La chronique de Samson Yemane
La Suisse cesse de soutenir l’Érythrée, une victoire pour les droits humains

La Suisse a décidé de mettre fin à l'aide financière au développement en Érythrée dès mai 2025. Notre chroniqueur Samson Yemane se réjouit de cette décision contre l'état totalitaire pour deux raisons essentielles.
Publié: 12:53 heures
Samsone Yemane se réjouit de l'arrêt de l'aide financière suisse pour l'Erythrée.
Samson Yemane, Membre de la commission fédérale contre le racisme

Excellente nouvelle! Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a décidé de mettre fin à l’aide au développement en Érythrée dès mai 2025. Si cette décision peut sembler sévère et prêter à confusion, certains pouvant y voir un soutien aux coupes budgétaires de la Confédération, il n’en est rien.

Bien au contraire, je critique fermement les restrictions budgétaires imposées par la droite majoritaire en matière d’aide au développement. Toutefois, s’agissant de l’Érythrée, cette décision me réjouit pour deux raisons essentielles.

Régime totalitaire

D’une part, elle met fin à un soutien dont l’efficacité est hautement contestable dans un régime totalitaire, car la gestion de ce fonds est totalement aux mains d’un gouvernement corrompu.

D’autre part, elle contredit objectivement notre politique d’asile hypocrite qui, en cherchant à embellir l’image du dictateur érythréen Issayas Afwerki, n’avait d’autre objectif que de faciliter le renvoi des Érythréen-ne-s vers ce pays où leurs droits fondamentaux sont systématiquement bafoués.

Aide financière à l'oppression

Depuis cinq ans, je critique avec constante le soutien économique du DFAE à l'égard du régime érythréen. Loin d'encourager des avancées politiques, économiques ou sociales, cette aide a, au contraire, contribué à la consolidation d’un appareil autoritaire toujours plus répressif.

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En réalité, cette aide avait pour objectif d'obtenir la signature d’un accord dans le but de faciliter le renvoi des migrant-e-s érythréen-ne-s
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En effet, ce régime exerce un contrôle toujours plus oppressif dans ce pays, sans oublier la diaspora érythréenne qui est taxée systématique et injustement par tout dans le monde. Cette critique est largement partagée par plusieurs ONG, tels que Amnesty, Human Rights Watch et Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR).

De plus, il est important de mentionner que cette aide financière, qui est, rappelons-le, issue de l’argent du contribuable, est utilisée de manière peu transparente et ne présente aucune corrélation évidente avec les objectifs de développement qu’elle prétend soutenir. En l’absence de rapports détaillés sur l'impact réel de cette aide, il est impossible d'évaluer si des progrès ont été réalisés dans des secteurs essentiels tels que l'éducation ou la santé. Cela soulève des questions légitimes sur la véritable efficacité de cet investissement et sur la manière dont il est utilisé, sans garantie d’un changement tangible ou durable pour la population.

Faciliter le renvoi

De surcroît, l’octroi de cette aide au développement à l’Érythrée ne relève pas d’un simple engagement humanitaire, mais s’inscrit dans une logique diplomatique opportuniste que je déplore avec la plus grande fermeté. En réalité, cette aide avait pour objectif d'obtenir la signature d’un accord de réadmission avec un régime totalitaire, dans le but de faciliter le renvoi des migrant-e-s érythréen-ne-s.

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Notre aide au développement et notre politique d’asile doivent être guidées uniquement par une seule boussole: les droits humains
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Une telle approche cynique a non seulement contribué à légitimer relativement ce régime totalitaire, mais a également conduit à un silence complice face aux violations systématiques des droits humains en Érythrée. Il faut le dire qu’en privilégiant des intérêts migratoires à court terme – comme le souhaite la droite – au détriment des principes fondamentaux de justice et de dignité humaine, cette stratégie a, de fait, validé une forme d’adhésion tacite à l’autoritarisme du régime érythréen.

Une politique pour la dignité humaine

Que doit faire le Conseil fédéral? Modestement j’aimerais rappeler ici un principe, à savoir défendre une politique résolument humaniste. Notre aide au développement et notre politique d’asile doivent être guidées uniquement par une seule boussole: les droits humains.

Il est impératif de rompre avec une logique purement utilitariste qui relègue la dignité des personnes exilées – en l’occurrence les Érythréen-ne-s – au second plan. Je porte l’espoir d’une vision politique ambitieuse et courageuse, où la dignité humaine ne serait plus une variable d’ajustement, mais le socle de toutes nos décisions. On doit déconstruire cette rhétorique xénophobe qui présente la migration comme une menace, alors qu’elle est une richesse incontestable.

À celles et ceux qui manquent de rigueur historique, laissez-moi vous dire qu’aucune société ne s’est développée dans l’isolement. Ne déplaise à certains, la migration n’est ni une anomalie ni une exception, mais un phénomène structurel qui a façonné les dynamiques économiques, sociales et culturelles à travers les siècles. La Suisse elle-même est le résultat de ces circulations humaines. Ignorer cette réalité, c’est nier l’histoire et trahir l’avenir.


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