«GOT», «The Last of Us»
Pedro Pascal, l'éternel second rôle devenu incontournable

L’acteur Pedro Pascal renfile le casque du «Mandalorian» dans la troisième saison de la série inspirée de l’univers de Star Wars. Lentement, mais sûrement, le comédien abonné aux seconds rôles s’est imposé comme l’une des plus grandes stars du petit écran.
Publié: 02.03.2023 à 19:01 heures
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Dernière mise à jour: 02.03.2023 à 22:27 heures
C'est en incarnant Oberyn Martell dans la série «Game of Thrones» que Pedro Pascal a véritablement été révélé au grand public.
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Margaux BaralonJournaliste Blick

Avec ses grosses lunettes carrées, ses chemises ou ses cols roulés sages et sa moustache, Pedro Pascal semble tout mettre en œuvre pour coller à son surnom. C’est que l’acteur, à l’affiche depuis ce mercredi de la troisième saison de «The Mandalorian», la série inspirée de l’univers de Star Wars, mais aussi de «The Last of us», en cours de diffusion, est devenu en quelques semaines le «papa d’Internet». Dans la première, il prend sous son aile Grogu, un adorable bébé Yoda convoité par tous les méchants de la galaxie. Dans la seconde, il protège Ellie, jeune fille au lourd secret, dans un monde post-apocalyptique où un terrible champignon a transformé les trois quarts de l’humanité en zombies.

Ces rôles de père de substitution lui vont comme un gant et ont inspiré les fans. À 47 ans, le comédien s’en réjouit. «Oui, je suis votre papa coquin et cool», a-t-il répondu à une journaliste qui l’appelait «daddy» sur le tapis rouge d’une avant-première. Lorsqu’on lui demande, sur le plateau du Graham Norton Show, ce qu’est exactement un «papa d’Internet», la réponse est cash (et drôle): «C’est moi!» Aime-t-il attirer l’attention avec une actu série des plus chargées en ce début d’année? Là encore, Pedro Pascal y va franco. «Yeah!»

Les déboires du débutant

C’est peut-être que le succès a meilleur goût lorsqu’il se fait attendre et ne frappe qu’à l’aube de la quarantaine. L’acteur a fait son chemin lentement, comme des milliers d’autres ambitieux à Hollywood, avant que le travail et le talent finissent par payer. Tout commence, après ses cours d’art dramatique à New-York, par de petites apparitions dans «Undressed», une série diffusée sur MTV, puis «Buffy contre les vampires». Les années 2000 sont une longue période de vache maigre où il lui faut se contenter de quelques épisodes de «New York, police judiciaire» et des rôles faiblards de caïd un peu cliché. Le lot de bien des acteurs latinos qui débutent à Hollywood.

Car José Pedro Balmaceda n’est pas né aux Etats-Unis, mais au Chili, en 1975. Nous sommes deux ans après l’arrivée au pouvoir du dictateur Augusto Pinochet et, alors qu’il n’a que neuf mois, ses parents, opposants au régime, fuient avec leurs quatre enfants. Au Danemark, d’abord, puis à San Antonio. Pedro Pascal découvre la NBA, la télé américaine, le cinéma et sa vocation par la même occasion. Il veut faire comme Henry Thomas dans «E.T.», Christian Bale dans «L’Empire du soleil» et tous les autres acteurs qui vivent des aventures formidables. Lorsque la famille déménage en Californie, à Orange County, sa mère, Veronica Pascal, le pousse à s’inscrire dans une école d’art. Il n’abandonnera jamais.

«J’étais prêt à tout pour travailler plus»

Même pendant ces terribles années 2000. Le travail est rare, il faut payer son loyer et se relever. En 1999, Veronica Pascal s’est suicidée. «J’étais prêt à absolument tout pour travailler plus», raconte le comédien dans les colonnes de «Variety». Il change son nom de famille pour prendre celui de sa mère. Un hommage et une nécessité. «Balmaceda», c’est trop difficile à prononcer pour certains. Pedro pense même à se faire appeler Alexandre, comme dans le film «Fanny et Alexandre» d’Ingmar Bergman, qu’il adore. «Si les gens étaient déroutés par la personne qu’ils avaient en face d’eux dans la salle de casting parce que son prénom était Pedro, alors je pouvais en changer. Mais ça n’a pas fonctionné.»

Dans ces moments-là, Pedro Pascal peut compter sur ses compagnons d’école. Oscar Isaac d’abord, qui se souvient toujours dans «Variety» que les deux compères ont «galéré». Et l’actrice Sarah Paulson, qui glisse son nom à une amie, Amanda Peet, pour qu’elle le transmette à son mari, David Benioff. Nous sommes en 2013 et David Benioff est le co-showrunner de la série culte du moment, «Game of Thrones».

