Au bout du fil, c’est un Massimo Lorenzi envahi par un «stress» dû au Covid qui décroche. À quinze jours de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Pékin et entre deux séances, le rédacteur en chef des sports à la RTS a répondu aux questions de Blick sur le dispositif de son équipe pour ces JO.
Massimo Lorenzi, vous avez sans doute suivi les aventures rocambolesques des journalistes de Radio-Canada à Pékin. Qu’en pensez-vous?
Je pense qu’elles n’ont pas eu de pot et qu’elles ont essuyé les plâtres. Ces événements sont sans doute remontés en haut lieu. J’espère que désormais les choses vont se faire plus délicatement de la part des Chinois, même s’il ne faut pas se leurrer. Ça reste un régime dictatorial. J’espère que ce qui s’est passé est un avertissement.
N’est-ce pas trop compliqué d’envoyer des journalistes aux Jeux olympiques, au vu de la situation sanitaire?
Il y a les précautions en amont qu’on nous demande pour envoyer des gens là-bas: certificat, 2G+, tests avant de partir, en arrivant et tous les jours sur place. À mon avis – qui n’est pas celui d’un expert médical – quand vous êtes dans la bulle sanitaire, vous êtes protégés. Mais avant d’y aller, vous pouvez l’attraper et c’est plus délicat.
La télévision américaine NBC n’enverra aucun commentateur spécialisé à Pékin. Comprenez-vous cette décision?
Il faut bien noter que les Américains ont un rapport particulier avec la Chine et que nous ne savons pas tout… Et je me demande également s’il n’y a pas des questions liées aux assurances ou à la sécurité des employés. Mais j’avoue avoir été surpris par cette décision.
Vous confirmez que la RTS sera bien présente aux Jeux olympiques?
Aujourd’hui (ndlr: 20 janvier), si la situation ne se dégrade pas de manière conséquente à Pékin, on envoie le personnel. Mais c'est une délégation réduite malgré tout.
Vous est-il passé par la tête de renoncer à ces JO, à cause de la situation sanitaire?
Oui, nous nous sommes posé la question. Quand on a vu arriver la 5e vague avant Noël, je me suis dit: «Mon dieu, qu’est-ce qu’on fait?». À la RTS, on s’est toujours autorisé la possibilité de n’envoyer personne si la situation tournait au vinaigre. Si dans les dix jours à venir, la situation devient un enfer, on peut encore changer d’avis. Mais il ne faut pas paniquer et décider en fonction des éléments qu’on a.
Mais est-ce possible pour la RTS de tout faire depuis Genève?
Non, nous n’avons pas assez de lignes, de cabines et donc, de moyens. Il y a effectivement des événements que nous pouvons commenter depuis ici. Mais si nous voulons une offre véritable, il faut nous rendre sur place.
Justement, quelle sera cette offre de la RTS pour ces Jeux olympiques?
Il y aura un dispositif maximal, comme toujours pour des Jeux olympiques, même si le décalage horaire n’est pas favorable. Grosso modo, toute la rédaction est mobilisée entre Pékin et Genève. Les journalistes, les techniciens et les logisticiens représentent près de 70 personnes qui assurent 18 heures de programme: 13 heures de direct quotidien et 5 heures de rediffusion. Il y a également une offre spécifique sur le web avec des canaux, et des pointages réguliers à la radio. Tout ça pour couvrir 109 événements olympiques en quasi simultané.
Ce dispositif est-il supérieur ou inférieur aux autres années?
Depuis huit ans, nous n'avons pas cessé de faire des économies. Par exemple, nous avons moins de moyens et de collaborateurs qu’à PyeongChang en 2018. Mais la situation sanitaire n’affecte pas notre dispositif. Elle pourrait l’affecter si nous avons des cas de Covid. Si nous avons beaucoup de personnes contaminées, nous devrons réduire notre offre.
Y a-t-il des roues de secours si un de vos journalistes venait à contracter le Covid à Pékin?
Non. On peut assurer jusqu’à un certain point en bricolant mais à partir d’un certain seuil, nous devrions réduire la voilure. Pour l’instant, la situation est sous contrôle et je suis optimiste.
La Chine a également été critiquée pour son non-respect des droits de l’homme. Comment la RTS se positionne-t-elle face à ces accusations?
À titre personnel, j’ai mon opinion sur la Chine. Nous savons tous que ce pays possède un régime dictatorial. Mais je ne travaille pas pour la Chine. Je suis au service de la SSR et du public. Mon travail n’est pas mon opinion. Dans la mesure où le public est notre priorité, je ne me vois pas le droit de le priver de Jeux olympiques. Il en ira de même pour la Coupe du monde au Qatar. Ce n’est pas parce que nous diffusons une compétition qui se déroule dans un régime autoritaire que nous soutenons ce régime. Mais je comprends que ce débat a du sens. Je crois même que parler des JO, c’est parler des Ouïghours, des violations de la liberté de la presse, des menaces sur Hong Kong et Taïwan. Ce n’est peut-être finalement pas une si mauvaise chose. Mais personnellement, que le CIO ait attribué les Jeux à un régime dictatorial, ça me choque.
Certains de vos employés ont-ils renoncé à se rendre à Pékin?
Oui, mais je n’oblige personne à y aller! Des techniciens et des journalistes ont renoncé pour des raisons sanitaires et familiales. Si à cause du Covid, vous devez prolonger votre séjour en Chine, c’est compliqué.
Finalement, qu’avez-vous pu retenir de vos premiers «Jeux du Covid» de Tokyo?
C’était surtout une pression pour les gens qui y étaient. Ils se levaient, allaient sur place, commentaient et rentraient dans leur chambre d’hôtel. De notre côté, nous gardons surtout les enseignements de cette organisation des JO en décalage horaire.