Rainer Krause n'a pas besoin de réfléchir longtemps. Quand on lui demande s'il se sent plutôt allemand ou suisse, il s'exclame: «Je suis de Büsingen!». Cet homme de 81 ans a toujours vécu dans ce village, aujourd'hui peuplé de 1625 habitants. Autrefois joueur et président du club de football, il jouit aujourd'hui d'une retraite bien méritée.
Bien que Büsingen soit officiellement située sur le territoire allemand, elle est entièrement entourée par la Suisse. Cette enclave est donc unique en son genre, et cette singularité donne régulièrement lieu à d'étranges spécificités. Par exemple, le village a à la fois un code postal allemand (78266) et un code postal suisse (8238). L'électricité, le réseau de téléphonie mobile et l'eau sont suisses, tout comme... 25% des habitants.
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Si Rainer Krause se considère avant tout comme un citoyen de Büsingen, il n'en reste pas moins officiellement allemand. «Mais je serais favorable à ce que notre commune se rattache à la Suisse. Quand je regarde Arena (ndlr: l'émission politique de la chaîne alémanique SRF) et que je ne peux pas voter ensuite, cela m'énerve.»
Mais Büsingen peut-elle seulement devenir une commune suisse? L'idée est moins absurde qu'il n'y paraît. Au 20e siècle, cette question a été régulièrement débattue. Il y a 106 ans de cela, en 1918, un référendum avait vu 96% des citoyens de l'enclave se prononcer en faveur d'un rattachement à la Suisse. Un vote clair, qui n'avait toutefois abouti à aucune intégration formelle.
La maire se réjouit d'une soirée amusante
«Mais pour l'instant, ce n'est pas un sujet», explique Vera Schraner dans un dialecte schaffhousois. Cette femme de 51 ans a grandi ici, mais a travaillé en Suisse. Depuis 2020, elle est maire de Büsingen, un mandat qui l'occupe à plein temps.
Une simple conversation avec elle montre à quel point son travail est complexe ici. La loi sur la révision de la TVA, ou encore la frontière extérieure de l'UE, sont autant de préoccupations complexes qui alimentent grandement ses journées de travail. «Je pourrais facilement en parler pendant quatre heures», dit-elle en riant.
Le match entre la Suisse et l'Allemagne aura forcément un goût particulier pour elle. «Je suis pour l'Allemagne. Mon mari, qui est suisse, et nos deux enfants, qui ont tous deux le passeport, sont pour la Suisse. Ce sera certainement une soirée amusante. Je mise sur un score de 2-1 pour l'Allemagne.»
Mais revenons dans le jardin de Rainer Krause. Qui va-t-il supporter dimanche soir? L'octogénaire refuse catégoriquement de répondre à cette question. «Avant, j'avais plutôt tendance à soutenir les Allemands, mais plus maintenant. Je pense que le match se terminera sur un score de 1-1.»
Rainer Krause se remémore le passé avec nostalgie: quand il y avait encore une fanfare à Büsingen, ou quand son club était parvenu à monter en 2e ligue en comptant en son sein des joueurs locaux. «Aujourd'hui, je ne connais plus aucun joueur de la première équipe. Il n'y a plus que des gens de l'extérieur qui jouent ici. C'est dommage, mais en même temps, sans eux, le club n'existerait probablement plus depuis longtemps.»
La situation particulière de la bourgade affecte également le club de temps à autre. Lors de sa création, le FC Büsingen, qui fêtera son centenaire en juillet, était affilié à la fédération de football du sud de l'Allemagne, mais depuis 1947, il est membre de l'ASF et évolue dans le championnat suisse. A ce titre, le club a reçu pendant des années des subventionos l'Office fédéral du sport. A tort, ont finalement statué des juristes en 2022. Depuis lors, le club ne reçoit plus d'aide de la Confédération.
La frontière traverse le Biergarten
«C'est exactement le genre de défis que nous devons relever tous les jours», explique la maire Vera Schraner. Malgré tout, la commune se porte bien. Avec une moyenne d'âge de 51,3 ans, Büsingen est certes la deuxième commune la plus âgée d'Allemagne, mais en même temps, le nombre d'habitants a augmenté de 20% au cours des dix dernières années et les enfants étaient plus nombreux que jamais lors de la dernière rentrée scolaire.
En revanche, lorsqu'on parle de politique avec Markus Buenacosa-Gietl, celui-ci lève les yeux au ciel. Cet Allemand est le tenancier du restaurant Waldheim. La frontière nationale passe au milieu du Biergarten et des châtaigniers. «Je suis tellement déçu par la politique allemande que je ne veux plus encourager notre équipe nationale. J'espère que la Suisse gagnera dimanche et je parie sur un score de 3-1.»
Une chose est d'ores et déjà claire: quel que soit le résultat du match de dimanche, il y aura des gens à Büsingen pour exulter.