Rarement la Suisse, et en particulier Ignazio Cassis, n’aura fait l’objet d’autant d’attention. Lundi en début d’après-midi, le Tessinois a annoncé que la Suisse reprendrait toutes les sanctions de l’Union européenne, y compris le gel des avoirs des oligarques russes.
Cette déclaration a obtenu un écho international: sur Twitter, la Suisse s’est retrouvée en «tendances monde» durant quelques minutes, ce qui n’arrive presque jamais en dehors de quelques exploits sportifs. Le prestigieux «New York Times» et «CNN», pour ne citer qu’eux, ont relaté cette annonce en ces termes: «La Suisse renonce à sa neutralité et adopte les sanctions européennes».
La Suisse n’est plus neutre, vraiment? Certains élus de l’UDC, les seuls à s’opposer à la reprise des sanctions européennes, s’en sont émus. «La neutralité est morte et remorte», a tweeté le conseiller national et avocat genevois Yves Nidegger.
Le vote du Parlement sur la résolution vis-à-vis de l'Ukraine a laissé apparaître une large majorité au Conseil national. Seule une partie de l'UDC s'y est opposée. Le Fribourgeois Pierre-André Page et le Vaudois Michaël Buffat ont été les seuls élus du parti agrarien en Suisse romande à soutenir le texte.
Interrogé par Blick, le candidat au Conseil d'État vaudois explique avoir voté «en son âme et conscience». «J'ai lu le projet, j'ai trouvé qu'il fallait le soutenir même si l'un des points m'a dérangé, celui qui fait mention de l'Union européenne», précise Michaël Buffat.
Le vote du Parlement sur la résolution vis-à-vis de l'Ukraine a laissé apparaître une large majorité au Conseil national. Seule une partie de l'UDC s'y est opposée. Le Fribourgeois Pierre-André Page et le Vaudois Michaël Buffat ont été les seuls élus du parti agrarien en Suisse romande à soutenir le texte.
Interrogé par Blick, le candidat au Conseil d'État vaudois explique avoir voté «en son âme et conscience». «J'ai lu le projet, j'ai trouvé qu'il fallait le soutenir même si l'un des points m'a dérangé, celui qui fait mention de l'Union européenne», précise Michaël Buffat.
En réalité, la reprise des sanctions européennes ne change rien à la neutralité suisse. D’abord parce que ces mesures entrent sous le coup de la Loi fédérale sur l’application de sanctions internationales, entrée en vigueur en 2002.
Dès l’article 1, celle-ci stipule que la Confédération «peut édicter des mesures de coercition pour appliquer les sanctions visant à faire respecter le droit international public», en particulier les droits de l’homme, décrétées par l’ONU, l’OSCE ou par les principaux partenaires commerciaux de la Suisse.
Plus de vingt pays visés
Un outil que les autorités suisses ne se privent pas d’utiliser. Un détour sur le site internet du Secrétariat d’État à l’économie (SECO) le montre: actuellement, une vingtaine de pays fait l’objet de sanctions économiques. Les mesures contre la Russie sont listées sur une page intitulée «Mesures en lien avec la situation en Ukraine». Ces dispositions ont été modifiées 37 fois (!) depuis leur entrée en vigueur en avril 2014, dans la foulée de l’annexion de la Crimée.
La neutralité suisse fait l’objet de nombreux fantasmes. Mais d’où vient-elle exactement? Pour les amateurs d’histoire, «Swissinfo» a consacré un imposant dossier à cette thématique en 2015 à l’occasion des 200 ans du Congrès de Vienne. Dans les faits, la neutralité est plus imposée que choisie. «Cela va finalement arranger tout le monde. La Suisse étant incapable d’être stable, on va décider qu’elle est neutre et les Suisses vont s’en arranger», explique l’historien Olivier Meuwly.
