La chronique de Pierre-Yves Maillard
Plafonner enfin le pire des impôts

Le sénateur socialiste vaudois et président de l'Union syndicale suisse (USS) Pierre-Yves Maillard est membre de notre équipe de chroniqueurs. Cette semaine, il revient sur l'initiative «10% maximum» qu'il défend et pour laquelle il vient d'entrer en campagne.
Publié: 17.04.2024 à 11:26 heures
Le 14 octobre 2023, une manifestation contre la hausse des primes d'assurance-maladie avait été organisée par les syndicats et la gauche.
Photo: keystone-sda.ch
Pierre-Yves Maillard, président de l'Union syndicale suisse

Le 9 juin, le peuple suisse aura une chance qui ne se représentera pas avant longtemps. Il pourra enfin régler un problème que la majorité politique ne veut pas régler. Il pourra corriger une anomalie fiscale scandaleuse et donner une limite constitutionnelle au pire des impôts, en votant oui à l’initiative d’allègement des primes d’assurance-maladie.

Où sont les esprits libéraux?

Le monde politique et médiatique suisse est sans doute l’un de ceux qui compte la plus grande densité d’esprits qui se disent libéraux. Il y a des libéraux écolos, des libéraux conservateurs, des ultralibéraux, etc. Alors comment se fait-il que la Suisse ait inventé un impôt qui n’a pas de limite? La prime d’assurance-maladie doit être payée par tous, y compris par les enfants. D’autres assurances sont obligatoires, mais l’assurance-maladie s’impose à toute la population.

On n’est pas obligé de posséder une voiture ou une maison et donc de s’assurer contre les risques qu’entraîne la possession de ces biens. Mais on est obligé de s’assurer contre les risques de maladie et accidents. La prime d’assurance-maladie est donc techniquement un prélèvement obligatoire. Si on ne la compte pas dans la comparaison internationale des quote-part fiscales, c’est à cause d’un truc unique en son genre: ce sont des entités privées qui la prélèvent. Ainsi, on peut croire que la Suisse a une quote-part fiscale inférieure aux autres pays de l’OCDE.

Même Economiesuisse, dans un communiqué du 22 décembre 2014, trouve cela étrange et fait remarquer que si, comme tous les pays de l’OCDE, nous comptions l’assurance-maladie obligatoire dans la quote-part fiscale, celle-ci serait plus élevée que la moyenne en Suisse, à près de 40% du PIB. La Suisse a donc inventé un impôt injuste, prélevé par tête, qui ne se voit pas dans les comparaisons internationales et qui n’est soumis à aucune limite. Des décisions privées, seulement validées par l’administration en fixent le montant

Cet impôt inique peut donc augmenter chaque année sans l’aval d’aucun Parlement ou du peuple. Tous les autres impôts connaissent une limite dans la loi ou dans la Constitution, sauf la prime d’assurance-maladie. Or le consentement à l’impôt est un principe cardinal d’une démocratie dite « libérale ». Mais les esprits libéraux en Suisse trouvent cela normal. Cette anomalie s’explique par une raison simple: cet impôt sans limite ne fait mal ni aux riches, ni aux entreprises, mais aux gens qui travaillent et à la classe moyenne. C’est pourquoi c’est le seul qui augmente chaque année, sans protestation des esprits libéraux.

Ce n’est pas l’initiative qui génère les coûts

On entend les opposants à notre initiative dire que notre initiative entraînerait des coûts exorbitants. Des chiffres effrayants sont articulés. Les modèles déjà existants de plafonnement des primes aux Grisons et dans le canton de Vaud montrent que ces scenarios effrayants ne se réalisent pas dans la pratique. 

Dans le canton de Vaud, après l’introduction du plafonnement à 10% de la charge d’assurance-maladie, les autres impôts n’ont pas été augmentés. Ils ont au contraire baissé. Plutôt que de faire des théories, pour une fois, on peut observer les effets d’une idée dans la réalité. Et cela montre que notre idée est possible et finançable.

Mais surtout, il faut dire une chose. Ceux qui parlent des milliards de coût de notre initiative font semblant d’oublier que ces coûts ne sont pas générés par l’initiative. Notre initiative ne crée aucune prestation de santé supplémentaire. Elle se soucie simplement de plafonner la solution de facilité qui consiste à envoyer la facture chaque année à la population sous la forme d’une prime par tête plus haute. Au lieu de cela, à partir d’une certaine limite, la facture reviendrait à la politique qui devra prendre ses responsabilités. Elle devra enfin faire les économies qui s’imposent. 

Le Centre et la droite disent qu’il y en a beaucoup de possibles. Ils devront enfin les faire. Ou envisager des hausses d’impôts qui seront soumises à l’approbation du peuple et qui toucheront d’autres secteurs de la société que la classe moyenne.

Alors, on veut des aides ciblées pour la population active ou pas?

Pendant la campagne sur la 13e rente AVS, la droite, le Centre et les milieux patronaux ont admis que notre population connaît un problème sérieux de baisse de son pouvoir d’achat. Mais ils ont combattu la 13e rente parce que, selon eux, elle ne bénéficiera pas aux jeunes et qu’elle n’est pas ciblée. 

Notre initiative répond à ces deux objections. Elle est ciblée sur les familles et les personnes à revenu moyen et elle intègre les actifs. Il y a autant d’actifs que de retraités qui souffrent de primes d’assurance-maladie qui pèsent entre 15 et 20% du revenu net. 

Malgré cela, maintenant, le Centre, la droite et les milieux patronaux combattent quand même notre initiative d’allègement des primes. En fait, ils ne veulent rien faire, ni pour les actifs, ni pour les retraités. Ni des mesures générales, ni des mesures ciblées. La baisse du pouvoir d’achat de la population n’est pas leur problème. Ils n’ont rien à proposer. Rien.

Après juin, vient septembre

Après le 9 juin, il sera trop tard. Et dans les cinq prochaines années, le peuple suisse n’aura plus aucune occasion de se libérer du fardeau des primes. La machine infernale à augmenter le pire des impôts s’est emballée et les lobbyistes au Parlement empêchent les économies rapides et efficaces. 

Donc septembre 2024 viendra avec de nouvelles augmentations importantes de primes. Puis septembre 2025. Puis septembre 2026. Puis septembre 2027, et ainsi de suite. Le seul espoir est le 9 juin 2024. Après, il sera trop tard. Alors il faut voter un oui massif à l’initiative d’allègement des primes.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la