La révélation avec «Game of Thrones»

En 2014, Oberyn Martell fait son apparition dans la superproduction HBO et emporte immédiatement les suffrages des téléspectateurs. Dans ce rôle d’homme bisexuel, très loin des canons habituels du soldat viril et invincible, Pedro Pascal prouve qu’il n’a pas seulement du talent et une belle gueule. Il a aussi ce «flow» inexplicable qui accroche la lumière et marque durablement les rétines. Dans «Variety», David Benioff se souvient d’une audition en vidéo, avec une qualité «de merde» qui n’empêche pourtant pas la performance de l’acteur. «Intense, crédible, simplement juste».

Participer à «Game of Thrones», «c’était un rêve», analyse le comédien aujourd’hui dans «GQ». «C’était un super rôle, au moment où la série était au sommet de sa popularité. Un rôle parfaitement écrit dans une saison parfaitement écrite. Vous venez, vous tournez dix semaines, vous partez. Personne n’a eu la possibilité d’en avoir marre de moi. J’avais des costumes confortables, ce qui est miraculeux. Pas de perruque lourde. J’ai peut-être été le plus chanceux de celles et ceux qui sont passés dans cette série. Certains se sont tapés de la neige, des scènes de nuit. Pour moi, c’était du soleil et des chaises. Et une grosse scène de combat.» Dans l’un des épisodes les plus mémorables d’une série qui en a beaucoup compté, la tête d’Oberyn Martell explose et la carrière de Pedro Pascal avec.

Charme et performance

Il devient agent du FBI dans «The Mentalist», puis de la DEA (l’administration américaine chargée de lutter contre la drogue) dans «Narcos». Le cinéma lui ouvre les bras: il enchaîne des grosses productions, de «La Grande Muraille» à «Equalizer 2», en passant par le deuxième volet de «Kingsman». Pedro Pascal montre sa tête partout, mais pas forcément aux bons endroits. À l’exception notable de «Triple Frontier», une production Netflix dans laquelle il retrouve son compagnon de route Oscar Isaac, ses films sont au mieux médiocres, au pire infâmes, à l’instar de «Wonder Woman 1984», dans lequel il incarne l’antagoniste principal.

Peut-être vaut-il mieux, finalement, ne pas montrer sa tête du tout et revenir à ses premières amours. En 2019, Pedro Pascal enfile pour la première fois le casque de Djin Djarin, le héros de «The Mandalorian». Le succès est immédiat et relance la franchise Star Wars en série, alors qu’elle s'essouffle au cinéma. Le showrunner, Jon Favreau, salue dans «Variety» un acteur qui «par son charme et sa performance, ressemble aux monstres du cinéma». «Surtout, il prend son art très au sérieux.»

Son art, seulement. En ce qui concerne sa personne, Pedro Pascal cultive l’autodérision. Depuis janvier, le succès phénoménal de «The Last of us» lui a donné l’occasion d’étaler son sens de l’humour en promotion. L’acteur, qui confie à «GQ» qu’il joue excessivement mal au jeu vidéo dont est tirée la série, se prête volontiers au jeu des interviews avec la jeune Bella Ramsey, qui lui donne la réplique. Leur complicité évidente et leur écart d’âge (le même que celui qui sépare Leonardo DiCaprio de sa nouvelle petite amie présumée, c’est dire s’il est grand) participe à la construction de cette réputation de meilleur «papa d’Internet».

Engagement politique

Prendre les plus jeunes sous son aile n’est peut-être pas un rôle de composition. Bella Ramsey, qui a fait son coming-out non-binaire pendant la promotion de «The Last of us», a confié avoir beaucoup bénéficié du soutien de Pedro Pascal sur le tournage. La petite sœur de l’acteur, Lux, artiste transgenre connue au Chili, raconte aussi qu’il l’a aidée dans sa transition. Sur Instagram, Pedro Pascal souhaite chaque année une bonne pride à tout le monde, fustige le gouvernement américain après le durcissement de la législation sur l’avortement, salue l’arrivée au pouvoir de la gauche au Chili en 2021. Son prochain gros projet est un western queer avec Ethan Hawke et, derrière la caméra, un autre Pedro à l’accent espagnol. Almodovar devrait présenter ce «Strange way of life», conçu comme «une réponse à ‘Brokeback Mountain’», au prochain Festival de Cannes.

De «Buffy» à la Croisette, il aura donc fallu du temps à Pedro Pascal pour passer du second au premier plan. Encore aujourd’hui, l’acteur semble avoir du mal à y croire vraiment. «Trop beau pour être vrai», dit-il à «Variety». Il est vrai qu’elle est belle, l’histoire de ce petit garçon fraîchement arrivé aux États-Unis, qui découvrait en salles à 4 ans le «Superman» de Christopher Reeve avant de supplier ses parents de le laisser regarder la télé jusque tard le soir. Plus de quarante ans plus tard, Pedro Pascal s’impose comme une figure majeure de la pop culture qui l’a nourri pendant des décennies.

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