D’abord, la neutralité a été en réalité un bon moyen de ne pas choisir son camp lors de conflits. Ce n’est que dans un deuxième temps que l’aspect humanitaire lui a «donné corps», selon Olivier Meuwly, avec la tradition des «bons offices» suisses. «Du fait qu’elle n’est rattachée à aucune grande puissance et qu’elle n’a pas d’agenda caché, la Suisse peut établir des ponts là où d’autres acteurs sont bloqués», résume la Confédération elle-même sur son site.
Un virage en 2002
La neutralité telle que pratiquée par la Suisse s’est révélée être un outil très précieux politiquement, relève le Professeur à l’Université de Lausanne Hans-Ulrich Jost. Cet expert de la diplomatie, également interrogé par «Swissinfo», note que les Suisses accordent une grande dimension morale à cette neutralité, gratifiée d’une «aura infaillible, presque religieuse». Dans les faits, le pays en a beaucoup profité, restant à l’abri des conflits et pouvant prospérer en dépit de situations parfois moralement douteuses.
L’année 2002 constitue un virage dans la neutralité helvétique: le 3 mars, en votation populaire, la Suisse accepte par 54,6% des voix (et une courte majorité de 11,5 cantons!) l’adhésion à l’ONU. Le Conseil fédéral estime alors que cela ne change rien à la neutralité du pays, puisque la Suisse ne participe pas aux missions militaires.
Que risquent les détenteurs du passeport suisse désireux de s'engager militairement dans le conflit ukrainien? «Le Temps» se fait écho ce mardi de plusieurs cas rapportés par le président de la Société ukrainienne en Suisse. Les personnes au bénéfice uniquement de la nationalité suisse sont les plus exposées: elles risquent trois ans de prison en raison du Code pénal militaire.
Pour les double-nationaux, explique le quotidien basé à Genève, une clause de non-punissabilité est prévue, mais uniquement pour les binationaux qui sont établis dans le pays et y accomplissent leur devoir militaire.
Que risquent les détenteurs du passeport suisse désireux de s'engager militairement dans le conflit ukrainien? «Le Temps» se fait écho ce mardi de plusieurs cas rapportés par le président de la Société ukrainienne en Suisse. Les personnes au bénéfice uniquement de la nationalité suisse sont les plus exposées: elles risquent trois ans de prison en raison du Code pénal militaire.
Pour les double-nationaux, explique le quotidien basé à Genève, une clause de non-punissabilité est prévue, mais uniquement pour les binationaux qui sont établis dans le pays et y accomplissent leur devoir militaire.
La candidature en danger?
Vingt ans plus tard, la Suisse est candidate à un siège non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Un mandat de deux ans qui a donné lieu à «des consultations approfondies au sein du Parlement», écrit le Département fédéral des Affaires étrangères. La candidature helvétique a été officiellement déposée en 2011, puis confirmée à plusieurs reprises. La décision est prévue en juin prochain à New York.
À moins que cette candidature soit retirée auparavant? C’est du moins ce que souhaite l’UDC. Une motion de son président Marco Chiesa sera traitée le 8 mars au matin. Mais le groupe agrarien peut aussi, grâce à ses 55 membres au Conseil national (plus d’un quart du total), solliciter une Session spéciale pour discuter de cet objet.
L’OTAN? Pas compatible
Quid d’une adhésion à l’OTAN? «Ce n’est pas possible au regard du droit auquel se réfère la neutralité suisse, à savoir les conventions de La Haye de 1907, explique à Blick Micheline Calmy-Rey. La Suisse ne doit pas participer militairement aux conflits entre États, ni exporter du matériel dans les pays en guerre ou encore mettre à disposition son territoire aux parties belligérantes», rappelle l’ancienne conseillère fédérale.
En tant qu’État neutre permanent, elle ne peut donc adhérer à une alliance militaire qui pourrait entraîner l’autre dans une guerre. «La neutralité suisse est donc incompatible avec une appartenance à l’OTAN», conclut l’auteure d’un livre sur la «neutralité active» du pays paru l’an dernier.