Le Premier ministre britannique a choisi Berlin pour faire cet aveu. C’est dans la capitale allemande, où il se trouvait ce mercredi 28 août en visite officielle, que le chef du gouvernement travailliste a reconnu la nécessité pour le Royaume-Uni de «relancer» sa relation bilatérale avec l’Union européenne.
Pas question de revenir sur le Brexit, ce divorce voté par référendum le 23 juin 2016, avec 51,89% des électeurs pour le «Leave». Mais la page de l’idéologie europhobe est en revanche bel et bien tournée: l’accord en préparation entre Berlin et Londres, présenté comme «la chance d’une génération», a vocation à servir d’exemple, demain, pour d’autres accords de ce type avec les autres pays membres de l’Union.
Main tendue
Au-delà des mots employés, et de la main tendue par le gouvernement britannique à ses partenaires du continent, cet aveu dit le moment de vérité. Secoué ces dernières semaines par les plus graves émeutes raciales depuis 2011, et confronté à des difficultés budgétaires très sérieuses, le Royaume-Uni réalise que sa solitude insulaire n’est plus un bouclier comme jadis, mais une dangereuse faiblesse.
Comment rester en première ligue mondiale, comme pays riche, démocratique, innovant et prospère, sans être arrimé au premier marché mondial, de l’autre côté du Channel? Les secteurs couverts par le futur accord-anglo-allemand résument tout. Commerce, défense, science, technologie. Il s’agit, a reconnu Keir Starmer de «maximiser nos chances de créer des emplois ici et au Royaume-Uni» et de «fournir le bien le plus précieux à nos deux pays, la croissance économique».
Les Suisses sont d’accord
Ces mots, une majorité de la population suisse les a déjà fait siens. La dernière enquête de l’institut GFS, publiée par Blick ce lundi 26 août, le confirme sans détour. Menée auprès de 2000 électeurs helvétiques, elle révèle que le nombre de sondés favorables aux accords bilatéraux n’a jamais été aussi élevé au cours des dix dernières années. 65% des personnes interrogées voient principalement des avantages dans les accords bilatéraux. 19%, à l’inverse, y voient des inconvénients. Mieux: 85% des personnes interrogées seraient prêtes à des «concessions» de la part de la Suisse, ce qui correspond à une augmentation remarquable de 30 points de pourcentage par rapport à 2023.
La vérité est que le carburant des campagnes électorales nationales-populistes et de l’idéologie anti-européenne ne tient pas face à l’épreuve des faits et des chiffres. La preuve? Plus aucune formation d’extrême-droite, de Fratelli d’Italia en Italie au Rassemblement national en France, en passant par le parti de la liberté de Geert Wilders aux Pays-Bas, ne défend un divorce à l’anglaise pour son pays. L’Union européenne est critiquée, accusée, prise pour bouc émissaire. Elle est une cible politique, parfois à juste titre. Mais plus personne n’imagine un pays européen de premier plan en rupture avec ce bloc de 27 États membres et de 450 millions d’habitants, aussi imparfait soit-il, et aussi compliqué soit-il à manœuvrer.
Des Anglais pragmatiques
Les Britanniques ont la réputation justifiée d’être pragmatiques. Le Royaume-Uni vient, avec les émeutes anti-migrants, de réaliser combien son tissu social est abîmé, alors que ses services publics, que le Brexit devait servir à renflouer, sont plus en faillite que jamais. Telle est la réalité.
La Suisse qui n’a jamais été membre de l’UE, n’a pas à payer cash le prix d’un divorce chaotique. Sur le dossier de l’immigration, la Confédération cherche des réponses avec ses partenaires au sein de l’espace Schengen. Attention donc aux comparaisons trop hâtives.
Mais quand même. Souvenons-nous, il y a dix ans, de l’arrogance des Brexiters, choyés par certains milieux financiers et libéraux, si persuadés que l’Union européenne n’est qu’un mastodonte bureaucratique. Depuis, la surenchère des conservateurs isolationnistes a conduit le Royaume-Uni dans le mur. C’est cette réalité implacable que le Conseil fédéral, en reprenant fin 2023 le chemin de la négociation avec Bruxelles et la Commission européenne, a fini par admettre. L’aveu de Keir Starmer à Berlin démontre que ce choix est le bon.