L’affaire est entendue: le meeting du Rassemblement national (RN) ce dimanche 6 avril à Paris n’a été ni un grand succès populaire, ni une manifestation pour «défendre la démocratie», comme le parti national populiste l’affirmait. C’est une grand-messe militante en faveur de Marine Le Pen qui s’est tenue place Vauban, face à l’église des Invalides, en présence d’environ 7000 sympathisants. Avec un seul mot d’ordre: défendre envers et contre tout la candidature de la cheffe du RN à la prochaine présidentielle française de 2027.
Une fois ce rappel des faits établi, regardons la situation politique engendrée par la lourde condamnation de Marine Le Pen par la justice en première instance, le 31 mars, pour «détournements de fonds publics» au détriment du Parlement européen, à hauteur de quatre millions d’euros.
Le soutien de Trump
Que voit-on une semaine après la lecture du jugement très motivé de plus de 150 pages par le tribunal correctionnel? Un RN où sa patronne a prestement remis de l’ordre et fait taire toute velléité de dissidence qu’aurait pu engendrer son inéligibilité de cinq ans avec exécution immédiate. Un RN dont 80% des sympathisants estiment que la décision de justice est «politique» (alors qu’environ 54% des Français interrogés la soutiennent, selon les sondages). Un RN résolu à tirer le maximum de profit des soutiens internationaux (dont celui de Donald Trump) engrangés depuis le jugement. Et un RN capable de mobiliser à la demande des milliers de militants dans les grandes villes de France, même s’il est loin d’avoir obtenu le tsunami populaire dont il rêvait.
Simultanément, que constate-t-on après une semaine de débat sur la sévérité (ou non) du jugement, qui interdit en l’état à Marine Le Pen de se présenter à une nouvelle élection, jusqu’à son procès en appel prévu désormais au début 2026, avec jugement annoncé pour l’été 2026? D’abord le silence absolu du Parlement européen, l’institution financièrement lésée. Comme si celui-ci, où les élus nationaux populistes représentent un tiers de l’hémicycle, anticipait un redoutable retour de bâton politique.
Malaise de la droite
Ensuite le malaise de la droite française, incapable de fournir une alternative au vote Le Pen, à la fois catalyseur des colères populaires, de la rancœur contre le système et les élites, et enraciné dans les territoires. Enfin, le retour au premier plan du camp macroniste, avec à sa tête Gabriel Attal. Preuve que le futur duel est déjà installé: seul un candidat centriste capable de ratisser large, comme le fit par deux fois Emmanuel Macron, peut battre à nouveau «Marine».
Le problème est toutefois que «Marine» est peut-être, ces jours-ci, devenue imbattable. Pourquoi? Parce que la justice (en la pilonnant au regard des lois en vigueur qu’elle avait elle-même voté) est en train de la transformer. La voici auréolée du courage de celle «qui ne cède rien» et «n’abdique pas». Ce qui la place en position de force avant son procès en appel, lors duquel elle pourrait, pour éviter une nouvelle inéligibilité avec exécution immédiate de cinq ans, avancer une nouvelle stratégie de défense assortie d’un «mea culpa» et d’un engagement formel à ne pas récidiver.
Une raison existentielle
Marine Le Pen n’a pas changé politiquement. Elle n’est pas plus compétente qu’avant son procès, en particulier sur les questions économiques, aujourd’hui prioritaires. Elle reste persuadée que la Russie ne menace pas l’Europe. Elle demeure résolue à démonter pièce par pièce l’Union européenne. Son projet reste celui d'une France contre l'autre. Avec tous les risques et dangers que cela suppose.
Ce qui a changé est ailleurs: son procès lui a redonné une raison existentielle de se battre et de gagner. Or en politique, comme dans la vie, cela peut radicalement changer le cours des choses.