C'est compliqué. Parce que son pied gauche est infecté depuis des mois, le début des Championnats du monde est un voyage dans l'inconnu pour Mujinga Kambundji (31 ans). Celle qui, ces dernières années, semblait avoir un abonnement pour une place en finale lors des grands événements, devra s'efforcer, avec son meilleur temps de l'année de 11,05 secondes, de se hisser dans le top 8 du 100 mètres.
La chronique de Mujinga Kambundji
Pour Blick, la femme la plus rapide de Suisse raconte ce qui est important dans une course, ce qu'elle sent, ressent et pense avant et après l'effort. Et pourquoi elle veut ralentir le plus tard possible.
Les jours et les heures précédant la course
«Il m'arrive de me le remémorer un jour où il s'agit d'une grande course: j'ai commencé autrefois pour le plaisir de bouger. Lorsque l'on est enfant, on ne fait pas qu'une seule discipline. On fait toutes sortes de choses. Mais le sprint m'a rapidement plu, car j'étais particulièrement douée dans ce domaine. C'est rapidement devenu logique.
Mais entre-temps, je dirais que cette discipline correspond aussi à ma personnalité. Je suis une sprinteuse dans l'âme. Quand je fais quelque chose, je le fais correctement ou pas du tout, en me concentrant pleinement. On le constate aujourd'hui dans toutes les situations de la vie. Je consacre toute ma vie à l'entraînement, je me prépare très sérieusement à chaque séance.
En ce moment, c'est particulièrement compliqué. En raison de mon inflammation du pied gauche, je dois par exemple m'échauffer extrêmement bien. Rien que l'échauffement pour un entraînement dure actuellement une bonne heure et demie, jusqu'à ce que je ne sente plus la douleur. Le pied est aussi la raison pour laquelle je suis moi-même impatiente de voir comment cela va se passer.
Ma préparation est très différente de d'habitude. Au printemps, je me suis tellement entraînée à vélo à cause des douleurs au pied que Florian (ndlr Clivaz, son entraîneur et ami) a pensé que je me préparais pour le Tour de France. Mais ne vous inquiétez pas, il n'y a pas de danger.»
Les dernières minutes
«Dans la Call Room, je suis assise dans un espace restreint avec les autres et j'attends que l'on nous permette de nous rendre sur la piste. Lors d'un meeting à Lucerne ou ailleurs, c'est détendu, on parle avec les concurrentes et on fait une blague. Lors des grandes manifestations, c'est différent. Vu de l'extérieur, cela paraît probablement un peu étrange. On ne se regarde plus dans les yeux, on ne se fait plus de compliments aux autres. Il y a une ambiance de combat. C'est le calme plat. Et puis on arrive sur la piste.»
Au départ
«C'est là que tout s'accélère, que la tension monte. On le remarque aussi physiquement. La dernière fois, lors du meeting Citius à Berne, j'ai eu un bref vertige dans le bloc de départ et j'ai dû me relever un instant. Pendant un moment, au départ, j'avais les mains qui picotaient comme si j'avais des fourmis dedans. Ce qui est aussi amusant, c'est qu'avant le 200m, je me sens parfois soudainement fatiguée. Comme le corps se prépare à devoir sprinter tout de suite sur une distance relativement longue, il ralentit. Puis vient le coup de départ. Il ne s'agit plus que de réagir. Tout ce qui arrive maintenant doit se passer de manière organique. Si tu commences à réfléchir, c'est déjà trop tard. Il n'y a plus de réflexion, tout se fait automatiquement.»
Plus sur le sujet
Après le départ
«Nous, les sprinteuses, sommes comme des bolides de Formule 1. Nous tunons notre corps à l'entraînement, chaque partie est préparée à courir de manière explosive sur une courte distance. Cela se voit directement après le départ. Chaque pas doit être bien placé. Tu ne dois rien sous-estimer, mais tu ne dois pas non plus te surestimer. Tu dois courir ta course, car tout le reste se retourne contre toi à la fin. Quand je cours, je sens ce qui se passe à gauche et à droite de moi sur la piste. Parfois, c'est fou, même sur la piste 4 ou 5, je perçois ce qui se passe à l'extérieur. Je ne regarde ni n'écoute explicitement, mais je le perçois. On sent quand quelqu'un est proche.»
En pleine course
«Dans une demi-finale, quand on n'est pas à fond, il faut savoir où sont les autres. Si l'on court de manière très décontractée, on peut aussi se faire dépasser, ce qui a alors l'air stupide. Je dirais que plus je suis en forme, plus il est intéressant d'avoir des adversaires devant soi. Il s'agit alors de ne pas se crisper et de vouloir rattraper son retard à tout prix. Ce qui est souvent mal compris: sprinter, ce n'est pas seulement accélérer à fond, il faut à la fois se contracter et se relâcher, encore et encore. Si un muscle est toujours tendu, on ne peut pas aller vite».
Dans les derniers mètres
«Ce qui est drôle dans le sprint, c'est que tout le monde ralentit. Sur 100 mètres, une sprinteuse professionnelle comme moi a de l'énergie pendant environ six secondes, jusqu'à ce que j'atteigne la vitesse maximale. À partir de là, je ralentis. La difficulté est de maintenir la vitesse maximale le plus longtemps possible. Si quelqu'un te rattrape, elle ne court pas encore plus vite qu'avant. Elle parvient juste à rester plus longtemps rapide que toi. Cela peut paraître étrange, mais c'est ainsi. Au sprint, c'est à qui ralentira le moins vite.»
À l'arrivée
«En général, je ne peux pas dire si une course a été rapide ou non. Je sais quand c'était bien, quand j'ai couru de manière détendue et propre. Mais parfois, on est aussi rapide quand on court crispé. Si tu es en forme, tu peux courir mal et avoir un bon temps. Et vice versa.»
Le soir
«Ces dernières années, j'ai commencé à ne plus pouvoir dormir avant et après les compétitions. Cela n'a jamais été un problème avant, c'est peut-être un effet de l'âge. Mais ce qui est intéressant, c'est que lors des grands événements, où je participe à de nombreuses compétitions en l'espace de quelques jours, ça va. Le corps sait alors qu'il est important que je me repose. Ce ne sera donc pas le cas à Budapest».