Alors que nous nous apprêtons à célébrer la journée nationale des personnes réfugiées le 15 juin 2024 et la journée mondiale le 20 juin 2024, les discours et initiatives xénophobes ne cessent de s’imposer dans notre société helvétique. Le 25 mai, l'Union démocratique du centre (UDC) a lancé son initiative «pour la protection des frontières», dont l’application est questionnable, puisqu’elle viole la Convention internationale de 1951, signée par la Suisse et en vigueur depuis 1955.
De surcroit, influencé par le modèle britannique, et bien que la Cour suprême s'oppose, le Parti libéral-radical (PLR) semble également s'approprier la question de la migration en lançant des projets de loi tels que le renvoi des personnes réfugiées vers un pays tiers. Ce lundi 10 juin, après l'approbation du Conseil des États, le Conseil national a exigé le renvoi des Érythréen-ne-s vers un pays d’Afrique.
Toutefois, comme le confirment plusieurs organisations de défense des réfugiés et en partie le Conseil fédéral, cette approche d'externalisation des procédures d'asile risque de conduire à des violations des normes en matière de droits humains. Ainsi que d'autres obligations internationales, telles que le principe de non-refoulement.
Tout ça pour attirer l'électorat de droite?
Bien que la primauté du droit suisse sur le droit international soit ancrée dans l’ADN de l’UDC, la détermination du PLR sur ce sujet suscite légitimement des interrogations. Quelles sont les motivations sous-jacentes? Peut-être des considérations électoralistes visant à attirer les électrices et électeurs de l'extrême droite? Cette hypothèse, non négligeable, mérite en effet d’être étudiée car même en France, nous observons le même phénomène entre Les Républicains d’Éric Ciotti et le Rassemblement national de Marine Le Pen.
Il est frappant de constater que les deux partis suisses omettent volontairement de reconnaitre que les progrès dont la Suisse bénéficie aujourd’hui résultent en grande partie des contributions du droit international. À savoir: la promotion de la paix, le développement économique, la protection de l’environnement, etc. Ces avancées ont permis à de nombreuses sociétés d’avoir une meilleure stabilité et d’améliorer les conditions de vie des millions de personnes, bien qu'il reste encore beaucoup à parcourir.
Une Suisse riche en diversité
Bref. Devons-nous suivre ces propositions antimigratioires au nom de soi-disant la préservation de la souveraineté nationaliste? Certainement pas. N'en déplaise à certains, la migration est un phénomène social constant qui enrichit indéniablement notre société moderne. Je rappelle qu’actuellement en Suisse, 41% de la population dite «résidente permanente» est issue de la migration et elle fait partie notre identité commune.
Cette identité plurielle, fondée sur le fédéralisme et enrichie par la diversité linguistique, culturelle et religieuse, est le socle sur lequel se construit notre Suisse moderne. Permettez-moi donc de plaider en faveur d’une société moderne qui valorise une cohésion sociale solidaire. La Suisse, autrefois célèbre pour son engagement humanitaire, doit davantage ouvrir ses portes aux personnes étrangères et réfugiées.
Un esprit collectif pour toutes et tous
L’accueil et soutien apporté aux exilé-e-s ukrainien-ne-s montrent que nous avons la capacité d’agir avec compassion. Bien que cet accueil puisse être critiqué par sa caractéristique «deux poids, deux mesures», la majorité des habitant-e-s de notre pays ont pris conscience de cette responsabilité collective. Selon moi, il faut non seulement pérenniser cet esprit de collectivité, mais également l’institutionnaliser pour l’ensemble des personnes réfugiées en Suisse.
En favorisant une telle solidarité, nous nous engageons à contrer des initiatives et des propositions antimigratoires et déshumanisantes. En résumé, il est illogique de vouloir fermer nos frontières pour repousser les personnes réfugiées. En tant que signataire des conventions internationales, la Suisse est tenue d'accepter les demandes d'asile sans entrave pour celles et ceux qui sont contraints de fuir leur pays.
Puis, externaliser les procédures d'asile ou contraindre les personnes déboutées à être renvoyées vers des États tiers est juridiquement inacceptable, car ces pays ne peuvent garantir la sécurité et le respect des droits humains auxquels les personnes réfugiées ont droit.
Faire preuve d'empathie et d'humanité
Les deux journées nationale et internationale dédiées aux personnes réfugiées, respectivement le 15 et 20 juin 2024, doivent nous rappeler l’importance de la solidarité collective. Nous avons un devoir moral et légal de promouvoir les valeurs fondamentales qui caractérisent notre humanité. En tant que société moderne et démocratique, nous devons faire preuve d’empathie envers celles et ceux qui sont dans le besoin et défendre une politique sociale capable de les protéger.
Unissons-nous contre les discours xénophobes qui cherchent systématiquement à établir des corrélations absurdes et fallacieuses entre la migration et la criminalité, alors qu’aucune causalité sérieuse n'a été démontrée.