À 28 ans, Caroline Baur se trouve du côté ensoleillé de la vie. Non seulement sur le plan sportif, mais aussi sur le plan privé. Depuis l’hiver dernier, elle court pour une équipe du World Tour (Roland Cogeas Edelweiss Squad), a participé au Tour de Suisse et au Giro et s’est élancée ce dimanche pour son premier Tour de France — avec le maillot de championne de Suisse, précisons-le. «C’est un rêve qui devient réalité», souffle-t-elle.
En dehors du vélo, tout va bien pour Caroline Baur. Elle habite à Kreuzlingen (TG) avec son ami américain Corey Davis — lui aussi cycliste professionnel — à proximité du lac de Constance. «Il sait exactement comment je fonctionne. Tout va très bien, je ne pourrais pas être plus heureuse», sourit-elle.
Percuté par une voiture
Mais tout ne s’est pas toujours passé comme prévu dans la vie de Caroline Baur. Elle a aussi connu des moments moins heureux. Née à Rheinfelden, en Allemagne, à la frontière avec la Suisse, elle a très vite déménagé avec sa famille à Elgg (ZH). C’est là que la jeune Caroline a grandi. «J’ai eu une enfance merveilleuse», se souvient-elle. Ses parents étaient sportifs, mais c’est finalement son frère Felix, de deux ans son aîné, qui lui a donné le goût du vélo. Elle s’est alors inscrite dans un club.
À peine majeure, la chance de Caroline Baur a commencé à tourner. En 2012, elle s’est gravement blessée au coude droit. Le diagnostic: rupture du tendon du quadriceps. Pendant un an, elle n’a plus pu faire de vélo.
Et en 2013, sa vie a basculé. Son frère Felix a été percuté par une voiture lors d’un camp d’entraînement en Espagne et a été gravement blessé. «J’ai pris l’avion pour l’Espagne avec mes parents, mais Felix était déjà dans le coma.» Trois jours plus tard, il a été transféré aux soins intensifs de l’hôpital de Winterthour. «Le cerveau de Felix était si gravement atteint que nous savions qu’il ne se réveillerait jamais. Alors que je lui tenais la main, j’ai tout de même vu une réaction sur le moniteur. Son pouls s’est soudain accéléré, sa tension artérielle a également changé — c’était une sorte d’adieu.»
«Il disait que j’étais trop grosse»
Felix Baur est décédé peu avant Noël 2013, à l’âge de 21 ans seulement. «À cette époque, je me préparais à passer mes examens de fin d’année. Je barrais des choses dans des livres avec des stabylos, mais ne me souvenais de rien le lendemain. J’étais dans un autre monde — la mort de mon frère avait tout changé», raconte Caroline Baur. Elle a fini par se reprendre et en 2014, elle reçoit des offres de trois équipes cyclistes. Elle opte alors pour l’équipe suisse Bigla. Une erreur, comme elle le découvrira plus tard. «Le chef d’équipe m’insultait et me disait constamment que j’étais trop grosse et que je devais perdre du poids.»
C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase — elle prend la décision de faire une coupure radicale. «J’ai arrêté en cours de saison et je me suis envolée pour les États-Unis afin de prendre un nouveau départ. En fait, je n’avais plus du tout l’intention de continuer à participer à des courses cyclistes. Mais une équipe m’a contactée et m’a fait signer un contrat. Pendant les courses, on était hébergés dans des familles d’accueil. C’était la meilleure décision de ma vie.»
Un tatouage pour son frère
Pendant trois ans, Caroline Baur a fait le tour des États-Unis avant de revenir en Suisse, notamment à cause du Covid. En 2021, elle courait encore dans une petite formation («Je gagnais 300 francs par mois») et a obtenu un diplôme supérieur d’économie. Aujourd’hui, en plus de son quotidien d’athlète, elle travaille à 30% dans l’entreprise «Q36,5», qui fabrique des vêtements pour cyclistes. «J’ai besoin de cet équilibre», précise-t-elle.
Mais cette semaine, Caroline Baur se consacre entièrement au Tour de France. Et une chose est sûre, son frère sera toujours avec elle — puisqu’elle s’est fait tatouer la lettre «F» sur le poignet gauche. «Felix est mon ange gardien — je pense à lui plusieurs fois par jour. Et je suis sûre que là-haut, il est fier de sa petite sœur.»