Zdravko Kuzmanovic, ancien du FC Bâle
«Aucun Serbe n'a oublié l'aigle bicéphale»

Si la Suisse gagne, il la félicitera. Si la Serbie gagne, il exultera. Le binational Zdravko Kuzmanovic a joué pour les deux pays durant sa carrière. Interview.
Publié: 02.12.2022 à 06:12 heures
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Dernière mise à jour: 02.12.2022 à 09:26 heures
Zdravko Kuzmanovic a évolué durant sept saisons au FC Bâle.
Photo: TOTO MARTI
Michael Wegmann

Zdravko Kuzmanovic a une particularité: il a porté le maillot suisse et serbe durant sa carrière. Durant toutes ses classes juniors, la croix blanche arborait son équipement. Mais lorsqu'il est passé «chez les grands», il a opté pour son pays d'origine, la Serbie. Interview.

Zdravko Kuzmanovic, le match entre la Suisse et la Serbie n'est-il pas suffisamment explosif pour que vous rajoutiez de l'huile sur le feu?
Qu'est-ce qui vous fait dire cela?

Dans une interview à «20 Minuten», vous dites que si vous jouiez encore pour la Serbie, vous élimineriez Xhaka et Shaqiri.
Stop. Je ne voulais pas dire par là que je ferais volontairement du mal à quelqu'un. Ce que je voulais dire, c'est que je serais agressif dans les duels et que je sortirais le grand jeu parce que je veux absolument gagner. Vous me connaissez: je n'ai jamais été un joueur qui se retient. J'étais émotionnel et je le serai toujours.

Vous avez joué avec Shaqiri à l'Inter Milan.
Oui, nous nous connaissons bien. De temps en temps, nous nous voyons aussi à Kaiseraugst, en Argovie, et discutons. Nous n'avons aucun problème. Alors, s'il vous plaît, ne vous emballez pas. Le sujet doit être clos maintenant. Le football et la politique devraient être séparés, ce serait mieux pour tout le monde.

Peut-on vraiment faire abstraction des antécédents de 2018?
Probablement pas. L'aigle bicéphale était une honte, aucun Serbe ne l'a oublié. Mais c'est arrivé, on ne peut plus revenir en arrière.

Les Serbes avaient violemment provoqué et insulté Xhaka et Shaqiri avant même le coup d'envoi.
Les deux parties ne se sont pas comportées correctement. En tant que joueur, on devrait pourtant être habitué à être provoqué. Cela fait partie du travail, on ne doit pas réagir. Les gars ont certainement appris de leurs erreurs. J'espère que cette scène ne se reproduira pas.

Serait-ce néanmoins envisageable?
Oui. Personne ne sait ce qui va se passer. Est-ce que la rencontre va rester calme? Est-ce que cela va se reproduire? Tout le monde va regarder ce match de près. La tension sera à son comble. Tous les Serbes sont chauds. Xhaka et Shaqiri seront eux aussi enflammés. Je ne sais pas si les émotions seront à nouveau à fleur de peau. Si j'étais sur le terrain, je ne pourrais pas garantir que je resterais calme. Aucun joueur ne peut te donner cette garantie, même si tous les scénarios ont été discutés mille fois en amont.

Que se passerait-il si l'histoire se répétait?
Il y aurait un énorme scandale et les deux parties le savent. Si quelque chose devait arriver, quelle que soit l'équipe concernée, la FIFA devra réagir et imposer des sanctions! Les déclarations politiques et les provocations ne doivent pas avoir leur place dans un match.

Les Serbes ont accroché un drapeau nationaliste dans le vestiaire avant le match au Brésil. N'est-ce pas une provocation politique?
Qu'est-ce que je peux dire à ce sujet? Le vestiaire était vide et on ne sait pas qui a pris la photo. Aucun joueur ne l'a postée. Ce n'était certainement pas un geste judicieux. Mais sur le plan sportif aussi, le duel contre la Suisse est suffisamment explosif. Parlons-en. Il n'y a plus d'excuses. C'est tout ou rien. Une équipe passe, l'autre rentre chez elle.

En tant que binational suisse et serbe, pour qui croisez-vous les doigts?
Je suis né en Suisse et j'y vis toujours. J'ai joué avec Silvan Widmer, Fabian Frei et Xherdan Shaqiri. Contre n'importe quel autre adversaire, je souhaiterais que la Suisse gagne. Mais pas contre la Serbie. J'ai joué plus de 50 matches internationaux avec la Serbie, même lors de la Coupe du monde 2010. J'espère que nous, les Serbes, nous nous imposerons cette fois-ci et que nous irons loin.

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«Il faudrait séparer le football de la politique, ce serait le mieux pour tout le monde»
Zdravko Kuzmanovic
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Qui va gagner?
Les deux équipes ont de la qualité. Le mental, la forme du jour et la volonté seront décisifs. Je pense que les Suisses ont plutôt l'avantage. Un match nul leur suffit et ils me semblent plus en forme. Et il y a cette défense solide. La défense suisse était si calme et sereine contre le Brésil que cela me fait presque un peu peur en tant que supporter de la Serbie.

Et la défense de la Serbie a déçu contre le Cameroun.
Et comment! Je dois dire que la manière dont ils ont laissé filer un avantage de 3-1 en quelques minutes était ridicule. Ce comportement défensif était digne de juniors. Si nous jouons de la sorte contre la Suisse, ça ne sent pas bon. Et pourtant, l'attaque suisse n'a pas vraiment été efficace contre le Cameroun et le Brésil. Offensivement, la Suisse a été faible, elle ne s'est pas créé beaucoup d'occasions. Cela me donne de l'espoir.

Il y a quatre ans, lors du duel à Kaliningrad, la Serbie jouait à domicile, les supporters serbes étant présents en nombre. Est-ce que ce sera à nouveau le cas au Qatar?
Ce sera à nouveau le cas! Les Serbes et les Suisses sont dans deux mondes différents en termes de mentalité. En Suisse, nous sommes plutôt calmes, neutres, objectifs, réservés. Ici, on peut aller au stade avec des enfants. En Serbie, c'est complètement différent: on est tout feu tout flamme, c'est très émotionnel. Chaque supporter est prêt à tout donner pour la victoire. Cela m'a toujours poussé. Le ton monte. Tous les Serbes savent de quoi il en ressort. Et ils donneront tout pour réussir leur revanche.

Où regarderez-vous le match?
Chez moi, en Suisse, devant la télévision.

Et par la suite, vous enverrez des piques sur les réseaux sociaux? C'est ce que vous faites depuis votre retraite il y a deux ans.
Je n'écris pas beaucoup. Mais quand j'écris, je dis ce que je pense. Même si c'est critique. 80% des gens pensent comme moi, mais ils n'ont pas le courage de le dire. La majorité préfère être bien vue de tous, ne pas se faire remarquer et ne pas laisser de traces.

Vous voulez laisser des traces?
Non, mais je me moque de ce que pensent les autres. Je ne fais pas que taper, j'écris aussi quand les choses vont bien. Pour preuve, je serai le premier à féliciter la Suisse en cas de victoire. Mais je serai aussi le premier à dire combien je suis heureux en cas de victoire de la Serbie. Et si cela devait arriver, je n'ajouterais pas à quel point je suis désolé pour la Suisse. C'est comme ça: si la Suisse gagne, je la félicite. Si la Serbie gagne, je suis content.

Votre pronostic pour vendredi?
Mon rêve serait que la Serbie marque le but de la victoire à la 96e minute.

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