Il n’y avait pas foule à la fan zone d’Ouchy, lundi à l’heure du goûter. Le match Roumanie-Ukraine n’était, sur le papier, pas le plus alléchant. Et l’horaire n’aidait en rien. Pour autant, cette rencontre représentait bien plus qu'un simple match de football pour une partie de la poignée de spectateurs présents.
Permission de l'école
Parmi eux, une silhouette détonne tout de suite. Un jeune homme est tout seul devant, en plein soleil, casquette à l'envers et drapeau ukrainien noué sur les épaules. Il s’appelle Nate et a quitté Kiev «juste avant la guerre. Parce qu’on savait que ça allait arriver». Lundi après-midi, l’adolescent de 19 ans a été libéré par son école pour le match. «Pour les Ukrainiens, c’est plus important de voir le match. Le gymnase nous a permis d’y aller», détaille-t-il.
Car pour le peuple ukrainien, voir son pays à l’Euro 2024 vaut sans doute plus que pour toutes les autres nations représentées en Allemagne. Déjà, cela montre que «la guerre ne nous arrête pas de jouer au football», déclare Nate. L’Ukraine, non-qualifiée pour la Coupe du Monde 2022 au Qatar, a réussi à se qualifier pour l’Euro 2024. Dans un contexte compliqué (matches délocalisés et situation que l’on connaît), les Ukrainiens sont passés par les barrages pour rallier l’Allemagne.
Champ de bataille et terrain de foot
Une preuve que l’Ukraine résiste sur le pré et continue d’être compétitive sur la scène internationale. «Pour nous, c’est important de montrer que notre nation se bat, partout. Sur le champ de bataille, mais aussi sur le terrain de foot», tonne Lisa, impressionnante de maturité. La jeune fille de 14 ans, arrivée de Kiev «au tout début de la guerre» est passionnée de football «depuis petite».
Diana, 16 ans, n’éprouve pas la même passion, à la base. «Le football ne m’intéresse pas vraiment. Mais c’est mon pays, l’Ukraine, que je soutiens», expose cette gymnaste. «Il ne faut pas que les gens oublient. Il faut qu’ils voient qu’on reste une nation unie, malgré la guerre dans notre pays», continue celle qui est présente à la fan zone avec sa mère.
Plus que de foot
Une nation unie, où le football prend une dimension politique. «C’est important, on montre que l’on est meilleur, que l’on va gagner la guerre», déclare Diana, qui compte sur la popularité du football pour que l’Ukraine ne tombe pas dans l’oubli.
Outre la dimension politique, le football permet de se réunir, même si Ouchy et Kiev sont séparés de presque 2000 kilomètres. Un moyen, aussi, d’oublier quelque peu le quotidien au pays. Les nouvelles reçues sont tragiques depuis de trop longs mois. Pendant 90 minutes «la guerre sort de nos têtes», explique calmement Nate. «Regarder un match, oublier tout, juste être là pour son équipe, pour son pays. Ça permet de se détendre, d’être fier», conclut Lisa avec poésie.
Être fiers, unis, résister, le tout grâce à un match de football. Voici ce qu’ont vécu de nombreux Ukrainiens tout autour du globe, lundi. Car le football, c’est parfois plus qu’un simple jeu. Depuis le temps que je le rabâche à ma mère.