Vendredi la Commission du Conseil national qui traite du droit du bail a voté la suppression de la protection contre les loyers abusifs. Dans la foulée, elle a aussi changé la méthode de calcul des loyers, pour que les statistiques des bailleurs fassent loi.
Ces décisions interviennent alors qu’aura lieu en novembre la votation populaire sur le démantèlement de la protection contre les résiliations de bail. La droite n’a donc même pas attendu de connaître le choix des citoyens sur les congés, avant d’attaquer les loyers.
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Le centre droit se radicalise!
L’objectif des bailleurs est simple: faciliter les résiliations pour relouer ensuite plus cher. Il s’agit de tirer un maximum de loyer en profitant de la pénurie de logement qui touche toute la Suisse. C’est une pure logique de profiteurs.
Celle-ci surprend par son ampleur et la droite par sa détermination. C’est le cœur du droit du bail qui est touché et le Parlement a voté ces 4 lois à quelques mois d’intervalles. Même le Conseil fédéral s’oppose à la manœuvre. Le centre droit se radicalise. Centre (ex. PDC), PLR et UDC sont à l’unisson en matière économique et sociale.
La droite supprime un à un les droits issus des mobilisations sociales. La remise en cause des salaires minimaux cantonaux en atteste, comme sa hargne contre l’AVS. Il en va de même avec la protection contre les loyers abusifs. La droite veut mettre au pas les locataires, après les femmes (AVS21) et la jeunesse pour le climat. C’est un retour à la force brute de l’actionnaire, du patron et du propriétaire.
Les loyers, ce nouvel impôt
Cette politique de régression sociale a des bases matérielles. Les milliards mis à disposition des banques par l’Etat après la crise des subprimes et la pandémie de Covid ont été utilisés pour boursicoter et/ou placés dans l’immobilier. La rente immobilière est l’un des instruments qui permet à la finance d’accaparer une part grandissante de la richesse sociale.
La part abusive du loyer est devenue une sorte d’impôt sur le bénéfice des entreprises et le revenu des locataires, au profit du capital financier. Vu le niveau des loyers, le taux de cet «impôt» est comparable au taux d’imposition moyen de l’Etat sur le revenu (33%).
La course à la rente foncière a entraîné une forte hausse du prix des immeubles de rendement (immeubles locatifs). Ceci a fait baisser les rendements des capitaux dans l’immobilier. En effet, si le prix d’achat augmente mais pas l’état locatif, le profit diminue. Qui doit payer les conséquences économiques de la bulle immobilière? Pour la droite, la réponse est claire: les locataires.
La droite menace la paix sociale
Le tribut payé aux seigneurs de l’immobilier est immense: environ 5 milliards de francs par an sous forme de loyer abusif, 10,4 milliards pour la seule année 2021. Les assauts de la droite posent la question démocratique. La majorité viole la Constitution et menace la paix sociale.
La Constitution prévoit que la Confédération doit prendre des mesures pour lutter contre les abus des bailleurs. Or, le Parlement taille dans les droits des locataires. Au lieu de lutter contre les abus des bailleurs, la droite inverse les responsabilités et voit l’abus est dans le camp du locataire qui refuse de se laisser imposer un loyer illégal!
En savoir plus sur les loyers abusifs
Des lois anti-locataires
Se loger est un droit. En Suisse, la satisfaction de ce besoin est laissée pour l’essentiel au marché privé. L’enjeu social de lois anti-locataires est immense. Il s’agit du risque de perdre son logement, par volonté du bailleur de relouer beaucoup plus cher à un tiers et/ou d’imposer un loyer inabordable.
En voulant mettre la société en coupe réglée pour permettre aux bailleurs de tirer un maximum de profit abusif, la droite menace la paix sociale et la démocratie. Le niveau des loyers menace la Suisse d’un retour censitaire. Un nouveau droit de cité est en train de s’imposer: seul peut vivre correctement en Suisse celui ou celle qui peut payer le tribut aux propriétaires immobiliers. Les autres doivent vivre cachés des bailleurs, en sous-location non-autorisée, ou partir à l’étranger comme les retraités qui quittent la Suisse pour l’Espagne, le Maroc ou la Thaïlande.
Les nouveaux seigneurs féodaux et leurs bailleurs ne s’appellent plus Habsbourg, Gessler et Landenberg, mais UBS, Egloff et Feller. Mobilisons-nous le 24 novembre défendre les droits des locataires.