Plus de 1000 arrestations en trois semaines
Le Premier ministre britannique est-il allé trop loin en réprimant dans la violence les manifestations?

De violentes manifestations paralysent l'Angleterre après le meurtre de trois fillettes à Southport. Pour réprimer les manifestants, le gouvernement a mis en place des mesures punitives très sévères. Mais les experts s'inquiètent de leurs conséquences à long terme.
Publié: 18.08.2024 à 06:01 heures
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Dernière mise à jour: 18.08.2024 à 10:31 heures
L'Angleterre est en proie à de violentes manifestations après le meurtre tragique de trois petites filles âgées de 6 à 9 ans dans la ville côtière de Southport le 29 juillet.
Photo: Getty Images
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Chiara Schlenz

Depuis plus de trois semaines, l'Angleterre est en proie à de violentes manifestations, parfois teintées de xénophobie anti-migrants et de racisme. Plus de 1000 personnes ont déjà été arrêtées.

Les manifestations sont suivies de près sur la scène internationale. Elon Musk, l'emblématique propriétaire de X, s'est notamment indigné des nombreuses arrestations et des restrictions de la liberté d'expression au Royaume-Uni, allant jusqu'à prendre la défense de certains utilisateurs extrémistes. La gestion parfois violente des manifestants est-elle vraiment justifiée?

Qu'est-ce qui a déclenché les manifestations en Angleterre?

Les émeutes ont été déclenchées après le meurtre tragique de trois petites filles âgées de 6 à 9 ans dans la ville côtière de Southport le 29 juillet. Le Britannique Axel Rudakubana, un adolescent de 17 ans, les avait poignardées à l'occasion d'une journée de danse sur des musiques de Taylor Swift. Huit autres enfants et deux adultes ont également été blessés. Quelques heures seulement après le meurtre, de fausses informations sur le coupable ont circulé sur la toile, présentant l'adolescent comme un demandeur d'asile rwandais illégal qui aurait traversé la Manche en bateau pour se rendre en Angleterre.

En réalité, si Axel Rudakubana est effectivement d'origine rwandaise, il est né en Grande-Bretagne, ce qui n'a pas arrêté l'embrasement du pays et la multiplication des manifestations, racistes par moment.

Quelles sont les motivations des manifestants?

Les motivations des manifestants sont bien plus profondes que l'incident de Southport. Les incidents ont lieu de manière disproportionnée dans les villes et les communes minées par la pauvreté. Des endroits où la population a fait l'expérience d'un abandon de l'État britannique au cours des dernières années, faisant parfois de certains étrangers des boucs émissaires parfaits.

La chaîne américaine CNN s'est notamment entretenue avec des manifestants à Sheffield mercredi. L'un d'entre eux a déclaré: «On ne peut pas obtenir de rendez-vous chez le médecin, le dentiste ou à l'hôpital. Nous sommes devenus des citoyens de seconde zone dans notre propre pays.» Il affirme que les demandeurs d'asile sont favorisés par le système, ce que n'a toutefois pas été confirmé, écrit CNN. La méfiance à l'égard de l'Etat semble s'être installée durablement dans l'esprit des Britanniques.

Qui sont les manifestants?

La police britannique et le Premier ministre britannique Keir Starmer ont également déclaré que la violence était le résultat de «voyous extrémistes». Des militants anti-immigration et anti-musulmans auraient par ailleurs été accusés par les politiciens et les médias d'attiser les tensions en diffusant de fausses informations.

Mais de nombreux manifestants non violents et sans étiquette politique participent aussi aux manifestations.

Pourquoi la justice britannique réagit-elle de manière aussi sévère?

Keir Starmer a annoncé dès les premiers jours des protestations qu'il allait punir sévèrement les manifestants: «Ils subiront toute la force de la justice.» Et la menace a rapidement été mise à exécution: 1000 arrestations ont eu lieu en 20 jours.

Une grande partie des personnes déjà condamnées pour leur participation aux manifestations ont reçu une peine de prison. Sur les 54 condamnations, 47 adultes et trois mineurs ont été condamnés à des peines de prison de deux ans en moyenne. Au total, 275 personnes font désormais l'objet de poursuites pénales pour leur rôle dans les affrontements, indique la BBC britannique.

Le Premier ministre britannique est connu pour la fermeté de ses mesures. Ainsi lorsqu'en 2011, un Britannique noir avait été abattu par la police et que de violentes manifestations avaient éclaté, il s'était par exemple prononcé en faveur de l'utilisation de tribunaux 24 heures sur 24. À l'époque – et même encore aujourd'hui – il défendait l'idée selon laquelle des peines lourdes étaient la méthode la plus efficace pour endiguer de telles protestations.

La répression des manifestations est-elle justifiée ?

Les experts juridiques mettent en garde: la multiplication des condamnations rapides pourraient être contre-productives. Ainsi selon «The Guardian», certains invitent le gouvernement actuel à tirer les leçons des incidents 2011 – pour de ne pas répéter l'échec des conservateurs, alors au pouvoir – et à mener une enquête complète sur les causes des émeutes.

Tim Newburn, professeur de criminologie à la London School of Economics, a ainsi déclaré au journal britannique: «Le danger dans ces cas-là est de se satisfaire d'une explication simpliste. Ne pas examiner les causes profondes signifie que l'on rate l'occasion de désamorcer les problèmes futurs.» Selon lui, il est donc important de se pencher sur le contexte, de prendre au sérieux les problèmes de la population pour mieux les régler. Et de conclure: «On ne peut pas simplement repousser de tels problèmes.»

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