Le référendum est devenu une arme de blocage. Une arme qui divise la société, qui focalise les opinions, qui fige les positions et qui accentue les tensions. Une arme qui est aujourd’hui utilisée sans aucun état d’âme et à des fins partisanes. La présidente des Vert-e-s avait d’ailleurs averti que cette législature serait celle des référendums. Comment dans de telles conditions, la Suisse va-t-elle pouvoir se réformer? Allons-nous entrer dans une ère où le statu quo et le retour en arrière sont privilégiés?
Certes, le référendum est un pilier essentiel de notre démocratie directe. Il donne au peuple la possibilité d’avoir le dernier mot sur des décisions importantes du Parlement. Pas question de le remettre en cause. Mais l’on constate de plus en plus souvent que les référendaires le détournent de sa véritable mission. A coups d’arguments dogmatiques et souvent trompeurs, ils se servent de cet instrument pour défendre leurs propres intérêts, oubliant l’intérêt général.
Avec ces manœuvres, le progrès est freiné. Des adaptations aux besoins pourtant incontournables sont torpillées. C’est ce qui a failli se produire dans le cadre de la transition énergétique. Les référendaires ont voulu retarder sa mise en œuvre. Ils ont heureusement échoué. Mais le référendum lancé contre la révision du 2ème pilier a réussi à faire sombrer une indispensable réforme. Un échec qui a eu notamment pour conséquence de pénaliser les femmes et d’empêcher une meilleure équité entre les générations.
La culture du consensus se fragilise
Ce week-end encore, le non à l’extension de six tronçons d’autoroute risque d’avoir de graves répercussions à la fois sur la sécurité routière, le trafic d’évitement. Un non qui réveille à nouveau la guerre des transports. La preuve: on veut déjà détourner l’argent des automobilistes versé au fonds Forta vers d’autres causes.
Mais où est donc passé le consensus helvétique, tant envié au-delà de nos frontières? Qui a fait la prospérité de la Suisse, assuré sa stabilité et renforcé sa cohésion? C’est cet art du compromis qui a permis à nos ancêtres de bâtir des tunnels, des ponts, des barrages. D’aller de l’avant.
Aujourd’hui, c’est le contraire qui se passe. Notre culture du consensus se fragilise. 67% des propositions du Parlement et du Conseil fédéral ont été balayées cette année. Notre pays se polarise et oublie les vertus du dialogue. Beaucoup se laissent tenter par les discours simplistes. Nous nous éloignons les uns des autres.
Or en cette période de crises et d’incertitudes, la Suisse a plus que jamais besoin de se serrer les coudes, de trouver des solutions forgées sur des compromis réalistes et économiquement supportables. Cela signifie prendre ses responsabilités et savoir-faire de temps en temps des concessions.
Nous devons réapprendre à construire des majorités, à travailler ensemble et non pas les uns contre les autres. Nous devons admettre que le monde change et nous y adapter. Chaque changement exige un consensus. Nous n’avons pas d’autre choix, si nous voulons continuer d’avancer.
Les clivages ont un effet destructeur. Notre pays ne doit pas tomber dans les divergences partisanes, s’il veut relever avec succès les défis de demain, à commencer par la réforme des assurances sociales, de l’asile, le maintien du pouvoir d’achat ou encore le dossier européen. Réhabilitons le consensus helvétique qui fait notre force.