occidentaux… Il est honteux de voir à quel point le Conseil fédéral et ses départements n’étaient pas préparés à cette crise. Il aurait dû revenir sur sa décision dès samedi ou dimanche lors d’une séance extraordinaire. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés sous le feu des critiques du monde entier – et ce, à juste titre!

Le stratège de l’UDC Christoph Blocher est d’un autre avis, tout comme de nombreux membres de son parti. Selon lui, la Suisse viole sa neutralité en adoptant les sanctions de l’UE contre la Russie.
Foutaises! Nous n’avons jamais été neutres dans les conflits. Christoph Blocher doit retourner à ses cours d’histoire. Pendant la Seconde Guerre mondiale, par exemple, nous avons vendu des armes aux deux camps. Et nous avons aussi laissé passer les trains de marchandises d’Hitler en Italie. Nous n’avons pas non plus été neutres pendant la Guerre froide – mais personne n’en parle.

La Suisse était pourtant bien neutre pendant la Guerre froide.
Nos généraux ont élaboré un plan avec l’OTAN pour savoir comment la Suisse devait se comporter en cas d’attaque de la Russie. Je le tiens de première main. Mais je ne révélerai pas les noms.

Et comment se présentait ce plan?
La Suisse était idéalement placée géographiquement pour subir une attaque des chars russes par le canal du Mittelland et devoir ensuite les regarder poignarder les troupes de l’OTAN dans le dos. L’Occident le savait et a préparé la Suisse à empêcher cela. A l’époque, nos généraux ont suivi des cours dans des académies militaires aux États-Unis et en Allemagne. Vous voyez donc que la Suisse n’a jamais été neutre.

Quel rôle la Suisse peut-elle encore jouer dans le conflit ukrainien si elle n’est pas neutre?
Le Conseil fédéral doit immédiatement consulter Bruxelles et Washington ce mercredi et étendre les sanctions à la Biélorussie en collaboration avec les partenaires occidentaux. Nous devons maintenant montrer que nous sommes solidaires avec l’Amérique, l’UE et le Royaume-Uni.

Mais alors, nous pourrons définitivement dire adieu à une conférence de paix à Genève.
Le lieu où se déroulent finalement ces négociations n’a aucune importance. Nous nous trouvons au cœur de l’Europe, au milieu de l’UE. La Suisse ne doit pas perdre sa bonne volonté uniquement pour spéculer sur d’éventuelles négociations entre l’Ukraine et la Russie. Le prix que nous payons pour cela est bien trop élevé.

Poutine a attaqué l’Ukraine. De quoi est-il encore capable?
Le problème, c’est que Poutine est actuellement isolé. Il n’a pas de bons conseillers autour de lui. La pression à l’intérieur du pays augmente. Cela rend Poutine d’autant plus dangereux et imprévisible. Son objectif est de rétablir la Grande Russie. Il est donc possible qu’il attaque encore d’autres pays baltes.

Mais l’OTAN interviendrait alors. Ce serait probablement la Troisième Guerre mondiale.
J’espère que nous n’en arriverons pas là. Mais malheureusement, Poutine est actuellement hors de lui. Il a mis les forces nucléaires en état d’alerte. Il est prêt à tout.

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