Chaque jour, l’administration Trump ébranle le monde. Il ose proposer d’occuper la bande de Gaza pour en faire «la Côte d'Azur du Moyen-Orient», en évacuant ses plus de deux millions d’habitant-e-s, victimes de 16 mois de bombardements criminels visant à détruire la population civile palestinienne.
Sur l’Ukraine, il qualifie Zelensky de «dictateur» et exige des élections – comme si un pays occupé et en guerre pouvait organiser un scrutin dans de bonnes conditions – sous peine de l’exclure des négociations de paix. Il se range ainsi derrière Netanyahu et Poutine, des criminels de guerre qui méprisent le droit international. Et dont l’horizon est d’échapper aux mandats d’arrêt émis à leur encontre.
Trump n’est pas un «bouffon»
Ce ne sont ni de simples provocations, ni de la bouffonnerie, encore moins de l’incompétence. C’est un projet politique pensé et plus déterminé que jamais: démanteler les institutions multilatérales, museler les organisations critiques de leurs politiques, réduire la diplomatie à une pure logique de puissance militaire et économique.
En résumé, imposer un monde dans lequel les grandes puissances écrasent les plus petites (pas très nouveau) et menacent les autres par tous les moyens (ça, c’est nouveau). Les Etats-Unis ne se retirent pas du jeu international, ils changent les règles du jeu à la sauce Trump: menaces, humiliations, violence.
Un discours «très suisse», vraiment?
Face à ce basculement historique, on pourrait attendre de la Suisse qu’elle reste fidèle à ce qui a fait sa force: la défense du droit international et des droits humains, du multilatéralisme, des institutions qui garantissent une certaine stabilité et des politiques coordonnées. Mais au lieu de tenir cette ligne historique, une partie de la droite retourne sa veste.
Plutôt que de s’élever contre les attaques autoritaires de Trump et J.D. Vance, Karin Keller-Sutter, du Parti libéral-radical (PLR), a jugé son discours «très suisse».
«Très suisse», vraiment? Depuis quand la Suisse méprise-t-elle le multilatéralisme? Depuis quand considère-t-elle que les relations internationales doivent être dictées par la seule loi du plus fort? Depuis quand considère-t-elle que réguler les géants du numérique reviendrait à être contre la démocratie? Cette déclaration est une faute politique. Une présidente de la Confédération ne devrait pas dire ça.
Milei, leur modèle libertarien
Ces propos ne tombent pas du ciel. Une partie de la droite bourgeoise semble éprouver une fascination pour ces figures qui méprisent les institutions internationales et glorifient la brutalité.
Le président argentin Milei trouve par exemple un soutien enthousiaste en la personne de Philippe Nantermod, ancien vice-président du PLR Suisse. Il considère la recette Milei comme «une solution qui fonctionne». Solution, rappelons-le, qui consiste à passer les ministères à la «tronçonneuse», aux dépens de la classe moyenne et des plus pauvres.
Ce n’est pas le seul politicien suisse à avoir fait le déplacement à cette soirée, où figurait notamment l'ancien conseiller fédéral UDC Ueli Maurer et la présidente du parti d’extrême droite allemand AfD, Alice Weidel. Une constellation se dessine, comme dans de nombreux autres pays européens.
Agir au bord du précipice
Face à cela, il faut être clair: la Suisse ne peut pas rester passive. Encore moins lorsque son gouvernement banalise un discours qui sape les fondements de l’ordre international. C’est pourquoi les Vert-e-s suisses ont lancé une lettre ouverte adressée au Conseil fédéral, rejoignant notamment les critiques de l’ancien conseiller fédéral Pascal Couchepin.
Il faut en tirer des enseignements. Les avancées démocratiques ne sont jamais acquises. La montée de l’extrême droite n’est pas un hasard. Elle prospère là où les inégalités explosent, où les services publics se dégradent, où les citoyen-ne-s se sentent abandonnés et pensent ne plus avoir de prise sur la marche du monde. Les discours de haine trouvent un terreau fertile dans la précarité, le mépris et le désespoir.
Lutter contre Trump et ses soutiens n’est possible qu’en améliorant le quotidien de toutes et tous, ici et maintenant. C’est défendre une politique sociale forte, combattre les injustices, garantir des perspectives et prendre à bras-le-corps la lutte contre le changement climatique qui menace les bases de notre vie sur Terre C’est aussi permettre la confrontation, dans le débat public, de projets politiques radicalement différents.
Dans un monde où les forces réactionnaires attaquent tout ce qui s’oppose à leur modèle – les droits humains, l’écologie, la solidarité internationale –, il n’y a plus de place pour la complaisance. Il faut avoir le courage de choisir son camp. Entre écologie et barbarie, l’entre-deux n’est pas une option.