Voilà bien longtemps que les geeks, objets de tant de railleries, ont pris leur revanche. Celle-ci a probablement d’abord commencé dans les séries, tant les personnages aussi férus d’informatique que socialement inadaptés ont rapidement inondé le petit écran. Dès le début des années 2000, le nerd est devenu attachant, pour ne pas dire incontournable. Impossible de ne pas citer Sheldon Cooper dans «The Big Bang Theory», sûrement la fiction la plus connue du genre, devenue quasiment une série familiale tant elle a fait d’adeptes. Avant comme après, les univers de l’informatique, mais aussi du jeu vidéo, ont inspiré des sitcoms hilarantes, mais aussi quelques drames. Blick vous propose une petite sélection.
Mythic Quest
La troisième saison de cette série est en cours de diffusion sur AppleTV+ et impose une nouvelle fois son humour mordant et ses personnages hauts en couleur dans le paysage des séries geeks. «Mythic Quest» est, au départ, le nom d’un jeu de rôle en ligne massivement multijoueurs (MMORPG pour les intimes) complètement fictif. Tout le principe de la série est de s’infiltrer dans les coulisses du studio qui le produit. Entre un directeur exécutif qui confond la DRH avec sa psy, un scénariste alcoolique, un directeur créatif obsédé par lui-même et une codeuse de génie, il y a de quoi alimenter bon nombre de séquences drôlissimes.
Et drôle, «Mythic Quest» l’est d’autant plus qu’elle ne s’interdit rien. Le politiquement incorrect est ici de mise, avec, par exemple, des créateurs de jeu qui s’interrogent sur la meilleure façon de gérer les suprémacistes blancs parmi leurs joueurs, un sexisme d’entreprise d’un autre âge et, dans cette troisième saison, l’embauche d’une responsable de la diversité qui… embauche des quinquagénaires blancs pour satisfaire parfaitement aux critères d’inclusion. Sous le vernis des blagues, cette série coproduite par le studio Ubisoft examine aussi les conditions de travail infernales de l’industrie du jeu vidéo, les affres du manque d’idées et la solitude de ceux qui savent mieux déchiffrer des lignes de code que les règles de base de la vie en société.
À voir sur Apple TV+
The IT Crowd
Impossible de faire plus geek que les geeks de «The IT Crowd»! Dans cette série qui se déroule dans le service informatique d’une entreprise dont on ne saura jamais ce qu’elle fait, Roy et Moss s’habillent n’importe comment, ne se coiffent pas et l’un des deux porte évidemment des lunettes. Ils sont encadrés par Jen, qui ne connaît strictement rien à l’informatique et s’impose donc naturellement comme manager. Tout ce petit monde évolue dans un basement sombre et mal fichu, ignoré ou méprisé de l’intégralité de l’entreprise, qui n’existe quasiment qu’au bout du téléphone.
Dans la plus pure tradition des sitcoms, cette pépite britannique enchaîne les gags qui reposent sur la forte caractérisation des personnages et un comique de répétition assumé. Lancée en 2006, «The IT Crowd» a su capturer toute la culture geek, participant par exemple de la popularisation du port des t-shirts à message avant que Sheldon Cooper fasse la même chose dans «The Big Bang Theory». Mais c’est aussi un regard acéré sur le monde du travail, sa hiérarchie parfois sans logique et son organisation absurde.
À voir sur Netflix
Freaks and geeks
En 1999, l’unique saison de «Freaks and geeks» n’a pas rencontré un succès fou et a rapidement été annulée en raison de divergences entre la chaîne NBC et ses créateurs, Paul Feig et Judd Apatow. Aujourd’hui, elle a atteint le statut de série culte. Les aventures de lycéens des années 1980, divisés entre d’un côté les freaks, des rebelles dont le seul objectif est de sécher les cours, et de l’autre les geeks, surdoués en tout sauf en sport, sont régulièrement citées parmi les séries les plus réussies.
Et pour cause, il y a là l’alliance parfaite de l’humour et de la tendresse, avec un regard impeccable porté sur les ingratitudes de l’adolescence. La série a largement contribué à faire connaître plusieurs membres de son casting, à commencer par James Franco, mais aussi Jason Segel, qui sera plus tard l’impayable Marshall dans «How I met your mother». Et elle se paie également le luxe de déployer une superbe bande-son, rythmée par le rock des années 1970.
Dispo en VOD
Silicon Valley
En suivant Richard, un programmeur qui lance sa start-up, Pied Piper, «Silicon Valley» parodie cette jungle qu’est l’industrie de la tech. Ici, tout le monde court après la bonne idée qui le rendra très riche et, évidemment, va de désillusion en désillusion. Tout au long de ses six saisons, la série aura su coller à l’actualité, en traitant des inquiétudes autour de l’intelligence artificielle comme de la collecte des données personnelles, en passant par la rivalité entre l’Amérique et la Chine.
Si la satire est souvent efficace (avec, par exemple, une imitation de Mark Zuckerberg dans la dernière saison), «Silicon Valley» est aussi une réflexion sur la réussite. Dans la série, celle-ci se dérobe toujours à ceux qui pourraient la mériter, broyés par un système qui ne court qu’après le profit et en oublie toute éthique. «Silicon Valley» n’est assurément pas un pamphlet destiné à encourager les activistes anticapitalistes à faire tomber Facebook, mais c’est bien cette lucidité dans l’écriture qui lui confère une épaisseur supplémentaire.
Dispo sur MyCanal
Halt and catch fire
Les séries geeks sont-elles forcément des comédies? Pour clôturer notre sélection, rien de mieux qu’un peu de changement. Diffusée à partir de 2014, «Halt and Catch fire» est une ample série dramatique, qui a d’ailleurs fréquemment été comparée à «Mad Men». De fait, elle suit les évolutions d’un secteur (l’informatique donc) entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990. Le personnage principal, Joe McMillan, est un ancien d’IBM désormais à la tête d’une entreprise concurrente, Cardiff Electric, qui tente de vendre des ordinateurs portables. Autour de lui, on trouve l’ingénieur Gordon Clark, la programmeuse Cameron Howe et la femme de Gordon, Donna Clark.
«Halt and Catch fire» est à la fois la chronique d’un monde et de ses évolutions qui ont changé la vie de milliards de personnes (jeux vidéo, moteurs de recherche, etc.) et une fresque intime, délicate dissection des relations entre les quatre personnages principaux. Ces derniers ont pu se déployer grâce au talent incroyable de leurs interprètes (à commencer par Lee Pace, ensuite vu dans la trilogie du «Hobbit», et Mackenzie Davis, l’une des héroïnes du magnifique épisode "San Junipero" dans la série «Black Mirror») mais aussi à la bande-son extraordinaire.
Dispo en VOD