Docu Netflix
Harry et Meghan sombrent dans la grosse com’ qui tache

Le couple se livre sans fard dans une docu-série en six épisodes. La première partie, sortie ce jeudi 8 novembre, dilue toute tentative d’analyse dans une opération de communication calibrée qui ne fera trembler ni la famille royale, ni le spectateur.
Publié: 08.12.2022 à 16:57 heures
La première partie de la série documentaire sur la vie mouvementée du couple sort ce jeudi 8 décembre sur Netflix.
Photo: WireImage
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Margaux BaralonJournaliste Blick

Ce devait être une «bombe» lâchée sur Netflix. Les trois premiers épisodes de la docu-série «Harry & Meghan» ressemblent plus à un pétard mouillé. Bien emballé, le pétard. Sortie ce jeudi 8 décembre, cette première partie (une seconde est prévue le 15 décembre) est une opération de communication parfaitement huilée, dans laquelle le couple paraît plus uni, beau et amoureux que jamais. Mais alors que le duc et la duchesse de Sussex avaient tenu des propos très durs en février 2021 dans une interview avec Oprah Winfrey, accusant certains membres de la famille royale de racisme, le documentaire traite ce sujet sans profondeur ni analyse. Paradoxalement, Harry et Meghan apparaissent parfaitement déconnectés. Un comble pour ceux qui se présentent comme les «modernes» face à une couronne britannique engluée dans son conservatisme.

Une grande partie du documentaire est consacrée à la rencontre et l’histoire d’amour des deux tourtereaux. La volonté de se montrer sans fard est évidente: Meghan Markle apparaît sans maquillage, les cheveux pris dans une serviette de bain, dans une vidéo privée, tandis que Harry se filme avec son téléphone. Tous les deux ont abondamment fourni Netflix en images personnelles mignonnes et s’épanchent sur leur rencontre via Instagram (Meghan a été ébahie par les belles photos du profil d’Harry prises en Afrique), leur premier rendez-vous (Harry était en retard et suintant de stress), leur deuxième rendez-vous (Meghan était en retard et sortait de la douche). Il s’agit évidemment de prouver que le couple aspire depuis le début à une vie parfaitement normale. Reste à savoir si la vie normale vaut un documentaire en six épisodes de 53 minutes.

Un positionnement dans le sillage de Lady Di

Ces séquences ne sont pas seulement interminables, elles ont aussi la subtilité d’un hippopotame en surpoids. Harry ne se sent pas bien dans les carcans de la famille royale? Le voilà qui file en Afrique pour des interventions humanitaires qui lui apprendront le véritable sens de la vie. Meghan, elle aussi, s’intéresse plus «au fonctionnement du monde» qu’à Hollywood, selon ses amies, et prend des photos avec des enfants dénutris. Au cas où ce ne serait pas suffisant, nous avons également droit à quelques images dignes de «Top Gun» pour illustrer le passage de Harry dans l’armée, ce qui lui a permis là encore de garder les pieds sur terre en côtoyant des «vrais gens».

Cette passion pour l’humanitaire est aussi l’un des éléments utilisés par le couple pour se positionner comme les véritables héritiers de Lady Diana, qui apparaît comme un fil rouge dans la docu-série. En faisant un parallèle appuyé entre son parcours, de ses engagements philanthropiques à son harcèlement par les médias, et celui de son propre couple, le prince Harry tente de reprendre les attributs de sa mère. Rebelle, hors de la famille royale, mais aussi extrêmement populaire.

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Un couple complètement déconnecté

Ces trois premiers épisodes attaquent cependant moins la couronne (tout juste y a-t-il un tacle glissé contre Kate et William, jugés aussi froids et coincés en privé qu’en public) que la presse britannique. Le harcèlement décrit par Meghan Markle à partir du moment où sa relation avec le prince Harry a été rendue publique fait froid dans le dos. Mais il est impossible de ne pas constater le paradoxe béant entre cette volonté à l’époque de protéger un semblant de vie privée et celui, aujourd’hui, de déballer six heures d’images très personnelles et de messages privés, retranscrits à l’écran comme dans une comédie romantique bas de gamme.

Plus gênant encore, le couple explique sa gestion d’une relation à distance comme s’il s’agissait d’une épreuve, alors que leur capital social et économique est tel qu’ils peuvent se permettre de se retrouver toutes les deux semaines en habitant de part et d’autre de l’océan Atlantique. Paradoxalement, ceux qui devaient moderniser une famille royale poussiéreuse apparaissent complètement déconnectés, des comptes de leur bilan carbone comme des préoccupations du peuple dont ils martèlent depuis le début être si proches.

L’absence d’analyse et d’enquête

Mais le problème principal, finalement, vient surtout de ce qui n’apparaît pas dans la série. Cette histoire d’amour dégoulinante de guimauve a un véritable intérêt dans ce qu’elle aurait pu dire de la couronne et la société britannique dans son ensemble. Le harcèlement médiatique subi par Meghan Markle, par exemple, est aussi raciste. Or, «Harry & Meghan» n’analyse jamais ces mécanismes en profondeur.

Il y a bien quelques tentatives (et on touche là les moments les plus intéressants du documentaire) de replacer leur relation dans le contexte des débats autour du Brexit, qui ont vu les propos anti-immigrations, xénophobes et racistes se multiplier outre-Manche. Harry mentionne également un rapport de la Commission européenne sur le rôle délétère des tabloïds britanniques. Et un épisode parle longuement du Commonwealth et de la difficulté, pour la couronne britannique, à se positionner sur ces sujets. Mais la série ne donne la parole à aucun journaliste responsable de cet acharnement, aucun patron de presse, aucun expert. Pire, sa bande-annonce a été épinglée pour utiliser des images, notamment de foules de photojournalistes, sorties de leur contexte et sans rapport avec les paparazzades dont Harry et Meghan ont été victimes.

Reste donc à la fin un (long, si long) roman-photo qu’on ne peut envisager que comme l’un des rouages d’une bataille rangée de communicants. Ces trois premiers épisodes, dont la date de sortie n’était pas officiellement donnée il y a de cela seulement une semaine, sont finalement diffusés juste après une tournée américaine de Kate et William. Et quelques semaines avant la parution, en janvier, de «Spare», l’autobiographie du prince Harry. L’histoire n’est pas terminée et permettra aux tabloïds britanniques tant décriés de noircir quelques unes supplémentaires. Encore un paradoxe…

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