Tous les amateurs de football bâlois la connaissent depuis près de trente ans. Emine, la mère des Yakin, se tenait au balcon pour applaudir ses fils Murat (46 ans) et Hakan (44 ans) lors de la célébration du titre de champion remporté par le FC Bâle à la Barfüsserplatz. Au début du siècle, elle se rendait presque chaque jour en tricycle à l’entraînement du FCB.
Avec Grasshopper, c’est elle qui a négocié l’indemnité de transfert de 10’000 francs pour Murat, alors âgé de 17 ans. Sitôt la transaction terminée, elle a enfoui les billets de banque dans son trench. Cette femme, le rayon de soleil du nouveau sélectionner national de l’équipe de Suisse, a vécu une histoire mouvementée avant de mettre au monde Murat et Hakan, deux futurs piliers de l'équipe de Suisse.
En 1970, Emine, alors mariée à Hüseyin Hüsnü Irizik, arrive à Saint-Gall en provenance d’Istanbul. Elle y trouve du travail comme couturière. Trois mois après son arrivée, sa propre mère meurt. Le couple retourne en Turquie pour une courte période. En 1972, Emine vit avec son mari à Viège, gagnant sa vie comme infirmière à l’hôpital de Santa Maria. Cinq jours après sa prise de fonction, son mari disparaît. Il est retrouvé mort dans le Léman. Emine ne l’apprend que dix jours après l’accident.
Avec les enfants dans un refuge pour femmes
Veuve, la mère de l’actuel entraîneur de l’équipe de Suisse est confrontée à un gros problème: pour faire venir en Suisse les six enfants de son premier mariage, elle doit se remarier. Grâce à des amis, elle rencontre Mustafa Yakin, un soudeur vivant à Bâle. À peine un mois plus tard, ils se marient au consulat turc. Début 1974, les six enfants du premier mariage déménagent en plusieurs étapes vers la Suisse. Murat Yakin est né le 15 septembre 1974. Deux ans et demi avant son frère Hakan.
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Mais le jeune couple est très rapidement en crise. La police emmène Emine et ses enfants dans un foyer pour femmes. Elle retourne deux fois auprès de son mari. Mais pas pour longtemps. Par deux fois, elle s’enfuit à nouveau vers le refuge pour femmes. Le divorce a été acté très rapidement après la deuxième tentative de réconciliation infructueuse.
En 1982, Emine Yakin fait ses cartons pour prendre la direction de Münchenstein dans la banlieue bâloise. La mère de famille se rend vite compte que ses deux plus jeunes fils pourraient un jour gagner leur vie en tant que footballeurs professionnels. À l’âge de huit ans, «Muri» écrit «Fusbalschpiler» (ndlr joueur de foot) comme objectif de carrière sur un questionnaire scolaire. Durant la formation, Emine est inlassablement présente sur la ligne de touche pour soutenir ses deux talentueux protégés: «Muri» et «Hatsch».
10'000 francs pour la maman
Durant l’été 1992, alors que Muri avait 17 ans, Emine a joué le rôle d’agent de joueurs. Une corde de plus à son arc. Grâce aux buts de Murat, Concordia a été promu en première division. Au milieu des célébrations, le directeur sportif de GC, Erich Vogel, en profite pour attraper au vol Muri, Emine et Ertan Irizik. Dans le vestiaire de l’arbitre, Murat signe son premier contrat professionnel en présence de sa mère.
Mais Emine n’est pas franchement emballée par l’idée de voir son fiston déménager pour Zurich. Elle met la pression sur le technicien des Sauterelles: «Je veux l’argent de la main à la main si vous voulez que mon fils quitte Bâle.» Elle a reçu 5000 francs en cash. La même somme lui a ensuite été versée par le puissant club du Hardturm.
Quelques années plus tard, Emine a vécu une soirée particulièrement riche en émotions en septembre 1996, lorsque Murat a inscrit le but victorieux pour GC contre l’Ajax. Une mine de 40 mètres qui a permis aux Zurichois de s’imposer à Amsterdam en Champions League. À l’époque, Murat Yakin avait avoué à Blick que sa «maman pleurait de joie».
Dans moins d’un mois, Emine pourra à nouveau supporter l’équipe nationale suisse, comme à l’époque où ses deux fils en étaient des piliers. Le 5 septembre, elle sera probablement présente au Parc Saint-Jacques pour voir son fils sur la ligne de touche face aux champions d’Europe italiens en qualification pour la Coupe du monde. Peut-être même qu’elle viendra en tricycle.