Les nouvelles technologies sont une inépuisable source d’inspiration pour les scénaristes. Qui, bien souvent, s’en moquent ou en ont peur. Preuve en est avec «Black Mirror», carton international dont la sixième saison est sortie le 16 juin sur Netflix. Avec ses épisodes anthologiques, l'œuvre créée par le Britannique Charlie Brooker ne cesse, depuis 2011, d’explorer les dérives de la modernité.
Vidéosurveillance, robots, duplication de l’être humain et création de réalités parallèles… «Black Mirror» a ratissé large pour un résultat inégal, mais souvent marquant. Pour celles et ceux qui voudraient prolonger l’expérience et n’ont pas peur d’anticiper la fin de l’humanité, voici quatre conseils de séries sur les dérives des nouvelles technologies.
Delete me
Il n’y a pas forcément besoin d’imaginer la technologie du futur pour faire froid dans le dos. «Delete Me» s’intéresse au contraire à ce qui existe déjà. Cette série norvégienne raconte l’histoire de Marion et Marit, deux jeunes lycéennes qui rêvent de déménager à Miami pour faire de leur passion, la natation synchronisée, un véritable métier. Lors d’une soirée étudiante, Marion est filmée en plein ébat sexuel. La vidéo devient virale et sa vie un enfer, entre harcèlement et marginalisation. Marion ne peut plus guère compter que sur une hackeuse pour tenter de remonter à la source de ce «revenge porn».
Si «Delete Me» puise largement du côté d’«Euphoria» pour son esthétique soignée faite de néons et de paillettes, elle trouve sa propre patte dans sa construction. La série commence par la fin pour remonter, épisode après épisode, au tout début de l’intrigue et expliquer ce qui a bien pu se passer. Disponible sur Canal+, elle sera également diffusée à partir du dimanche 9 juillet sur la RTS.
Real Humans
C’est l’un des motifs dont la science-fiction use et abuse: et si les robots humanoïdes prenaient soudainement conscience de leur condition de machine et désiraient s’en affranchir? Des films «Blade Runner» à «After Yang», en passant par certains épisodes de «Black Mirror» et la série «Westworld», cette question a été abordée de nombreuses fois à l’écran. Mais rarement aussi bien que dans «Real Humans», série suédoise diffusée pour la première fois il y a déjà dix ans. Elle imagine que les robots humanoïdes sont désormais très répandus et servent à accomplir toutes les tâches ingrates, du ménage au travail à l’usine, en passant bien sûr par les services sexuels.
«Real Humans» parle bien sûr des frontières brouillées entre les hommes et les machines, mais aussi, plus généralement et de façon plus efficace, des diverses réactions face aux nouvelles technologies. Les réfractaires énervés côtoient les convaincus béats, sans qu’il soit si facile de distinguer qui a tort et qui a raison. «Real Humans» interroge les discriminations, le rapport au travail comme les fondements de l’âme humaine. Une très grande réussite, dispo en VOD.
Made for love
Faut-il nécessairement être aussi dramatique que Rabelais pour rappeler que «science sans conscience n’est que ruine de l’âme»? Pas forcément. La série «Made for love» fait le choix de la comédie pour interroger l’amour au temps des nouvelles technologies. Dans cette fiction en deux saisons et seize épisodes, Byron Gogol (une sorte de fusion entre Elon Musk et Mark Zuckerberg) décide de commercialiser une puce à implanter dans le cerveau des personnes en couple. Ainsi, elles pourront être pleinement connectées, voir exactement la même chose au même moment et atteindre l’amour parfait. Pour prouver que cela fonctionne, l’inventeur multi-milliardaire, qui vit dans une sorte de bunker ultra-connecté, s’est déjà équipé avec sa femme, Hazel. Manque de bol, Hazel n’est pas du tout d’accord, s’enfuit et réclame le divorce… mais surtout qu’on lui enlève cette puce qui permet à son mari possessif de la surveiller en permanence.
Très drôle, loin d’être aussi glauque que «Black Mirror», «Made for love» n’en est pas moins pertinente sur ce que les nouvelles technologies font aux sentiments. Comment conjuguer l’incertitude inhérente aux relations humaines et la volonté de contrôle induite par les outils modernes? On retrouve dans le rôle principal l’actrice Cristin Milioti qui, coïncidence de sa filmographie, était déjà réduite en esclavage sous l’effet d’une technologie révolutionnaire dans l’épisode «White Christmas» de la série «Black Mirror». Il était donc bien temps pour elle d’entamer une révolution! Disponible sur Canal+.
Severance
L’une des meilleures séries de 2022 traitait précisément des dérives des nouvelles technologies. En l’occurrence, d’une puce qui permet à chaque personne de séparer l’individu qu’il est au travail de celui qu’il est dans la vie. Les gens qui ont accepté ce processus de dissociation (qui donne son titre à la série, «severance») deviennent intégralement dédiés à leur travail, sans connaissance de qui ils sont en dehors, dès qu’ils franchissent la porte de leur entreprise. À l’inverse, une fois sortis, ils ne se souviennent plus ni de leurs collègues ni de la nature de leur activité.
«Severance» interroge notre rapport au travail et à la liberté, l’équilibre de nos vies personnelles et professionnelles, sans jamais donner l’impression de dérouler un message. Au contraire, la série s’appuie sur des personnages finement écrits et interprétés pour nous mener au bout d’une première saison haletante. On attend avec impatience une saison 2 promise pour la fin de l’année ou début 2024. En attendant, vous pouvez voir la première sur Apple TV+.