Adapter un roman en série n’est jamais chose aisée. Adapter un roman de science-fiction en série est souvent encore plus difficile. Il faut alors donner vie à des mondes imaginaires que les auteurs, mais surtout les lecteurs, ont eu le temps de façonner mentalement. Parfois condenser des histoires très denses, ou au contraire compléter des univers. Certaines s’y sont cassé les dents, comme la dispensable «Snowpiercer» sur Netflix -tirée d’une bande-dessinée- d’autres ont au contraire largement transformé l’essai, à l’instar de la plus connue d'entre elles, «The Handmaid’s Tale».
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Ce vendredi 5 mai, une nouvelle pépite du genre débarque sur AppleTV+. Créée par Graham Yost (à qui l’on doit aussi «Justified»), «Silo» porte à l’écran une saga publiée à partir de 2011 par l’Américain Hugh Howey. Haletante, dotée d’une direction artistique impeccable, elle est promise à un beau succès. Voici cinq exemples d’adaptations de science-fiction réussies.
«Silo» (AppleTV+)
Le silo du titre de cette pépite, dont la diffusion commence ce 5 mai sur AppleTV+, est la construction souterraine qui abrite les 10’000 derniers êtres humains de la planète. Quasiment coupés de la lumière du jour, ceux-ci vivent enfermés sur des dizaines d’étages et ne peuvent entrevoir du monde extérieur que les images que leur envoie une petite caméra. Dès qu’une personne en exprime l’envie ou est condamnée pour un crime grave, elle est envoyée «dehors» avec pour mission de nettoyer la caméra, et finit généralement étouffée par l’air toxique. Jusqu’à ce qu’un shérif, sa femme et une mécanicienne se penchent sur la question du silo, persuadés qu’on leur ment.
On retrouve dans «Silo» tous les ingrédients assez classiques de la dystopie: une planète devenue hostile et une société survivante tentée par le totalitarisme, au sein de laquelle la lutte des classes fait rage. Seulement voilà, la réalisation, l’écriture, la direction artistique et le casting de ces dix épisodes sont si bluffants qu’on en vient à oublier les passages obligés du genre. Dans le rôle principal, l’actrice Jessica Ferguson, révélée par la saga «Mission: impossible», est absolument parfaite. Et on finit par ne regretter qu’une chose de cette adaptation d’une saga littéraire publiée par Hugh Howey à partir de 2011: que la saison 2 ne soit pas immédiatement disponible.
«The man in the high castle» (Prime Video)
Et si, finalement, l’Allemagne nazie et le Japon avaient gagné la Seconde guerre mondiale? Voilà le postulat de départ de «The man in the high castle», roman uchronique de Philip K. Dick publié en 1962. En 2015, Prime Video diffuse une adaptation sérielle de haute tenue, qui connaîtra quatre saisons au total. On y suit un groupe de résistants tentant de récupérer les images d’un film interdit. Un film qui, au contraire, montrerait que ce sont bien les Alliés qui ont gagné la guerre…
Si l’intrigue à tiroirs du roman est l’une des principales raisons de la réussite de la série qui l’adapte à l’écran, on aurait tort de diminuer les mérites de son showrunner, Frank Spotnitz. Cet ancien scénariste puis producteur exécutif de «X-Files» a su donner une ampleur visuelle impressionnante au monde imaginé par Philip K. Dick, faisant de «The man in the high castle» la série la plus regardée de Prime Video au moment de sa sortie.
«Foundation» (AppleTV+)
Écrites entre les années 1940 et 1950, les nouvelles d’Isaac Asimov regroupées sous le titre du «Cycle de Fondation» étaient réputées -comme beaucoup d'œuvres de science-fiction- inadaptables. Pourtant, en 2021, la série «Foundation» diffusée sur AppleTV+ a relevé le défi. Quelque 22’000 ans après notre ère, l’humanité s’est répandue dans toute la Galaxie, formant un seul empire. Mais un mathématicien surdoué, Hari Seldon, prédit grâce à la science la chute de ce régime dictatorial. Une mission est alors envoyée aux confins de l’espace pour constituer une nouvelle colonie.
Pour se sortir de livres extrêmement denses et arides, les showrunners David S. Goyer et Josh Friedman ont fait le choix de prendre de grandes libertés avec certains arcs narratifs et de moderniser considérablement les personnages, en intégrant notamment plus de femmes. Le résultat est foisonnant, visuellement époustouflant et, s’il ne convaincra peut-être pas les fans purs et durs d’Asimov, reste un régal pour les sériephiles.
«The Expanse» (Prime Video)
Dans la grande famille de la science-fiction, la série «The Expanse», dérivée des romans du même nom de James S.A. Corey, appartient au sous-genre du space opera. L’intrigue se déroule au XXIVe siècle, alors que le système solaire est entièrement colonisé et que trois puissances s’affrontent. D’un côté, la Terre. De l’autre, Mars, colonie indépendante. Et enfin l’Alliance des Planètes extérieures, organisation composée de colons exploités par la Terre et Mars. Pendant six saisons, il sera question d’enquête policière, de conspiration et de survie de l’humanité.
Comme toute bonne science-fiction, «The Expanse», qui mêle les influences spatiales et celles du film noir, décrit un futur qui ne sert qu’à examiner et réfléchir sur le présent. Représentation, inégalités sociales et esclavage moderne sont autant de thématiques abordées dans une série riche et dense, aux personnages complexes. Et il est trop rare de voir un feuilleton se bonifier au fil de ses saisons pour ne pas souligner quand c’est le cas.
«Station Eleven» (HBOmax et en DVD)
Lorsqu’en 2014, Emily St John Mandel publie son roman post-apocalyptique «Station Eleven», celui-ci fait immédiatement un carton. Et l’autrice termine finaliste du National Book Award, l’une des plus prestigieuses distinctions littéraires américaines. Il faut dire que l’intrigue, imaginée avant le Covid-19, a de quoi impressionner. Dans «Station Eleven», le monde a été ravagé en trois semaines par une grippe qui a tué 99% de la population. Une bande d’acteurs et de musiciens, connus sous le nom de «Traveling Symphony», continue d’apporter Shakespeare et de la musique classique aux survivants.
Moins violente et plus poétique que la plupart des intrigues post-apocalyptiques, «Station Eleven» est une aussi une série remarquablement bien construite. Suivant plusieurs personnages et époques à la fois, elle adopte la même profondeur que le roman dans son discours sur l’art comme fondement de l’humanité. Il suffit d’y ajouter une esthétique léchée (le réalisateur est le même que celui de la magnifique «Atlanta») et un excellent casting pour obtenir une grande série. Qui a tout de même le défaut d’être très mal distribuée en Suisse. Reste le DVD ou tout un tas d’autres moyens de la regarder, qu’on ne saurait vous conseiller ici mais que tout bon sériephile finit par apprivoiser…