Il est arrivé ce que nous espérions ne plus jamais voir se reproduire: la guerre en Europe.
À ma plus grande incompréhension et celle de nombreux citoyennes et citoyens du pays, la Suisse a attendu quatre jours entiers, quatre longues et sombres journées, avant d’agir et de prendre des mesures concrètes.
Pourtant, nous savons toutes et tous qu’il faut annoncer la couleur. Cela depuis que nous avons été tirés du lit par cette effroyable nouvelle jeudi dernier, ce jour où nous avons réalisé que l’ordre du monde était chamboulé.
Je l’avoue sans peine: aujourd’hui encore, je ne peux et je ne veux pas comprendre ce que Poutine fait subir aux Ukrainiennes et aux Ukrainiens. Je crie d’incompréhension, d’une colère aussi grande que ma tristesse et mon désespoir d’en être arrivé là. Et je me demande comment notre gouvernement a eu tant de mal à réagir.
Gênée, puis soulagée
Après la conférence de presse gênante de jeudi dernier, où le président de la Confédération et ministre des Affaires étrangères a laissé des hauts fonctionnaires dépassés livrés à eux-mêmes, j’aurais préféré ne pas être la Première citoyenne du pays l’espace de quelques jours. Je suis d’autant plus soulagée qu'Ignazio Cassis n’ait pas pour une fois débité des phrases toutes faites devant les médias.
Au contraire, il a pris ses responsabilités et parlé clairement: «L'attaque de la Russie contre l'Ukraine est une attaque contre la souveraineté, la liberté, la démocratie, la population civile et les institutions d'un pays libre.»
Voilà qui est dit. Affichons la couleur!
Parce que nous sommes solidaires avec les Ukrainiennes et Ukrainiens qui sont sous les bombes qui pleuvent sur eux depuis une semaine sur ordre du président russe, Vladimir Poutine.
Parce que nous devons condamner aussi fort que nous le pouvons cette invasion non provoquée et unilatérale dans un pays d’Europe à la fois souverain et en paix.
Parce que le maintien de la paix en Europe n’est pas seulement remis en question: c’est la paix et la sécurité de tout le continent qui sont menacées.
Parce que nous avons le devoir moral d’afficher la couleur. Le devoir moral de nous engager pour la paix, la sécurité, la démocratie et les droits humains.
La neutralité est notre force
Notre neutralité et nos bons offices font, cela a été maintes fois prouvé, la force de notre pays et de notre diplomatie. Mais lorsque la Russie envahit l’Ukraine, elle saute à pieds joints sur les droits humains et le droit international. Le maintien de notre neutralité ne doit pas nous empêcher d’afficher la couleur et de prendre des sanctions fermes contre Vladimir Poutine.
Depuis jeudi dernier, le fameux 24 février, la guerre a éclaté en Europe. Cette guerre n'est pas seulement une question de valeurs et d'accords. Il s'agit avant tout de vies humaines.
Des centaines de femmes, d’enfants et d’hommes ont déjà été, en une semaine, victimes de la guerre en Ukraine. Des milliers et bientôt millions d’autres ont été contraints de rassembler leurs affaires à la hâte et de fuir devant les combats et les bombardements.
Nos coeurs avec l'Ukraine
La Suisse est dépositaire des Conventions de Genève, qui constituent le cœur du droit international humanitaire. Dans les jours à venir, nous ne devons pas seulement nous demander comment nous pouvons assumer notre devoir humanitaire — la Suisse doit également agir. Et elle va le faire.
Elle a tardé, mais la Suisse — le Conseil fédéral et le Parlement — a fini par trouver les mots pour dénoncer au plus haut point les violations de la Russie, qui non seulement piétine le droit international, mais le fait avec une violence militaire inouïe. Les paroles sont claires, et les actes suivent: sans équivoque. Nos coeurs sont avec l’Ukraine — Switzerland stands with Ukraine!
PS: Et oui, je suis de nouveau fière d’être la Première citoyenne du pays. Même si je regrette amèrement et je continue à me gêner du temps qu’il a fallu à notre pays pour constater qu’il n’était pas viable d’être une île sans sanctions au milieu d’un continent attaqué.