Sa petite coupe sage et son grand sourire ont durablement marqué la culture populaire. En 2002, Xavier Rousseau laissait sa copine derrière lui pour partir en Erasmus à Barcelone dans le film «L’Auberge espagnole». Le réalisateur français Cédric Klapisch avait alors réussi, en plaçant Xavier dans une colocation internationale et en lui faisant vivre tout un tas d’aventures entre la Sagrada Familia et les Ramblas, à capter l’atmosphère d’une génération et d’une époque. Celle d’Erasmus, programme destiné à inciter les jeunes des États membres de l’Union européenne à s’expatrier pendant quelques mois, et du rêve européen. La sortie du film avait coïncidé avec l’arrivée de l’euro, synonyme à l’époque d’unité et de voyage facilité.
Un peu plus de vingt ans plus tard, tout a changé. L’euro n’a plus tellement la cote, l’Union non plus. L’engouement pour Erasmus s’est essoufflé. Et Cédric Klapisch offre (après deux films supplémentaires, «Les Poupées russes» en 2005 et «Casse-tête chinois» en 2013) une nouvelle suite à son histoire. Une série, cette fois, que le cinéaste admet lui-même n’avoir réalisée qu’à la demande d’Amazon. Les huit épisodes de «Salade grecque» sortent ce vendredi 14 avril sur la plateforme Prime Video.
Bienvenue à Athènes
Avec son ex-femme Wendy, Xavier est désormais papa de deux jeunes adultes, Tom et Mia. Les héros de «Salade Grecque», ce sont donc eux. Le premier apprend, après l’enterrement de leur grand-père, que celui-ci leur a légué un immeuble à Athènes. Il y voit l’occasion d’une juteuse revente qui pourrait lui permettre de financer le lancement d’une start-up, montée avec sa petite amie américaine. Tom part donc dans la capitale grecque où Mia se trouve déjà pour une année d’Erasmus.
Du moins c’est ce que toute la famille pense, car une fois sur place, Tom se rend compte que sa sœur a abandonné ses études pour se consacrer à plein temps à une association d’aide aux réfugiés. Son quotidien est donc rythmé par les drames et les descentes de police. Et elle est évidemment moins intéressée par l’idée de vendre l’immeuble qui leur appartient que par celle de le transformer en centre d’accueil (ou en squat, tout dépend du point de vue).
Un nouveau portrait de la jeunesse européenne
«Salade Grecque» réussit à capter avec intelligence les aspirations divergentes d’une même génération. Tom et Mia symbolisent le choc de la jeunesse start-uppeuse avec l’activisme, du confort bourgeois assumé avec le rejet de tout héritage matériel. Cédric Klapisch a eu l’intelligence de s’entourer de scénaristes plus jeunes, dont la très talentueuse Agnès Hurstel, également humoriste.
«J’ai commencé le casting des scénaristes il y a quatre ans et, à l’époque, ils avaient tous entre 26 et 30 ans», détaille le réalisateur. «Ce qui était intéressant, c’était de faire un nouveau portrait de la jeunesse européenne, parce que les choses ont beaucoup changé depuis ‘L’Auberge espagnole’. À l’époque, l’Union européenne était une idée enthousiasmante pour tout le monde. Depuis, il y a eu la crise économique de 2008, le Brexit, le Covid, la guerre en Ukraine…» Fini «l’enthousiasme», voire «l’inconscience» des années 2000, place à une «génération plus engagée», «plus consciente des problèmes».
À ce titre, on peut regretter l’absence criante de la thématique environnementale, alors même que l’activisme se cristallise autour de cette question brûlante. Reste que, sur d’autres aspects, «Salade grecque» tape très juste. En introduisant par exemple, sans dramatisation excessive, un personnage trans, ou en se gardant bien de dresser un portrait monolithique de l’engagement politique (une jeune étudiante en droit italienne argumente posément contre l’ouverture des frontières et l’accueil des migrants). La série devient alors une comédie de mœurs parfaitement rythmée, d’une légèreté très consciencieuse. Et si les épisodes auraient peut-être gagné à durer moins de 52 minutes, ils nous laissent avec l’impression d’avoir toujours connu ces personnages et l’envie de s’installer en coloc’ avec eux.