Avec Toni Collette
«The Power», la nouvelle série qui va vous électriser

Cette adaptation haletante d’un best-seller imagine un futur proche dans lequel les adolescentes obtiennent soudainement la faculté de faire jaillir de l’électricité de leurs doigts. De quoi inverser les rapports de pouvoir… ou sombrer dans le chaos.
Publié: 30.03.2023 à 20:04 heures
Toni Collette, inoubliable Annie dans «Hereditary», interprète ici le rôle de Margot, maire de Seattle et mère de Jos, une adolescente qui reçoit également le pouvoir.
Photo: Amazon Studios
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Margaux BaralonJournaliste Blick

Les dystopies sont rarement tendres avec les femmes. Prenez l’une des plus célèbres d’entre elles, «The Handmaid’s Tale». Le roman de Margaret Atwood, devenu une série remarquable et remarquée en 2017, imaginait un coup d'État militaro-religieux qui transformait les États-Unis en dictature théocratique dans laquelle les femmes n’avaient plus aucun droit. Elles y sont au mieux réduites à des tâches subalternes, au pire exploitées et violentées - au point que la série a rapidement été critiquée pour les trop nombreuses scènes de tortures sexistes.

Disponible sur Prime Video à partir de ce vendredi 31 mars, «The Power» prend, a priori, le contrepied. Dans cette série, également adaptée d’un roman du même nom, signé Naomi Alderman et sorti en 2017, le futur proche dote au contraire les femmes d’un pouvoir inattendu. Du jour au lendemain, toutes les adolescentes de la planète se découvrent la capacité à faire jaillir de l’électricité du bout de leurs doigts. Très pratique pour allumer une cigarette sans briquet, mais aussi pour se défendre des agressions potentielles, se venger des violences passées ou, si l’on pousse le curseur à peine plus loin, provoquer la révolution. Il se pourrait même que ce don soit transmissible aux femmes adultes…

Série chorale

«The Power» suit donc une batterie de personnages dans différents endroits du monde. Aux États-Unis, Margot, la maire de Seattle, comprend immédiatement que ces changements n’iront pas sans résistance tandis que sa fille, Jos, tente d’apprivoiser son nouveau pouvoir. Quant à la jeune Eve, elle s’enfuit de sa famille d’accueil, guidée par une mystérieuse voix dans sa tête. Dans un pays fictif d’Europe de l’Est, Tatiana, la femme d’un dirigeant autoritaire, y voit l’occasion de se libérer d’une vie de servitude. Au Nigeria, un jeune journaliste décide de documenter le phénomène et voyage jusqu’en Arabie Saoudite, où les jeunes femmes sont décidées à renverser le pouvoir misogyne qui les entrave. À Londres, la jeune Roxy, fille de mafieux mal considérée par son père, ne pense qu’à son heure qui viendra.

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Si cette construction chorale n’est pas toujours très équilibrée, avec des arcs narratifs plus passionnants que d’autres, elle permet néanmoins de faire subtilement le tour d’un sujet qui mérite autre chose que des caricatures. Ce que raconte «The Power», ce n’est pas une inversion des rapports de force parce que les femmes seraient subitement devenues physiquement inattaquables. La société ne passe pas du patriarcat au matriarcat en un claquement (électrique) de doigt.

Pouvoir et tentation

Au contraire, une très large part de la série est consacrée au mouvement de résistance que cela provoque. Le fils de Margot passe beaucoup de temps sur Internet à regarder les vidéos d’UrbanDox, un Youtubeur masculiniste qui a malheureusement ses équivalents dans la réalité. Les filles sont déscolarisées, enfermées, soumises à des tests scientifiques invasifs pour évaluer si elles représentent un danger. Il est évidemment aisé de dresser un parallèle entre la volonté, dans la fiction, de contrôler l’EOD (le nom scientifique du pouvoir développé par les adolescentes) et les multiples tentatives, dans la vraie vie, de contrôler le corps des femmes (depuis la contraception à l’avortement).

«Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités», disait l’oncle Ben à Spider-Man dans les comics. Dans «The Power», un grand pouvoir implique aussi une grande tentation. Celle, justement, de la vengeance et de la domination sans partage. La série n’élude rien des dérives potentielles d’une inégalité de genre inversée. Il est à la fois fascinant et terrifiant de voir, par exemple, comment sont traitées les relations sexuelles dans la série, la peur qu’elles suscitent désormais chez les jeunes garçons et la rapidité avec laquelle les filles assimilent les codes toxiques des dominants. Moins efficace lorsqu’elle délègue à ses personnages le soin d’expliquer ses enjeux au lieu de les montrer, «The Power» se rattrape chaque fois à son casting impeccable (Toni Collette, dans le rôle de Margot, mais surtout une tripotée de jeunes acteurs prometteurs) et son rythme intense. Une chose est sûre: la fin appelle une deuxième saison, et nous serons au rendez-vous.

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