Noël avancé de huit mois. En ce jour d'avril, Murat Yakin est comme un enfant dans le lobby de l'hôtel Kempinski, à Doha au Qatar. Tandis que les analystes déplorent le groupe relevé dont la Suisse a hérité pour le mondial hivernal, le coach de la Nati, lui, a les yeux qui brillent.
La Suisse a tiré le Brésil. Comme en 2018. Murat Yakin n'y était pas, et est très heureux de cette revanche. «Jouer contre la Seleção était pour moi un rêve d'enfant. J'en ai finalement l'occasion comme entraîneur, et je m'en réjouis énormément.»
Quelques mois plus tôt, «Muri» n'aurait jamais imaginé ce destin, lui qui était encore coach du FC Schaffhouse, en Challenge League. Et le voilà sur la plus grande scène du monde, la plus belle: la Coupe du monde. Il fait la fierté de toute la famille et surtout de sa maman Emine, soutien indéfectible de Murat et d'Hakan, actuel entraîneur... du FC Schaffhouse.
Ils ont des Yakin, mais pas d'arbitre!
«On l'appelait le Pelé blanc»
A bientôt 90 ans, maman Yakin ne sera pas dans les tribunes du stade 974, une enceinte très particulière de ce Mondial qatari. «Ma mère est fan du Brésil, surtout Pelé qui a marqué ma famille.» À un tel point que la légende auriverde a donné son nom à un membre du clan Yakin! «Mon frère aîné Bülent, qui aura 70 ans l'année prochaine, était surnommé le Pelé blanc à l'époque. Parce qu'il jouait pareil.»
Famille qui vibre pour le football, les Yakin sont nombreux: il y a Bülent, Murat et Hakan, ainsi que six demi-frères et soeurs. La famille a grandi à Münchenstein, commune frontière entre Bâle-Campagne et Bâle-Ville. Aujourd'hui encore, Murat Yakin apporte souvent le repas pour les huit autres membres de sa «garde rapprochée».
L'anniversaire d'Emine, à la mi-décembre, est l'occasion de se retrouver pour tout le clan au sens large, chez elle à Muttenz (BL). «Mais nous n'avons réussi qu'une fois à réunir tout le monde», sourit Murat Yakin. Combien de personnes, au total? «Je dois toujours les compter, mais je crois que ça fait 52!» Le coach de l'équipe de Suisse est lui-même père de deux enfants avec son épouse Anja.
Autour de la table familiale, le Brésil anime les conversations. Murat, né en 1974, n'a pas connu Pelé joueur. Il n'avait que 3 ans lorsque la légende a raccroché les crampons. Sa référence brésilienne est surtout Ronaldo, éclos bien plus tard. «Je n'ai que peu de souvenirs de 1978. La première Coupe du monde que j'ai vraiment vécue était celle de 1982, avec les Panini et les italiens Rossi et Tardelli en finale. Ils avaient battu l'Allemagne de l'Ouest.»
Sur la famille Yakin
Quel plan contre le Brésil?
Quelques heures à peine après la victoire initiale contre le Cameroun (1-0 grâce à Embolo), Murat Yakin est déjà concentré sur ce choc du 28 novembre. Dans le stade de Lusail, celui de la finale, les Sud-Américains affrontent les Serbes. Le coach de la Nati est aux premières loges pour voir le Brésil danser la samba après la pause, avec notamment ce bijou signé Richarlison.
Au moment de faire la causette avec Blick le lendemain, Murat Yakin a encore des étoiles dans les yeux. Lui aussi, le Brésil l'a impressionné, notamment avec une puissance offensive de feu. L'absence de la superstar Neymar ne fait ainsi presque aucune différence aux yeux du coach helvétique. Mais «Muri» a aussi découvert de petits points faibles, et un jeu de transition rapide et précis pourrait permettre à la Suisse de résister à la Seleção.
Affronter le favori pour le titre mondial? Une tâche qui n'effraie pas Murat Yakin. Avec le FC Bâle, il avait battu deux fois Chelsea, puis éliminé Tottenham en Europa League. Depuis qu'il est coach national, il s'est déjà offert le luxe de finir devant l'Italie, championne d'Europe (deux matches nuls dans les confrontations directes), et deux victoires de prestige en Ligue des nations contre le Portugal et l'Espagne.
«La Serbie? Nous avons tiré les leçons de 2018»
À moins d'un exploit qui qualifierait la Suisse, le jour de vérité devrait avoir lieu vendredi contre la Serbie. Pas facile, après ce qui s'est passé en 2018. Murat Yakin ne répétera pas l'erreur de Vladimir Petkovic, qui n'avait pas voulu évoquer tout cela en public et avait vu la polémique autour de la célébration de l'aigle kosovar déstabiliser son groupe avant le huitième de finale face à la Suède.
«Seul le sport peut écrire des histoires comme celle de la Coupe du monde 2018. Le fait que Granit et Shaq' marquent des buts précisément dans ce match-là était particulier, se souvient Murat Yakin. Même si les Balkans ont leur histoire, il s'agit cette fois de football et non de politique. J'espère que toutes les personnes concernées le voient ainsi. J'en discuterai encore individuellement avec chacun, mais je suis sûr que nous sommes bien préparés: nous avons tiré les leçons de la Russie.»