La Turquie a déjà gagné l'Euro dans un domaine bien précis, où elle ne pourra être battue par absolument aucune des 23 autres équipes qualifiées: l'ambiance. Ses fanatiques, le mot est bien choisi, étaient largement plus de 40'000 ce mardi au Westfalenstadion de Dortmund et ils ont créé une atmosphère incandescente, comme eux seuls savent le faire en Europe.
Salih Ozcan avait prévenu les Géorgiens avant le match: poussés par leur public, et le mot est faible, les Turcs allaient vouloir plier le match d'entrée et choquer leurs adversaires caucasiens, avec lesquels ils partagent une frontière, d'ailleurs. Ses coéquipiers (il était remplaçant au coup d'envoi) ont honoré sa promesee en étouffant complètement des Géorgiens étourdis par les sifflets incessants descendus des tribunes à chaque fois qu'ils récupéraient le ballon. Impossible d'y rester insensible: chaque passe, et absolument chaque touche de balle géorgienne d'ailleurs, était accompagnée d'un bruit strident, avec un rugissement collectif et intimidant à chaque fois que les Turcs reprenaient le contrôle du jeu. Le pressing était fou et les Géorgiens n'avaient aucune possibilité de sortir la tête du volcan.
Des Turcs survoltés
Les Turcs, survoltés, ont commencé par tirer sur le poteau par Kaan Ayhan (10e) devant leur mur rouge, puis ont ouvert la marque grâce à un but venu d'ailleurs, une volée limpide de Mert Müldür (25e, 1-0). Le stade a alors basculé dans l'irrationnel et il devenait littéralement impossible d'entendre son voisin de siège. Deux minutes plus tard, Kenan Yildiz doublait la mise, pour une nouvelle éruption du volcan, mais le milieu offensif était légèrement hors-jeu, la VAR venant rafraîchir quelque peu l'ambiance après coup.
Il semblait pourtant clair que les Turcs ne pouvaient pas tenir ce rythme durant 90 minutes, que ce soit sur le terrain ou en tribunes, et le Roi Georges Mikautadze a surgi au bon endroit à la 32e sur un petit centre parfait de Giorgi Kochorashvili pour égaliser et faire entendre enfin les supporters géorgiens. 1-1!
La Turquie, sonnée par cet uppercut inattendu, se mettait alors à découvrir le revers de la médaille de ce fabuleux public: la pression, la vraie, celle qui peut couper les jambes. Alors que chaque attaque turque jusqu'alors était accompagnée du souffle de tout un peuple, le poison du doute s'instillait alors petit à petit dans les têtes et dans les organismes. Et vu que, sur le terrain, tout se passait un peu moins bien et que les jambes commençaient à trembler, le public commençait à s'impatienter, voire à montrer des signes d'agacement parfois.
Les Géorgiens, portés par la fierté de représenter leur pays et d'avoir marqué le premier but de leur histoire en phase finale de l'Euro, se mettaient alors à desserrer l'étreinte, et même à carrément bien jouer, pour la plus grande joie de leurs 10'000 supporters, chiffre approximatif, mais sans doute pas loin de la réalité. Georges Mikautadze aurait pu, voire même dû, marquer le 2-1 peu avant la pause, mais n'a pas su cadrer sa frappe, ce dont il s'est énormément voulu sur le moment. Et nul doute qu'en revoyant l'action à la vidéo, la frustration de l'attaquant du FC Metz augmentera encore dans les prochaines heures.
Le but du 3-1 dans la cage vide
Après ce gros moment de doute pour les Turcs, la sélection de Vincenzo Montella s'est remise de ses émotions et a eu l'immense bonheur d'inscrire le 2-1 grâce à un nouveau but exceptionnel, du joyau Arda Güler cette fois (65e, 2-1). Le jeune milieu offensif du Real Madrid a parfaitement enroulé sa frappe et refait exploser de joie les dizaines de milliers de Turcs présents à Dortmund ce mardi.
L'atmosphère redevenait alors incandescente, le volcan se réveillait et, cette fois, les Géorgiens, admirables de volonté et de cœur, n'allaient pas revenir, malgré deux immenses et incroyables occasions dans les arrêts de jeu, lesquelles auraient eu l'effet d'un climatiseur géant. Les Turcs, avec pas mal de réussite, ont tenu bon et ont même pu inscrire le 3-1 dans le but vide, Kerem Akturkoglu s'échappant à la manière d'un hockeyeur pour aller délivrer tout un stade, tout un peuple, toute une nation.
Victoire turque, donc, dans une ambiance inoubliable pour qui a eu la chance de se trouver dans le stade ce mardi. Quel spectacle en tribunes!