C’est la saison des joyeux vœux. Pieux, ou pas, bonheur, épanouissement, allégresse et santé sont bien imprimés, ici, sur papier glacé. Si bien imprimés qu’il deviendrait presque malhonnête de les omettre de toute correspondance de fêtes. Avec toute mon amitié.
Au prix d’un gnon
D’ailleurs, c’est une obsession, semble-t-il, on aime tout particulièrement me souhaiter la santé: d’aller «mieux», de «continuer à être aussi fort». Pire: de «poursuivre mon combat». Alors que, rappelez-vous, pour moi, considérer la ma situation de handicap comme une «maladie» est la pire des abominations. L’Antéchrist. L’autre jour, à ce propos, alors que je lance frivolement à une amie, «Si tu continues, je vais me lever pour t’en mettre une», dans la même lignée, cette dernière me répond que c’est tout ce qu’elle me souhaite. Même si c’est au prix d’un gnon.
Attendez, attendez, attendez… est-ce qu’il a déjà été question de marcher? Donc, pour elle, ma «dé-marche» est un élément central de ma condition (?). Étrange, car, jamais mon moyen de locomotion dissemblable ne m’est apparu comme un élément révoltant. En même temps, vous m’accorderez volontiers qu’il est difficile d’envier quelque chose d’inconnu et d’inaccessible. Non? Je le disais justement il y a deux semaines: «Le handicap, c’est le cadre. Et non la personne.»
Pourtant, tout aussi surprenant pour moi, lorsque je confesse aux néophytes que, non, si je pouvais faire ne serait-ce qu’un vœu, la marche ne ferait pas partie de mes priorités, c’est le drame. La Vierge. En couleurs. Et en 3D. «Ah bon!?» Oui, même pas dans le top 10 des choses à faire avant de mourir. Marcher, en toute transparence, doit se situer, là, quelque part, entre «attraper la varicelle» (check!) et «convaincre un antivax» (pas check!). Un truc, quelconque, avec lequel il ne vaut mieux pas insister. Bien trop éreintant. Pour bien trop peu de résultats. Vous me suivez?
Le mieux est l'ennemi du bien
Attention, cependant, petite dose de rappel (check!): inutile de penser à un déni, une fuite de la réalité qui est la mienne. Il est juste question de point de vue. De représentation de sa condition. Est-ce ma stature hiératique qui fait de moi une personne en situation de handicap? Aussi. Mais pas seulement. Serais-je moins handicapé en étant debout? Pourquoi pas (?). Mais avec de nouvelles déficiences, peut-être (?).
Ce sont un tas de petites choses qui font de mon handicap «mon» handicap: une dépendance à autrui, un environnement mal adapté, des douleurs, une évolution constante du diagnostic, la capacité d'adaptation et de résilience qui en découlent. On en a déjà parlé, de tous ces paramètres. Et ce sont ceux-ci mêmes qui, parfois, me poussent réellement à faire un vœu. Toujours pieux. Ou toujours pas. Mais, assis ou debout, le handicap peut exister, car, le mieux est l'ennemi du bien. Alors, ne vous inquiétez pas. Partez sans moi. Marchez devant.