Voilà plusieurs semaines que je vous délaisse. L’occasion ici de regretter de ne pas avoir pu tenir le rythme en vous régalant de mes piques et mauvaises humeurs à quinzaine.
Faut dire que ces derniers mois ont été particulièrement chargés.
Cela ne vous aura sans doute pas échappé: je suis candidate au Conseil national. Les résultats seront connus d’ici 5 jours et je peux maintenant vous exposer ce que cela implique d’être candidat à une telle élection.
Nous sommes près de 6'000 en Suisse à tenter d’occuper une des 200 sièges de la Chambre du peuple. Système de milice oblige, ou à tout le moins ce qu’il en reste, la majorité des personnes qui se présente ne sont pas (encore) des politiciens professionnels.
Beaucoup ont, comme moi, déjà un mandat politique qui les occuper plus ou moins partiellement. Mais la réalité, c’est que nous sommes nombreuses et nombreux à avoir un job, un vrai, qui nous prend la plus grande partie de notre temps.
De mon côté, j’ai également mon activité d’avocate à Vevey qui m’occupe le plus clair de mon temps: rendez-vous clients, audiences, études de dossier, déplacements en prison… A côté de cela, le Grand conseil m’occupe environs un jour et demi par semaine. S’ajoutent encore les comités associatifs, parfois tard le soir. Ça, c’est le «daily business». Et dans cette vie, qui fait déjà l’objet de peu de place pour la vie familiale et amicale, vient se greffer une campagne.
15h de boulot, 6 jours sur 7
Durant les 9 semaines de «dur», c’est environ 1'000 km parcourus par semaine. Ce sont des journées d’environ 15h de boulot, 6 jours sur 7 (je vous écris pendant mon jour de congé). Ce sont des conférences à travers tout le canton, des stands, en ville, à la campagne et même dans les déchetteries. Ce sont des distributions de tract, matinales et tardives. Des apéro politiques par dizaines, à vous lasser (presque) du chasselas. Ce sont des événements, du vacherin Mont-d’or aux Charbonnières à une expo à Plateforme 10. Et tout ceci se vit en collectif, voire dans un certain brouhaha permanant. Mais c’est aussi beaucoup de moments solitaires, pour ne pas dire de solitude. A réfléchir à la campagne que l’on veut mener, aux messages qu’on veut faire passer, à la meilleure manière d’y arriver. Des heures à se prendre la tête pour réserver une salle, bricoler un tract, désespérer sur un montage vidéo au rendu très bon marché. Parce que la réalité, c’est que nous sommes, pour la plupart, au four et au moulin, sans assistant ni collaborateur pour faire le job.
Une campagne ce sont aussi des énormes montées d’adrénaline, juste avant de monter sur un plateau de débats à la RTS. Des coups de barre à vous faire rêver d’un canapé. C’est voir son mari une fois dans la semaine, durant 5 minutes, sur une aire d’autoroute, pour se «passer» le chien ! Ce sont aussi des cafés, plus d’une dizaine par jours, par reflexe plus que par besoin. Ce sont aussi des collègues patients et loyaux qui vous remplacent au dernier moment quand «l’imprévu de campagne surgit».
Et puis il y a bien évidemment des rencontres. C’est bateau à dire, mais je vous jure que c’est vrai.
Une campagne, c’est comme un camp de ski
Comme ce Monsieur qui au détour d’un échange sur un stand à Montreux, est parti m’offrir un bouquin. C’est ce vigneron dans le caveau à Aubonne qui me dit « je sais qui vous êtes, votre mère a vendangé chez moi quand elle était jeune fille ». C’est aussi cette camarade à Lausanne avec qui j’échange sur le parcours difficile des jeunes mères: elle l’a été à 20, moi à 18 ans. C’est à Sainte-Croix, quand je vois une dame prendre la parole après une projection pour expliquer à la salle les enjeux pour les locataires. Elle était dans le public d’une de mes conférences de l’Asloca. C’est aussi cette dame que j’ai au téléphone qui me dit que c’est super ce que je fais et qui me renvoie encore un sms après pour m’encourager dans ces derniers jours de campagne.
Une campagne c’est un peu comme un camp de ski de 9 semaines, avec les devoirs et les tests en plus, et sans la boume du jeudi soir. A moins que la boom ne se fasse le soir du 22 octobre, quand nous pourrons toutes et tous danser au son de la victoire. Et quoi qu’il m’advienne à titre personnel, comme après chaque camp de ski, je sais déjà que lundi, j’aurai le blues…